20 mai 2019

Le point sur l'activité des volcans Sangay, Hakone, Sinabung et Pavlov

Sangay, Équateur, 5230 m

Je fais passer plusieurs tweets à ce sujet et il me semble maintenant intéressant de faire une petite synthèse de la situation. La dernière éruption sur cet édifice s'était déroulée entre début août et début décembre 2018 et avait produit panaches de cendres et coulées de lave. Et depuis lors le calme était revenu mais depuis 1934 l'édifice est le siège d'une activité assez fréquente et il n'est donc pas étonnant qu'une nouvelle éruption ait débuté. Elle se déroule, comme les précédentes, au sommet.

Elle a démarré le 10 mai d'après les rapports détaillés publiés par l'IGEPN, qui a pu relever plusieurs indices indirectes à savoir:
- des signaux thermiques détectés par le satellite GOES 16. Voilà une image qui montre les signaux enregistrés entre le 10 et le 19 mai, en rouge le capteur VIIRS (satellite Suomi NPP), en orange par les capteurs des satellites AQUA et TERRA.


Signaux thermiques relevés depuis le 10 mai par divers capteurs. Image: FIRMS

Donnée complétée dès le 10 mai par l'observation d'un panache sur une image du satellite GOES 16.

- la survenue de signaux sismiques et acoustiques pouvant correspondre à des explosions.

Cette activité a été, par la suite, filmée par une caméra du réseau de surveillance ECU 911 orientée pile comme il faut. La séquence montre d'ailleurs une phase explosive soutenue et des projections très hautes qui retombent sur toute la zone sommitale.

Depuis la situation a évolué et une image prise le 17 mai par SENTINEL 2 permet de constater que l'éruption est devenue mixte: explosive au sommet, effusive (coulée de lave) sur une évent situé juste à l'est du sommet, juste en contrebas.
La coulée mesure, au moment de l’acquisition des données qui ont permis de composer l'image, quelques centaines de mètres de long. Les blocs qui se détachent de son front roulent jusqu'à une distance d'environ 3 km du sommet (la pente est raide, pas d'obstacle et on peut supposer, si le rayonnement infrarouge des blocs est perçu, que les morceaux sont de taille conséquente).

Les deux évents actifs, au sommet siège d'une activité explosive, sur le haut versant est, d'où est émise une coulée de lave. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Cette activité est globalement modérée, habituelle pour le Sangay.

Sources: IGEPN; SENTINEL2-ESA/Copernicus; FIRMS

Hakone, Japon, 1438 m

les volcanologues du Japan Meteorological Agency ont pris la décision, le 19 mai, d'élever le niveau d'alerte volcanique à 2 (sur une échelle qui en compte 5) pour le volcan Hakone, situé au sud-ouest de Tokyo, non loin du Fuji.

La situation actuelle n'est pas sans rappeler celle de 2015. En effet la crise qui a débuté se manifeste par une sismicité accrue dont les hypocentres (foyers) se localisent a deux endroits:

- une zone entre 0 et 3 km sous la surface: c'est une sismicité essentiellement superficielle donc. Cette sismicité se localise dans le même secteur qu'en 2015, à savoir près du lac Ashi. Cette sismicité semble se localiser près du rebord ouest d'une des calderas qui ont résulté (dans une très lointain passé) d'immenses phase d'effondrements. Ces calderas, dont on peut percevoir la limite en surface, sont délimitées par d'importantes fractures qui s'enfoncent sur plusieurs kilomètres de profondeur et où peuvent circuler plus facilement des fluides hydrothermaux: c'est l'une des causes de la présence d'un système hydrothermal très actif sur le volcan Hakone. Cette sismicité semble se produire à proximité de ces fractures.

- une zone située plus à l'est (plus loin du bord de la caldera et des fractures) avec des hypocentres un peu plus profonds, entre 4 et 7 km. Ils se trouvent à l'aplomb des dômes et coulées visqueuses produites lors d'éruptions précédentes (la dernière datée remonte entre les 12 et 13ème siècles).

Localisation des secousses vue par dessus (en haut; le trait courbe pointillé marque le rebord de la caldera) et par le côté (en profondeur, en bas). Deux zones distincts sont visibles. Image: extrait du rapport du 19 mai 2019 du JMA

Il est maintenant interdit aux visiteurs d'accéder à la vallée, très touristique, d'Owakudani où se localisent plusieurs évents hydrothermaux très actifs, où l'on fait en particulier bouillir des oeufs. Plus qu'un départ d'éruption, les autorités craignent avant tout la survenue d'explosions hydrothermales. Elle peuvent (souvenez-vous d'Ontake en 2014*, ou de Kusatsu-Shirane en 2018) survenir précipitamment et projettent boue chaude et acide, blocs de toutes tailles. Bref: pas compatible avec la présence humaine!


La situation est évidemment suivie de près par le JMA. Pour mémoire, en 2015, l'alerte avait grimpé jusqu’à 3, mais rien ne s'était produit finalement et la situation s'était progressivement calmée. Espérons que cela soit la même chose cette fois.

* je parlais à l'époque d'activité phréatique mais c'était une erreur: explosions hydrothermales uniquement.

Source: JMA

Pavlov, États-Unis, 2519 m

Les volcanologues de l'Alaska Volcano Observatory ont pris la décision d'élever, le 15 mai, les niveaux d'alerte d'un cran, passant ainsi l'alerte aviation au jaune et l'alerte volcanique à "Advisory" (à traduire dans le sens "avertissement", pas "conseil"). Ils ont en effet relevé une sismicité un peu plus intense qu'à l'accoutumée et, surtout, l'apparition d'un panache chargé de vapeur au sommet.

Il n'y avait pas eu de manifestation notable sur l'édifice depuis 2017, où le niveau d'alerte avait été élevé au jaune entre juin et août, mais la dernière manifestation éruptive (sortie de magma) remonte à mars 2016, suivie quelques mois plus tard (juillet 2016) de phases d'émissions de cendres pour lesquelles je ne connais pas la composition (cendres faites de lave neuve = éruption; cendres faites de laves anciennes et altérées = pas éruption mais activité post éruptive/phréatique etc).


Pour l'heure il n'y a pas d'activité éruptive en cours mais la situation montre une instabilité du système volcanique. Cela ne signifie pas qu'une activité éruptive va démarrer: l'instabilité, selon ses causes, peut stopper progressivement ou être précurseur d'une éruption et pour le moment on ne peux pas savoir quelle est la réalité. Mais la surveillanc est maintenant accrue, l'édifice étant situé à proximité de couloirs aériens, et l'injection de cendres dans l'atmosphère est évidemment cause de risques pour ce secteur.

Source: AVO/USGS

Sinabung, Indonésie, 2460 m

Quoi dire si ce n'est qu'après les (rares) manifestations volcaniques (pas forcément éruptives) de ces dernières semaines, les volcanologues du PVMBG ont pris la décision d'abaisser le niveau d'alerte volcanique, le mettant à 3. Le niveau 4 n'avait pas été quitté depuis le 24 novembre 2013 car l'activité était restée plus ou moins soutenue. Mais elle ne cesse de décliner progressivement et les quelques manifestations de ces dernières semaines ne semblent pas impliquer une remontée de magma. La déformation n'indiquent plus de pressurisation en profondeur, le taux de SO2 libéré est relativement faible. Il n'est pas impossible que, comme début mai, quelques manifestations explosives puissent encore se produire, et l'accès au sommet reste interdit.

Le retour à la normale complète (alerte 1) n'est pas pour tout de suite.  mais c'est la première étape v pour les habitants qui, pour certains, vivent depuis 6 ans hors de leur domicile (certains l'ont définitivement perdu) et c'est donc une très bonne nouvelle. C'est une éruption qui aura été très marquante, par son impact important (VEI 4 peut-être atteint le 24 novembre 2014 lorsque des chutes de cendres avaient été recensées jusqu'à la côte nord de Sumatra, à presque 80 km, mais VEI entre 1 et 2 la majeure partie du temps*). C'est aussi une éruption qui aura été observée et photographiée longtemps, plutôt bien documentée par l'image, sous des points de vue diverses, ce qui contribue évidemment à la rendre icônique.

* et l'on ne retient, d'une éruption explosive, que son VEI maximal atteint, ici 4. Cela ne signifie donc pas que l'activité explosive a été violente tout le temps, mais que le paroxysme a atteint 4, même si ça n'a duré que quelques dizaines de minutes sur une éruption de plusieurs années.


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