6 mai 2015

Un point sur la situation des volcans Turrialba, Ambrym et Hakone (mis à jour)


Turrialba, Costa-Rica, 3340 m

Le système d'alimentation de l'édifice reste instable et a de nouveau produit ces derniers jours des émissions de cendres plus mou moins importantes. Le premier mai déjà une brève émission de cendres, rapidement dispersées, avait pu être observée via la webcam de l'OVSICORI et ses time-lapses. Haute
de quelques centaines de mètres, elle n'avait causé aucun problème particulier.


Volcán Turrialba A las 8:36 de esta mañana (1 de mayo, 2015) se produjo una pequeña explosión en el volcán Turrialba,...
Posted by OVSICORI-UNA on vendredi 1 mai 2015

Puis le 04 mai une phase éruptive, toujours explosive, assez intense se déclenche en début d'après-midi, vers 13h20 (heure locale). Le panache bien chargé en cendres s'est élevé, bien vertical, sur une hauteur de 2500m cette fois avant que les cendres ne soient emportées vers l'ouest, retombant par la suite sur toute la zone appelée "Vallée Centrale"* où se situe la capitale, San José. Comme à chaque fois que des quantités de cendres un peu importantes sont émises, et emportées vers l'ouest, l'aéroport international a été mis en alerte, puis fermé quelques heures, avant de réouvrir dès hier. Les cendres ont pu été tracées  jusqu'au dessus de l'océan Pacifique, à plus de 100km à l'ouest du volcan.



Erupción Volcán Turrialba 04/05/2015 15:24. Esta erupción levantó una columna de ceniza de unos 2500 metros sobre la...
Posted by OVSICORI-UNA on lundi 4 mai 2015


Cette fois par ailleurs les volcanologues de l'OVSICORI ont pu repérer sur les images des bombes assez grosses projetées avec force à plusieurs centaines de mètres de hauteur, attestant du caractère puissant de cette activité: on comprend alors que les volcanologues ont eu parfaitement raison d'arrêter d’accéder au sommet: le démarrage de ces explosions est rapide et leur violence très variable. Cette phase a duré une grosse vingtaine de minutes puis a été suivie, au cours de la nuit, d'émissions pulsantes de cendres.



La expulsión de balísticos (rocas) en una erupción como esta es normal. Hemos mostrado anteriormente como algunas de...
Posted by OVSICORI-UNA on lundi 4 mai 2015


Le  point d'interrogation le plus important qui reste associé à ces explosions a répétition sur ce qui se passe réèllement dans le système d'alimentation de ce volcan. Mais la volcanologue Maria Martinez, membre de l'OVSICORI, met en avant le rôle centrale que semble garder l'eau dans cette histoire: l'activité explosive semble toujours bien liée à la mise sous pression de zones riches en eau (le terme "aquifères" est employé) par l'évaporation produite par une poche de magma. L'impression, j'emploie ce mot en conscience, qui se dégage de tout ça est celle d'une situation intermédiaire qui n'évolue pas vraiment pour le moment:
- une poche de magma est arrivée non loin de la surface mais sans y parvenir jusqu'à présent
- provoquant l'évaporation d'une zone très riche en eau qui se traduit par une activité explosive intermittente.
La profondeur de cette poche est assez faible pour permettre cette interaction avec le système aquifère, probablement le système hydrothermal de l'édifice dont on sait qu'il est très développé, mais aussi pour que des fragments de ce magma soient emportés par certaines explosions, puisque les analyses ont révélé sa présence, à un pourcentage plutôt modeste dans les dépôts.

La question centrale, celle à laquelle tout le monde voudrait une réponse par anticipation, que personne n'aura jamais au demeurant: comment cela va-t-il se finir?

Nous verrons bien, l'OVSICORI se charge de la veille. En attendant l'accès au volcan reste très restreint.


Mise à jour 20h56

Le volcan a de nouveau produit des cendres pendant une vingtaine de minutes aujourd'hui, en moins grande quantité qu'avant-hier toutefois: le panache ne s'est élevé qu'à une hauteur de 600m. Le vent, venant de l'ouest, a cette fois permis d'épargner la capitale.


Volcán Turrialba. 6 de mayo 2015 Video de las 9 a las 10:30 a.m. La emanación de vapor de agua y gases es constante (columna emanada de color blanquecino), a las 10 horas inicia la erupción de ceniza.
Posted by OVSICORI-UNA on mercredi 6 mai 2015


* car coincée entre deux zones de moyenne montagne: la cordillère volcanique centrale à l'est et la Cordillère de Talamanca, d'origine purement tectonique, sans volcanisme.

Source : OVSICORI-UNA



Ambrym, Vanuatu, 1334 m

Vous vous souvenez forcément qu'en février dernier une éruption latérale s'était assez brusquement (à priori puisque la sismicité n'est pas connue) déclenchée sur le versant sud-est du Marum, ennoyant une partie du plancher de la caldera, brûlant la végétation sur son passage. Cette éruption phase assez intense n'avait pas duré puisqu'elle semblait s'être arrêtée, ou en tout cas très largement atténuée, dans les 48 ou 72 heures suivantes. Cette activité n'avais pas, ou peut-être peu, affecté le lac de lave du Marum, toujours actif pendant l'effusion latérale.

Une coulée de lave sur le volcan Ambrym vue par le satellite LANDSAT 8, 20 février 2015
Sur l'image de droite, en date du 20 février, le front de la coulée sort de la zone masquée par l'abondant panache de gaz produit par les différents actifs dans la caldera: les lacs de lave du Benbow, celui du Marum, et la nouvelle fissure éruptive. Image: LANDSAT8 OLI/NASA-USGS

Une nouvelle image LANDSAT 8 permet d'avoir quelques données en plus concernant cet événement et, en particulier, la cartographie du nouveau champ de lave. Celui-ci s'est développé selon une  direction sud-est à partir de la source, située à environ 1900m au sud du lac du lave du Marum soit un poil plus que mon estimation personnelle, qui était de 1500m. La zone recouverte par la lave est large d'environ 450m (cela varie un peu selon les endroit où l'on fait la mesure) et longue au totale de presque 3000m. Sa forme indique qu'elle s'est mise en place dans une zone relativement régulière et en pente douce: elle est très peu chenalisée.
Je dois préciser ici que, faut de contraste entre ce nouveau champ de lave et d'autres plus anciens, il est possible que la limite ci-dessous proposée soit inexact. En conséquence je considère cette interprétation comme une estimation basse.


Le nouveau champ de lave du volcan Ambrym vu de l'esapce, 24 mars 2015
Le nouveau champ de lave du volcan Ambrym, formé en février 2015. Images: LANDSAT 8/NASA-USGS
La surface de ce nouveau champ de lave n'est pas très grand: environ 1.4 km² . Les coulées semblent avoir été de type "aa" dont l'épaisseur peut varier entre 3 et 20 m (cette dernière mesure étant souvenant relevée à l’extrémité des coulées, plus épaisses que les partie situées à proximité de al source). Si on prend la moyenne, donc 11.5 m pour une coulée de type "aa", on obtient un volume moyen possible pour ce champ de lave de 11 millions de m3 environ. Cela n'est qu'une estimation qu'il conviendrait de corriger soit par des mesures satellites de haute résolution, soit par des relevés de terrains, plus longs et à la logistique plus coûteuse.

Source: LANDSAT 8/NASA-USGS



Hakone, Japon, 1438 m

Cela fait déjà plusieurs jours que le Japan Meteorological Agency indique, par le biais de bulletins quotidiens, que des modifications se font jour sur le volcan Hakone, une destination touristique importante pour les Japonais vivant dans la zone de Tokyo (le centre de la capitale n'est qu'à environ 80 km mais sa périphérie n'est qu'à 30 km du volcan).
C'est un stratovolcan ouvert par une vaste caldera, large de 9km et longue de 12, partiellement comblée par des dômes et des coulées visqueuses. Il n'est séparé de son majestueux voisin, le Mont Fuji, que par une vallée densément peuplées (villes de Gotenba, Susono et Mishima près de la côte). Il n'a pas fait d'éruption historique, sa précédente connue remonte entre 1150 et 1300 de notre ère.

Le volcan Hakone et sa caldera.
Le volcan Hakone et sa caldera, vus sur Google Earth

Le volcan connais en effet depuis fin avril un pic de sismicité, essentiellement des secousses d'une magnitude inférieure à 2 et dont les hypocentres (la zone souterraine où elles se produisent) sont en majorité situés entre 0 et 2 km de profondeur, avec une seconde source sismique située vers 5 km.


Sismicité sur le volcan Hakone
Localisation des hypocentres des séismes de la crise en cours (en orange).Image: JMA

Sismicité quotidienne sur le volcan Hakone
Localisation des secousses chaque jour. Image: JMA


Des déformations légères sont enregistrés simultanément et font craindre une éventuelle phase plus active, d'autant plus qu'il semble que l'activité fumerolienne se soit accrue sur un site déjà conu pour son dégazage. Pour le moment les volcanologues japonais ne semblent pas pencher pour une éruption importante en préparation, mais plutôt pour une déstabilisation du système hydrothermal du volcan, avec risque d'explosions phréatiques . L'éruption du volcan Ontake est forcément toujours très présent dans les mémoires.

Déformation sur le volcan Hakone
Relevé des déformation depuis juin 2014. On note dès la fin avril une brusque modification, en lien avec la sismicité. Image: JMA
Quoi qu'il en soit, l'information fait le tour du monde mais il faut savoir que ce type de situation a déjà été enregistrée de nombreuses par le passé sur ce volcan, début 2011 et début 2013 par exemple sans que cela ne débouche sur une activité explosive. Toutefois il est évident que la prudence reste de mise, raison pour laquelle il est demandé aux personnes visitant le site de ne pas s'approcher des zones actives.

La crise se poursuivant pour l'heure , le niveau d'alerte a été élevé à 2 aujourd'hui par le JMA (Japan Meteorological Agency).

Mise à jour, 18h12

La zone de fumerolles dont l'activité a augmenté se trouve dans une vaste vallée issue d'un glissement de terrain: la vallée d'Owakudani, ouverte sur le flanc nord des dômes du volcan Hakone. Il s'agit essentiellement de fumerolles de vapeur d'eau riches en soufre et c'est ce site qui est réputé pour les touristes en particulier grâce aux œufs cuits dans l'eau bouillantes des sources de la vallée: selon la croyance populaire, manger ces oeufs augmente l'espérance de vie.
L'une des fumerolles en particulier semble avoir gagné en vigueur et se manifeste maintenant sous la forme d'un panache d'une centaine de mètres de hauteur, résultat d'une puissant jet de vapeur.

Jet de vapeur plus puissant que la normale sur le volcan Hakone, 06 mai 2015
Un puissant jet de vapeur dans la vallée d'Owakudani.Image: JMA
Je rappelais plus haut que de nombreuses crises de ce type ont été enregistrées par le passé. Les études qui ont été menées à leur sujet ont aboutis à plusieurs conclusions.
Tout d'abord le sous sol du volcan est visiblement très fracturé et le réseau de fissures qui s'y trouve est plutôt orienté verticalement. Ces fractures, quasiment parallèles, sont remplies de fluides et, lorsqu'elles sont déstabilisées, peuvent générer des crises sismiques et des déformations de la croûte. Ce fut le cas à plusieurs reprises, en particulier au moment du passage des ondes du séisme de Tokohu, le 11 mars 2011: le système volcanique avait alors régit fortement par une crise sismique qui avait compté plus de 1600 secousses.

Réaction du système volcanique Hakone au passage des ondes du séismes de Tokohu, mars 2011. Image: Y.Yukutahe et al, 2011.

Le suivi de la composition des gaz émis par l'activité fumerolienne a permis de constater des changements associés aux crises sismiques de 2001 (la plus importante répertoriée depuis le début du suivi sismique de ce volcan, en 1968), 2006 et 2008. Ce changement sont cohérents avec l'apport de gaz en provenance d'une source magmatique profonde, supplément à même de déstabiliser les équilibres qui s'installent dans les systèmes hydrothermaux, et de générer ces crises. Il faut bien comprendre ici que le magma ne participe jamais directement mais constitue seulement la source de chaleur et de fluides qui s'échappent à la surface.

Il faut redire combien ces systèmes hydrothermaux sont complexes, constitué de paramètres d'ordre  physiques, chimiques, thermodynamiques et mécaniques, paramètres qui varient non seulement latéralement (du nord au sud et d'est en ouest), mais aussi en profondeur, et qui sont particuliers à chaque volcan. Cela revient à dire que personne (et je ne suis pas certain que ce soit humainement possible) ne peut anticiper la conclusion à une telle situation de déstabilisation: explosion ou pas?
La règle de base qui s'applique est, évidemment, celle du risque minimum: interdiction d'accéder à la zone par les autorités, jusqu'à ce que les volcanologues aient une vision plus claire de l'évolution de la situation.

Source: JMA

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