8 mars 2021

Volcan Merapi : un rapide point sur la situation

C'est un point rapide mais qui donne réponse à une question qui m'a été posée le 21 février par Ludovic Leduc dans les commentaires du sujet concernant les paroxysmes de l'Etna. Et à l'époque je n'avais pas d'infos précises pour lui donner réponse mais comme j'ai vu passer un détail intéressant, je me dit qu'un rapide petit post peut faire l'affaire.

La question concernait le déroulement de l'éruption qui, pour l'heure demeure exclusivement extrusive, c'est  à dire que l'émission du magma ne se traduit que par la construction d'un dôme de lave, qui s'effrite dans la pente, formant de nombreuses avalanches de blocs (bien nourries pour certaines). Ludovic avait vu passer une info indiquant la possible présence de deux dômes au sommet : celui que l'on voit sur les webcams et un second qui se serait trouvé dans le cratère sommital. 

Et puisque je ne peux répondre qu'en fonction des éléments que j'ai à disposition, ma réponse avait été : c'est possible mais rien de particulier ne semble l'indiquer, on va voir comme ça évolue dans le temps (c'est l'idée, voir commentaire pour trouver les mots exactes).

Et ben.....ça évolue en effet. Dès fin février j'avais répondu dans les commentaires que des lueurs pouvaient, parfois, être vues au-dessus du sommet. Mais à quoi les attribuer? Du dégazage? Un dôme déjà présent avec quelques éboulements? Sans images directes, on peut toujours aligner des idées, mais ça n'éclaire pas beaucoup plus.

Les données radar de SENTINEL 1, en animation ci-dessous, suggéraient toutefois la présence d'un second dôme de lave dans le cratère sommital cette fois, contre la paroi nord-ouest. Pas loin du dôme de lave principal mais séparé de lui par la paroi rocheuse dont j'ai parlé dans ce post. Ce second dôme grandirait derrière le dôme de 2018-2019, ou ses restes.


Ce qui ressemble à deux dômes de lave en construction au sommet du Merapi. Images : SENTINEL 1

Vous aurez remarqué que j'ai gardé le conditionnel car, soyons honnêtes, l'animation radar ci-dessus  manque de résolution pour être sûr.

Mais toutefois l'interprétation est bonne et le conditionnel pour être remplacé par l'affirmative : oui, il y a un second dôme de lave en croissance au sommet du Merapi! Et ce changement de conjugaison est rendu possible par la séquence ci-dessous, fournie par VoclanoYT. Elle montre essentiellement la croissance et l'effritement du dôme externe au cratère  (disons le dôme 1 de cette éruption), mais regardez à partir de 4'11".


Une avalanche de blocs incandescents débaroule sur le haut versant sud, via l’échancrure laissée par l'activité éruptive intense de 2010 au sommet de l'édifice! Et cela signe la présence d'un dôme de lave dont on peut supposer qu'il est assez volumineux maintenant pour que les fragments qui s'en détachent passent dans la pente externe de l'édifice.

Nous avons donc là une situation assez unique d'une éruption produisant deux dômes de lave séparés d'environ 200-250 m à vol d'oiseau mais surtout séparés par une paroi rocheuse! 

On pourrait trouver ça juste cocasse, mais cela signifie avant tout que, progressivement, la zone à risques liées aux avalanches de blocs et à de futurs potentiels écoulements pyroclastiques vient de fortement s'agrandir.

Pour le moment cela reste une activité modeste mais encore une fois cela ne signifie pas qu'il ne peut y avoir aucune phase intense (exemple du Sinabung il y a quelques jours par exemple). Le dôme 1 en particulier, reste pour l'heure dans une sorte d'équilibre entre le débit qui le construit et son instabilité qui l’effrite  (un débit qui le détruit si je puis dire). Et tant qu'un gros volume ne se décroche pas, il n'y a pas d'écoulements pyroclastiques.

La situation reste à suivre de près mais, clairement ce n'est pas si simple de le faire (en particulier parce que les nuages sont souvent présents).

Sources : SENTINEL 1; Volcano YT; et merci à @ShérineFrance d'avoir partagé la vidéo!

10 commentaires:

  1. Salut CV,

    Bon, au moins, on a la confirmation.
    Tu parles d'une situation unique, y a t-il à ta connaissance d'autres exemples passés de dôme actifs en simultané sur un même volcan ?

    Merci en tout cas pour les images, c'est intéressant !
    Bonne journée,

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  2. Bonjour Ludovic. Là tout de suite, de mémoire, rien ne me vient sur une situation vraiment comparable. Après, ce que je trouve étonnant surtout c'est la présence d'une paroi rocheuse entre les deux dômes : comment ça se fait que la paroi soit encore là??
    Bonne journée aussi
    CV

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    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    2. Je ne comprends pas trop ta remarque.
      Car la formation d'un dôme n'impacte pas directement le relief à proximité... La sortie du magma est globalement assez tranquille, donc il n'y a pas de raison que cette paroi s'effondre ! Sauf si celle-ci est vraiment mince et que le ou les dômes s'appuient vraiment dessus, mais as-tu des indices sur la "morphologie" de cette paroi pour le penser ?

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    3. Non je n'ai rien de précis sur la paroi. Je me demandais surtout comment, alors que le magma était en cours d’ascension, et qu'une déformation importante du sommet avait été détectée dès octobre 2020, comment le dyke, en arrivant vers la surface, a pu se "scinder en deux parties", plutôt que de fracturer toute la zone, avec la paroi au passage.
      Pour le dire autrement : l'impression que ça donne c'est que la présence de la paroi a joué un rôle dans l’évolution morphologique du dyke : la fracture n'a pas pu s'ouvrir sur toute la longueur et le magma n'est sortit qu'en deux points (et pas simultanément à priori, mais là je vais rester prudent parce qu'en fait, j'en sais rien).
      Et si c'est vraiment comme ça que c'est fait, alors j'aimerais qu'une modélisation des contraintes mécaniques puisse être réalisée pour mettre en évidence le rôle de la présence de cette parois dans le fait qu'il y ait 2 dômes de taille réduite plutôt qu'un seul.
      Autre façon de voir les choses : est-ce que la paroi, en supposant qu'elle a bien forcé le magma a sortir en deux points distincts, ne rend pas l'éruption globalement moins dangereuse puisque le débit est répartit sur deux points, avec une partie du magma qui, au lieu de sortir dans la pente, sort sur une zone quasi plate notamment.
      Tiens ça me donne une idée de sujet, mais là je sais pas quand je vais pouvoir rédiger....Trop de choses à faire! La vie quoi! Et puis faut garder un oeil sur l'Etna, le trémor reste bas tout de suite (13h22 heure locale) mais la moyenne a une pente positive depuis cette nuit...

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  3. Bonjour,
    Comme toujours excellenes ananlyses!!
    En ce qui concerne les deux domes au Merapi, je pense que le phénomène s'est déjà produit au début des années 50. Un en direction dans le cratère, qui était à cette époque ouvert vers l'Ouest(depuis la grande éruption de 1930) et l'autre vers le N hors de celui-ci. Le dome N cessa rapidement sa croissance et le dome ouest focalisa láctivité pour les ~80 années qui suivirent
    Le dome Ouest devrait bientôt cesser de croître, au profit de celui qui pousse dans le cratère (ouvert depuis le SE depuis l'éruption de 2006).
    Mais il y a quand même une grosse crainte,qui s'était renforcée à la fin de l'année en raison de l'importante déformation du flanc Sud, et c'était le scénario d'un effondrement de tout le flanc sud du volcan. La déformation semble désormais stabilisée, et donc ce scénario qui donnait assez froid dans le dos semble désormais moins probable.

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    1. Bonjour Robin, et merci! Pas toujours facile de donner des interprétations cohérentes avec les infos glanées sur le web, donc tu me rassures :).
      Pour la morphologie du sommet le GVP a quelques images d'archives vraiment impressionnantes si certains lecteurs-trices veulent aller voir. Je te remercie pour les détails concernant les années 50 : je ne savais pas que la configuration avait eu lieu à cette époque, faudrait que je vois dans ma biblio si je trouve des détails, c'est toujours intéressant.
      Autre chose me viens en tête au passage. En 2013 une activité phréatique a ouvert une fracture (celle dans laquelle est sorti le dôme de 2018). Toute une étude a été faite à ce sujet mais ce qui m'intéresse c'est qu'elle était ouverte à environ N135 (NW-SE), correspondant à une direction tectonique d'ampleur régionale (alignement des volcans Ungaran-Telomoyo-Merbabu par exemple). Mais si on part du principe (à confirmer donc) que c'est un dyke qui alimente les deux dômes, leur alignement indique un dyke orienté quasiment Nord- nord-est Sud-sud-ouest, ce qui correspondrait peu ou proue à une direction conjuguée de la fracture de 2013 et, au passage, c'est quasiment l'alignement du sommet avec ll'épaulement de Pasar Bubrah . Je serais donc assez curieux de savoir comment s'explique ce changement. Comment expliquer que ce n'est pas la direction N135 qui ait été la plus simple pour le dyke alors qu' elle semblait la plus favorable depuis plus de 10 ans?
      Voilà, je me pose la question mais elle ne trouvera une réponse que si il y a bien un dyke ~ NNE-SSO. Sinon, ça sera juste un délire personnel :).
      Encore merci et bonne journée!
      CV

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    2. Sympa l'échange ! ;)

      Je pense toutefois qu'il faut modérer un peu ton propos Robin (même si tu utilises le conditionnel) à propos du "dôme ouest qui devrait cesser de croître, au profit de celui qui pousse dans le cratère" car pour cela, tu te bases sur une seule observation ancienne... Rien n'indique pour l'instant que l'un ou l'autre s'arrêtera et a fortiori que ce soit le dôme ouest. À moins que j'ai manqué quelque chose ?

      Bonne journée à tous les deux,

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  5. Je pense que quand on a une telle accumulation de matière (le Merapi domine les alentours de presque 2500m, et un sommet fait de la juxtaposition assez précaire de très nombreux domes de laves individuels, la tectonique régionale perd de son importance dans le contrôle structural des volcans au profit des hétérogénéités locales, la distribution des masses et de l'effet que la gravité excerce sur celles-ci.

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