5 mars 2021

Le point sur la situation aux volcans Pacaya, Krýsuvík, Veniaminof et Pinatubo

Ce début d'année 2021 est, du point de vue du volcanisme, loin d'être calme!  En plus d'Etna et Sinabung, voilà quelques autres situations, qui ne sont pas toujours très claires. Ces derniers jours je me sens comme les analystes de Ghost in the Shell...... mais en moins performant.

Aller : c'est partit!!

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Pacaya, Guatemala, 2569 m

L'activité éruptive se poursuit et reste soutenue sur le Cône Mac Kenney, le principal cône actif du volcan Pacaya. En plus du maintient de l'activité effusive sur le versabt sud-sud-ouest, qui se présente sous la forme de trois coulées principales, le sommet a été le siège d'une activité explosive intense en particulier hier, sous la forme d'une quasi-fontaine de lave, source d'un important panache de cendres et lapilli.


La production de ces émissions soutenues de cendres semble se faire par intermittence, puisqu'une nouvelle était en cours le 04 mars vers 08h00 du matin (heure locale). Au cours de ces phases, des projections de bombes jusqu'à une hauteur de 300 à 500 m sont décrites. Toutefois, au cours de la matinée du 04 mars, l'INSIVUEH publié un bulletin spécial indiquant une baisse significative de l'activité (et de la sismicité associée).

Ce type de séquence d'activité intense n'est pas très  fréquent au Pacaya mais pour autant n'a rien de nouveau :  2010, 2000, 1987 sont quelques exemple d'années où de spectaculaires phases éruptives ont eu lieu (et certaines plus intenses encore que celle du 03 mars).

L'activité éruptive reste donc globalement élevée sur ce système volcanique.


Sources: CONRED; INSIVUMEH; Rudiger Escobar Wolf


Krýsuvík, Islande, 360 m

Depuis le 24 février une crise sismique intense, comme il en advient de manière assez fréquente en Islande, secoue la péninsule de Reykjanes, plus précisément à 25 km au sud-ouest de la capitale Reykjavik et 10 km au sud-est de la petite ville côtière de Vogar, entre deux reliefs : Keilir et Fagradasfjall. Ce secteur de la péninsule fait partie d'une zone volcanique appelée Krýsuvík (les rédactions des journaux respirent, c'est pas trop compliqué à prononcer), dont la dernière éruption remonte au 14ème siècle.

Crise marquée dès le départ par une secousse de magnitude supérieure à 5 (très forte donc) ce qui n'est, pour le coup, pas fréquent sur l'île. L'interprétation des données a, au départ, interprété la source de cette crise comme purement tectonique, c'est-à-dire des secousses produites par la rupture des roches qui sont en permanence mises sous contrainte. En l'occurence le mouvement détecté était décrochant sénestre, c'est-à-dire ni un étirement (éloignement) ni une compression (rapprochement) mais un mouvement  latéral au cours duquel chaque côté de la faille se déplace vers la gauche (relativement à l'autre).

 

Mouvement décrochant senestre  détecté via des données radar. Image : Icelandic Met Office, à partir de données SENTINEL 1

Mais au 03 mars les données de déformations et les caractéristiques de la sismicité, avec enregistrement de phases de trémor, ont incité les volcanologues Islandais à envisager qu'une partie de cette sismicité pouvait être due aussi à une ou plusieurs intrusions magmatiques en cours. Par ailleurs les caractéristiques de cette sismicité ayant des points commun avec ce qui avait pu être observé comme précurseur d'autres éruptions en Islande, il a été décidé, par prudence, d'élever le niveau d'alerte pour le système volcanique de Krýsuvík à l'orange, alors même qu'aucune activité éruptive n'a débuté, et sans que les volcanologues puissent être sûrs qu'il y en aura une.

Les autorités civiles ont bloqué des routes d'accès à la zone "ou cas où" et, parce que des opérations héliportées pouvaient être programmées, le survol par drône de loisir a été interdit dans cette zone de l’espace aérien. L'aéroport de Reykjavik se tient aussi prêt à annuler ses vols et garder les avions au sol en cas de démarrage d'une éruption, le temps de voir comment elle se déroule. En attendant, le média Vikurfrettir, dont les bureaux sont logés à Reykjanesbær (là où il y à l'aéroport international), à mis en ligne une webcam qui pointe sur la zone, webcam sur laquelle on voit très bien la butte nommée Keilir.

 



Dans ce secteur l'activité éruptive se manifeste avant tout sous la forme de fissures d'où le magma émerge sous forme de fontaines de lave et, surtout, de coulées de lave. Les volcanologues ont donc dores et déjà simulé les trajectoires possibles d'éventuelles coulées de lave, qui sont strictement contrôlées par la topographie, le débit et la durée de l'éruption notamment.

Certaines trajectoires possibles de coulées de lave en cas d'éruption. Attention : une éruption ne produirait pas forcément l'ensemble des coulées présentes sur cette simulation : beaucoup dépendra du lieu de l'éruption et de la morphologie de l'évent (très local ou longue fissure). Image : ES volcanology&natural hazard group

 

Il est clair que ni la capitale ni l'aéroport ne sont menacés directement par des coulées, même dans le pire scénario. Par contre les gaz et cendres volcaniques pourraient poser des problèmes d'ordre sanitaire pour la capitale (respiration de gaz toxiques) et plutôt techniques pour l'aéroport, les cendres étant des matériaux abrasifs.

Donc pour faire un rapide bilan sur cette situation:

- une telle crise sismique en Islande n'est pas du tout rare, même sis celle-ci se démarque par la survenue de deux secousses de forte magnitude.

- l'essentiel de la sismicité semble d'origine tectonique mais une origine en partie magmatique n'est pas exclue 

- la zone est stratégiquement sensible puisque l'aéroport international et la capitale ne sont pas loin

- Le démarrage d'une éruption est une possibilité qui ne peut être exclue même si la probabilité ne semble, à ce stade, pas grande.

* et pour l'heure il n'existe, à ma connaissance, aucun calcul de probabilité quand à la concrétisation de cette possibilité

Sources : IMO; ES volcanology&natural hazard group; Vikurfrettir

 

Veniaminof, États-Unis, 2507 m

Et comme l'actualité volcanique du moment ne suffisait pas , voila que vient se rajouter un changement du niveau d'alerte aviation, élevé le 04 mars à l'orange par l'Alaska Volcano Observatory. Leur système de surveillance à détecté des infrasons caractéristiques d'explosions et la webcam de la Federal Aviation Administration a permis de voir des émissions de cendres soutenues. Je me demande d'ailleurs si, sur l'image en dessous, il n'y pas des traces de cendres au sol, direction sud ou sud-ouest alors que le panache va, sur l’image, plutôt en direction du nord-est ce qui impliquerait un démarrage à minima plusieurs heure plus tôt.

Les émissions de cendres bien visibles au matin du 04 mars. Image :FAA

Le trémor ne semble pas avoir varié de manière significative depuis 3 jours et sur les images de nuits on ne voyait pas particulièrement de lueurs incandescentes. Pour autant il faut signaler qu'un signal thermique a été détecté par l'instrument VIIRS embarqué dans le satellite Suomi-NPP.

Un signal thermique capté depuis l'espace. Image : Suomi-NPP; NOAA; CIMSS

Affaire à suivre.

Sources: AVO; FAA; Suomi-NPP; NOAA; CIMSS

 

Pinatubo, Philippines, 1486 m

Pas grand chose à dire pour le moment mais il faut tout de même signaler que les volcanologues Philippins  ont pris la décision, le 04 mars, d'élever le niveau d'alerte de l'édifice d'un cran, le passant de 0 à 1, en raison d'une sismicité un peu plus intenses que la normale depuis le mois de janvier : ils décrivent plus de 1700 secousses depuis le 20 mars répartie en clusters (et oui encore des clusters!!!) localisés entre 10 et 30 km de profondeurs sous l'édifice, donc au sein de la croûte terrestre.

Pour le moment pas de modifications de paramètres telles que la compositions des fumerolles ou des sources avoisinantes : si du magma est responsable il ne s'est pas encore approché de la surface mais la situation mérite d'être surveillée de près car un magma peut migrer relativement rapidement.

Dans le système d'alerte Philippin l'alerte 1 correspond à des paramètres (ici la sismicité) en dehors de la normale et l’interprétation la plus probable à ce soit est plutôt à chercher dans une activité tectonique ou hydrothermale. C'est lorsque l'hypothèse magmatique devient plus forte que le niveau d'alerte est élevé à 2. 

Pour le moment donc la vigilance est de mise, en particulier pour l'ascension au sommet, mais les volcanologues ne décrivent pas un danger imminent.


Note d'inforamtion et de précention en lien avecle changement d'alerte. Image: PHIVOLCS
 

Source : PHIVOLCS

2 commentaires:

  1. Merci pour cette revue d'actualité (et pour la référence à Ghost in the shell ; -) )

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    1. Bonsoir Pierre-Alain. Là ça valait le coup de développer un peu sur le blog vu les différentes situations. Et pour la référence à Ghost in the Shell: j'ai pas pu résister! Culte!
      CV

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