27 mars 2020

Un point sur l'activité aux volcans Nyamulagira, Merapi (mis à jour x4) et Ol Doynio Lengai

Nyamulagira, République Démocratique du Congo, 3058 m

Depuis le post précédent, en février, les images ont a nouveau été masquées par des nuages , ne laissant que peu de chance de se faire une idée concrète de l'état du débordement. Toutefois, on pouvait être sûr qu'il se poursuivait, grâce à:
- la présence, malgré les nuages, de zones à haute température au niveau de la vasque qui était remplie par les coulées
- le fait de pouvoir visualiser ce remplissage grâce aux images radar de SENTINEL 1, dont la résolution (et l'interprétation qui en découle), par contre, n'est pas aussi bonne que des images basées sur des longueurs d'onde plus courtes*.

Le remplissage de la "vasque" (ancien Pit Crater?) entre janvier et mars 2020. Images: SENTINEL 1 - ESA/Copernicus
On peux noter que le Pit Crater où a lieu l'éruption a lui-aussi continué de se remplir.

Cette activité est restée modeste et la question de savoir si elle se poursuit ou nom se pose évidemment.
Côtés indices, le MIROVA note un baisse significative de l'intensité du rayonnement thermique mesuré depuis fin février, mais à contrario une image satellite faite le 13 mars par SENTINEL 2 permet de constater que l'activité se poursuivait à ce moment-là. Une apparente contradiction qui permet de supposer que la baisse de l'intensité du rayonnement thermique était dû en particulier à la présence persistante de nuages.

Le 13 mars l'effusion était encore en cours, le rayonnement thermique était assez fort pour passer à travgers une couche de nuages. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Toutefois cela n'empêche pas que l'activité semble s'être un peu calmée. Car sur l'image prise le 23 mars et qui, pour le coup, est bien dégagée, on peut voir que le rayonnement thermique du nouveau champ de lave (celui qui relie le Pit Crater au remplissage de la "vasque") est bien affaiblit. On a plutôt l’impression d'avoir à faire à une masse de roche statique en cours de refroidissement. Le fait que l'image soit dégagée permet par contre de constater que la vasque a pu être totalement remplie, puisqu'il y a un débordement de sa rive nord-ouest. Le Pit Crater où a lieu l'éruption est, quand à lui, plein à ras bord aussi.



Donc pour le moment la situation n'est pas parfaitement claire, mais il semble que l'activité soit moins dynamique que jusqu'à mi-mars.
Affaire à suivre.


* Je parle ici des longueur d'onde visibles et infrarouge qui sont dans les nanomètres-micromètres voir jusqu'au mm, alors que les ondes radar ont des longueurs d'onde en centimètres, dizaines de centimètres.

Sources : SENTINEL 1 et 2 ESA/Copernicus

Merapi, Indonésie, 2968 m

Nouvelle phase explosive relativement forte (pas énorme non plus) aujourd'hui, et j'ai l'impression de me répéter mais ça fait à peine plus de 3 semaines que la précédente avait eu lieu (03 mars dernier, pour mémoire).  Elle s'est produite juste avant 11h00 (heure locale) et avant d'entrer dans le détail, il est important de noter qu'elle n'a été précédée d'aucune sismicité particulière.

Évolution de la sismicité depuis décembre 2019. Image : MAGMA/VSI

Pour en revenir sur cette phase explosive, qui a été suivie de chutes de cendres et lapillis dans les secteurs habités proches, ont la revivre grâce au timelapse produit par volcanYT


Bon, maintenant, quand on regarde dans le détail, il y a quelques chose d'intéressant : l'activité explosive n'a pas eu lieu sur 1 mais 2 évents distincts. L'évent principal de cette phase se trouve sur la droite de l'image (grosso modo à l'ouest du dôme), c'est à son niveau que démarre l'activité explosive, et elle va s'y poursuivre tout du long.
Mais lorsqu'on regarde plus attentivement, on peut noter qu'à la 17ème seconde de la vidéo émerge une volute blanche à gauche de l'évent actif (plutôt à l'est ou au nord-est du dôme) et, à la 22ème secondes, c'est une panache de cendres qui démarre à cet endroit, bien distinct du premier évent. Un évent plutôt à l'ouest et l'autre plutôt à l'est : ça n'est pas sans rappeler l'explosion du 3 mars, qui, elle aussi, avait eu lieu de part et d'autre du dôme.

Localisation de l'évent où démarre l'activité explosive. Image: VolcabnoYT

L'activité démarre sur un second évent, plus à l'est ou nord-est. Image: Volcano YT


J'ai un doute sur la suite des événements, mais j'ai l'impression (notez bien que ce n'est qu'une impression) que des émissions de cendres se produisent ensuite entre l'évent 2 et l'évent 1, le tout semble plutôt aligné. Une fracture se serait-elle ouverte sous la pression?
Il faudra surveiller ça par la suite, tout comme le fait de savoir si, oui ou non, le dôme est affecté par cette activité. Sur les images radar SENTINEL1, ce n'est pas clair en tout cas.
Le reste de la journée a été calme mais le début de nuit a été visiblement été parquée par une seconde phase explosive, bien moins intense, à 21h46 heure locale d'après le BPPTKG - PVMBG, organisme en charge de la surveillance de l'activité volcanique notamment.

Seconde activité explosive du 27 mars, le soir peu avant 22h00 (heure locale). Image : BPPTKG - PVMBG

La cause de ces phases explosive n'est pas encore élucidée :soit de lentes mises en pression par des phénomènes superficiels, soit une mise en pression suite à la mise en place d'une poche de magma (ne pas oublier qu'il ya eu un pic de sismicité en février).

Là encore, la situation est à surveiller de près.

Mise à jour, 28 mars, 07h56

Une nouvelle explosion, la troisième en moins de 24 heures, a eu lieu. Elle s'est produite à 05h21 (heure locale) et généré un panache haut d'environ 2000m.

Panache de cendres au levé du jour, vu depuis le nord (la zone de campement de Pasar bubar). Image : BPPTKG - PVMBG

Panache de cendres au levé du jour, vu depuis le nord (sommet du Merbabu). Image : BPPTKG - PVMBG


C'est donc à nouveau une activité explosive modérée qui a eu lieu, mais c'est le fait que ce soit la 3ème en peu de temps donne à la situation une résonance particulière : ce n'est pas souvent que les explosions sont si rapprochées.

Pour le moment le niveau d'alerte reste à 2.

Mise à jour n°2, 28 mars, 15h04

Nouvelle explosion en début de nuit (19h25 heure locale), la n°4 en un peu plus de 24 heures donc. Toujours une explosion modérée, source d'un panache de cendres d'environ 3000m de hauteur cette fois. La situation est donc à surveiller de près car il n'est pas fréquent que les explosions s'enchainent comme ça.

En cours de nuit, la caméra thermique est très utile pour surveiller l'activité. Image : BPPTKG - PVMBG

Mise à jour n°3, 28 mars, 19:06

Bon be, la série continue avec une 5ème explosion, toujours modérée, à 00h15 (heure locale, le 29 mars donc en Indonésie). C'est quand même une belle série et la question "est-ce que ça va déboucher sur une activité plus soutenue", qui va avec l'autre question "est-ce que tout cela est du à une arrivée de magma, même en petite quantité?", est évidemment ouverte.

Explosion n°5 peu après minuit. Image : BPPTKG - PVMBG

Mise à jour n°4, 29 mars, 09h09

Pas de nouvelles explosions depuis la n°5 mais je tenais à vous montrer le graphique de la sismicité, qui a évolué. En effet on peu noter qu'un nouveau pic, presque aussi important que celui de février, est en cours, et est largement dominée par les signaux produits par les explosions (Letusan), le dégazage (Hembusan), des blocs qui roulent dans la pente (Guguran), sans qu'on connaisse leur origine (ceux projetés par les explosions? Des morceaux du dôme en cours de refroidissement qui se détachent?).
Il y a aussi pas mal de signaux basse fréquence, souvent associés à la percolation de fluides, mais assez peu de signaux hybrides qui, souvent, sont liés à des mouvements de magma.
Cela ressemble donc à un pic de sismicité dont l'essentiel est superficiel.

Évolution de la sismicité : le pic à droite est en lien avec les explosions successives. Images : MAGMA/VSI


Sources : BPPTKG - PVMBG ; Volcano YT; MAGMA /VSI

Ol Doynio Lengai, Tanzanie, 2962 m

Que dire sur la situation là-bas, si ce n'est à peu près la même chose quand le post précédent (qui date de février 2019 tout de même...ça commence à dater).

Bon, l'activité se poursuit et elle reste intermittente à priori.
Du moins: peut-être qu'elle est continue mais se manifeste la plupart du temps par un clapotement de carbonatite en fusion au fond des hornitos (auquel cas c'est une activité non directement visible et/ou détectable) et, parfois, augmente ce qui se parque par des débordement, comme celui du mois d'août 2019 par exemple, et d'autres qui ont suivi.

L'accumulation de carbonatite se poursuit donc et, du coup, le niveau du plancher cratèrique continue d'augmenter et de se rapprocher tranquillement de la lèvre du cratère.

Alors, on n'est pas encore au débordement, mais quand on regarde les images radar de SENTINEL 1, on peut constater que le plancher commence à être détecté par le faisceau radar, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
En effet le faisceau radar est émis de manière oblique et est renvoyé après avoir frappé le sol. Mais lorsqu'il y a un trou, comme le cratère du cône sommital, le faisceau n'atteint pas fond, qui reste noir.
Maintenant un signal est renvoyé par une partie du plancher : il est assez haut pour être frappé par le faisceau.

Alors par contre, sur le time-lapse ci-dessous, accrochez-vous bien pour le repérer! Regarder le bord droit du cratère : vous allez-voir progressivement apparaitre une petite tâche jaune, qui disparait lorsque le gif reboucle (c'est à ce moment-là qu'on repère le plancher, d'ailleurs.



Difficile par contre d'estimer son niveau. Dans les bulletins du GVP on peut lire qu'en juin 2009 la profondeur du cratère (il était encore tout neuf, 2 ans à peine à ce moment-là et peu de carbonatite au fond) était estimée à 80m, ce qui doit être la hauteur de la partie verticale de la paroi. La hauteur la plus grande, entre la lèvre du cratère et le fond était estimé dans un autre bulletin, à 120 m.

Les données SENTINEL 1 suggèrent donc que le remplissage n'est pas anecdotique. Mais reste-t-il 40, 50, 60 m de hauteur avant de pouvoir à nouveau descendre sur ce plancher carbonatitique?

Comme toujours, la patience sera la seule réponse...

Source : SENTINEL 1-ESA/Copernicus


4 commentaires:

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  2. Salut CV,

    Les couleurs choisies pour différencier le type de sismicité pour le Mérapi sont quand même pas trop pédagogiques... Es-tu certain que les hybrides sont si peu nombreux ?

    Bon dimanche !

    Ludovic

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    1. Salut Ludovic. Je suis comme tout le monde : je constate grâce à ce graphique qu'ils sont peu nombreux et je n'ai pas les moyens et la compétence de critiquer ce graphique, en tout cas sur la manière dont sont acquises et interprétées les données qui ont permis sont élaboration.
      Éventuellement, oui, le côté pédagogique est un peu à revoir (et il n'y a pas que la couleur d'après moi) mais c'est une critique de forme, en partie subjective. Sur le fond, il y a peu d'hybride d'après ce graphique : ça, pour le coup, c'est plutôt objectif.
      Mais cela ne m'étonnes pas outre mesure pour le moment ceci dit. Ca commencera à m'étonner si on entame une phase intense avec peu ou pas de signaux hybrides . Là oui, je me poserait des questions.
      Bonne soirée
      CV

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    2. Je n'étais pas critique sur la manière de faire le distinguo entre les différents types de séismes, mais plutôt sur le code couleur utilisé ! ;)

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