23 février 2019

Un point sur l'activité des volcans Ol Doynio Lengai, Nyiragongo, Nyamulagira et Agung

Nyiragongo et Nyamulagira , République Démocratique du Congo, 3470 m et 3058 m

Nyiragongo

Cela fait un bon moment qu'il n'y a pas eu d'informations précises concernant le Nyiragongo, où se trouve l'un des rares lacs de magmas encore actifs sur Terre, après la disparition, coup sur coup, de ce lui d'Erta Ale, du Kilauea et d'Ambrym.
Peu d'information pour des raisons de sécurité, puisqu’il y avait l'an dernier des meurtres de gardes du Parc, qui avaient conduit à sa fermeture en mai. Mais l'accès a été réouvert le 15 février dernier, permettant à nouveau aux scientifique et aux touristes de monter au sommet et d'observer le fabuleux spectacle.

Et depuis l'an dernier, rien n'a changé. Le lac de lave principale est toujours là, même si le bulletin de l'observatoire (le premier depuis près d'un an) précise que le niveau du lac est légèrement plus bas qu'auparavant. Ceci n'a rien de particulièrement étonnant: le niveau du lac varie et n'est pas du tout constant. Il est surtout intéressant de noter que l'évent secondaire, formé fin février 2016, soit toujours présent et bien actif. Les volcanologues décrivent des coulées de lave qui sont émis depuis ce point de sortie, et qui se déversent dans le lac principal.

Ce que confirment certains images prisent récemment par les touristes qui accèdent à nouveau au sommet.



Celle ci-dessus a été prise le 19 ou le 20 février et on y voit bien les quelques coulées qui arrivent dans lac principal. Étrangement, le cadrage ne montre pas directement l'évent secondaire ce qui, je suppose, s'explique par le fait que l'attention est avant tout attirée par le lac principal.

Nyamulagira

Pas grand chose à raconter sur la situation, si ce n 'est que l'activité éruptive, qui a débuté le 18 avril 2018 se poursuit actuellement. Le Pit Crater dans lequel elle se déroule est quasi plein. Au cours des 4-5 derniers mois, les terrasses successives qui marquaient le côté nord du Pit Crater ont été recouvertes: il n'en faut plus beaucoup pour que la lave déborde hors du Pit Crater, directement sur le plancher de la caldera sommitale. Constatez par vous-même le changement en l'espace de 7 mois avec une petite comparaison d'images (je trouve ça parlant) prisent en juillet 2018 et février 2019.


Sources: OVG; agnesontheroad/instagram

Ol Doynio Lengai, Tanzanie, 2962 m

L'activité éruptive se poursuit sur ce bel édifice qui domine la rive sud du Lac Natron. Depuis  (au moins) 2014, et peut-être même 2008, une activité semi-persistante peut-être détectée et, vue la faible puissance du rayonnement thermique produit, peu de doute existe quand au fait que la lave émise est une carbonatite (lave à base de carbonates), bien moins chaude que les autres types de laves  (à base de silicates).
Cette activité, au vue des image satellites qui restent la principale source d'informations, ou en tout cas celle qui en fournit le plus souvent (mais avec une trop faible résolution malheureusement), semble toujours un peu intermittente: une alternance de phases durant lesquelles la cabonatite est émise, et des phases plus calmes où la carbonatite est peut-être présente sous une croûte solidifiée, mais ne s'étale plus à la surface.

Il se trouve que le début d'année a été marqué, contrairement aux mois précédents, d'une phase d'activité plus soutenue. Au moins dans le sens où les émissions ont duré plus longtemps sans pause notable. Une phase qui a en effet débuté entre les 14 et 19 janvier (le temps entre deux passage du satellite SENTINEL) et qui se poursuit actuellement. Cette phase longue de plus d'une mois d'émissions intinterrompue de carbonatite a connu un pic entre les 29 janvier et 08 février, moment où une bonne partie du plancher du cratère a vraisemblablement été recouvert de carbonatite liquide, chaude (noire à ce moment-là, elle blanchit en devant froide).


Cette progressive accumulation de lave carbonatée au fond du cratère du cône de 2008 commence à franchement se voir: le niveau du plancher à pas mal augmenté semble-t-il, même si le processus de remplissage du cratère reste lente...et qu'on est donc pas encore prêt à revoir des débordements (sauf imprévu) et marcher sur une plate-forme carbonatitique. Ci-dessous une comparaison d'images prisent en avril 2016 et février 2019, lors du pic décrit au-dessus.


Source: SENTINEL2-ESA/Copernicus

Agung, Indonésie, 3142 m

Depuis le début d'année, l'Agung a retrouvé un état légèrement plus agité qu'au cours des mois précédents. La période de crise qui a débuté en 2017, où une première phase éruptive a eu lieu, se poursuit actuellement. Et après quelques mois plus calmes au cours de la seconde moitié de 2018, de nouvelles émissions de cendres ont fait leur apparition. La première a eu lieu le 30 décembre 2018  et quelques autres, pour le moment rares, ont eu lieu depuis (19 au 22 janvier). La dernière en date a eu lieu le 22 février à 16h31 (heure locale). Quelques images ont été faites de l'événement, grâce auxquelles ont peu voir qu'il s'agit d'une émission de cendres assez soutenue, à l'origine d'un panache de cendres haut d'environ 1000m (altitude atteinte = 4000m estimée par le VAAC de Darwin).



Toute la question est de déterminer quelle est la cause (ou quelles sont les causes) de ces émissions de cendres. Une perturbation momentanée d'un système hydrothermale non stabilisé? Une nouvelle injection de magma plus riche en gaz? Une accumulation locale et progressive de gaz (pression), produite par le progressif refroidissement de la colonne de magma, et qui se libérerait de temps en temps? Voyez qu'il existe diverses possibilité à priori, et il faut échantillonner, analyser, récupérer toutes les données utiles pour éliminer les possibilité fausses (celles qui n’expliquent pas les données) et ne garder que la bonne, ou les bonnes si c'est une combinaison de facteurs.

Difficile par exemple de dire si cette activité est éruptive ou non. Pour rappel, le terme "éruption" est utilisé pour décrire un magma qui sort du sol. Pour le savoir un moyen sûr est donc d’échantillonner les cendres en provenance du panache et voir si elle sont faites de particules de roches saines, non altérée (lave neuve, fraiche), ou si au contraire il s'agit de particules de roches anciennes et altérées.

On peut noter malgré tout que depuis fin 2018 ou début 2019, on voit clairement sur les données satellites que la galette de lave qui occupe le fond du cratère sommital, construite lors des phases de 2017 et 2018, est un peu plus chaude. Pour être plus précis, ou plus juste (car ce que je viens d'écrire est faux): on note une augmentation des zones à haute température à la surface de la galette. Ce n'est pas que la galette elle-même soit plus chaude, mais elle est traversée par des gaz plus chauds qu'avant la fin décembre.



Or fin décembre, c'est le moment où la phase d'instabilité actuelle démarre. Il n'est bien sûr pas inenvisageable qu'une hausse momentanée du dégazage soit la cause à la fois des fumerolles à haute température visibles sur les images satellites, et des phases d'émissions de cendres. Mais pourquoi une telle hausse? La sismicité semble indiquer qu'il y a un peu plus de mouvements de magma ces derniers jours (vulkanik dalam, sur le graph ci-dessous), en particulier le 21 février, donc peu avant l'explosion du 22 février. Il est intéressant de noter par ailleurs que le pic de sismicité liée au mouvement de magma est lié à un pic de sismicité lié au dégazage.

Sismicité depuis le mois de novembre dernier. Image: MAGMA Indonesia


Une interprétation possible:

Il semble que, malgré le fait qu'il n'y a pas vraiment d’éruption (pas d'émission de magma à la surface à priori, puisque la galette n'a pas changé), la colonne de magma reste un peu pressurisée. Elle peut alors fracturer les roches autour d'elle (sismicité liée à la fracturation des roches), une faible quantité de magma parvient même parfois à s'insinuer dans les fractures formées (sismicité "vulkanik dalam"), et le gaz, quand à lui, s'échappe à la surface grâce aux nouvelles fractures: il sort donc plus chaud et en plus grande quantité, raison pour laquelle on peut voir plus de spots de dégazage à haute température sur les images satellites.

Évidemment la situation reste très surveillée, et le niveau d'alerte volcanique reste à l'orange, tant que la situation n'est pas stabilisée.

Sources: MAGMA Indonesia; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus;  Youtube

5 commentaires:

  1. Bonjour CV,
    Merci pour ces infos de RDC, petite precision technique pour le moment les expéditions Nyiragongo sont organisées les lundi, mercredi et vendredi encadrées par l'armée y compris pour la traversée de Goma
    J'espère que cela suffira car l'insécurité est toujours présente réouverture du parc des Virunga le vendredi 15 et samedi 16 grosse attaque de "forces armées" Goma 8 morts et 11 enlèvements, nouvelle attaque mercredi 20 : 5 morts, les demandes de rançons sont de l'ordre de 5 à 10 000 DUS, et quand elles ne sont pas versées les gens sont exécutés, 3 corps ont été retrouvés depuis mercredi
    Pour la rançon des Britanniques enlevés en mai dernier il était question de 200 000 DUS.
    Autre problème qu'il ne faut pas oublier l'épidémie d'Ebola à 100 km au nord du parc des gorilles, plus de 500 morts depuis l'été dernier
    J'ai eu la chance de participer à une des dernières expéditions avant la fermeture du parc, mais la réouverture sera sans moi
    Sinon le lac du Nyiragongo est majestueux et la visite des gorilles inoubliable

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    1. Merci FB 88 pour ces informations malheureuses.
      Quelle tristesse ! Jai eu la chance d'aller là-bas en 2016, le danger ambiant était certain, mais là c'est un (ou deux) cran au-dessus !
      République Démocratique...

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  2. Triste réalité en effet. En juin 2017, dans le véhicule de l'OVG où je me trouvais, le pareprise était perforé par un trou de balle. "On a été pris dans une ambuscade et le chayffeur est mort", s'était expliqué la plus calmement du monde le directeur technque de l'OVG... Ce type d'événement semble être en effet monnaie courante et n'étonne plus personne .

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  3. ils y d'autres beaux volcans a visiter sans pour autant risquer sa peau

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  4. C'est bien de faire des photos dans un pays en guerre civile!

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