Agung: une activité éruptive pourrait avoir démarré (mis à jour x3)

La situation semble évoluer vers un stade éruptif. La sismicité reste globalement faible mais pour autant l'activité superficielle évolue plutôt rapidement ces derniers jours.

Tout d'abord le dégazage qui a suivi l'émission de cendres le 21 novembre dernier a laissé place aujourd'hui à une émission de cendres plus forte, bien plus soutenue, à l'origine d'un panache haut de 1500 m environ. Cette activité a débuté en toute fin de journée, vers 17h30 (heure locale) et, à ce moment-là, est décrite comme phréatique, c'est-à-dire que les cendres ne sont pas faites de magma neuf.

Forte émission de cendres en fin de journée le 25 novembre. Image: PVMBG, via BNPB

La surprise est arrivée une fois la nuit tombée, lorsque les photos faites sur place et les images prisent par la webcam installée à l'observatoire ont commencé à montrer clairement une incandescence localisée au fond du cratère. Assez forte pour être perçue alors que le jour n'avais pas complètement disparu, ce qui permet de penser que le magma a finalement atteint la surface de la Terre.L'activité est donc peut-être déjà phréatomagmatique ou magmatique tout court.

L'incandescence est bien visible au soir du 25 novembre. Image: Auteur inconnu, via BNPB

Soyons clairs toutefois: pour l'heure il n'y a pas de preuve certaine que le magma est bel et bien arrivé: aucune coulée de lave, ni la présence d'un dôme ou même de projections visibles n'a été rapportée. Mais la situation a clairement franchi un cap, alors même que la sismicité reste globalement faible (quoi qu'avec une très très légère hausse en ce moment).

Sismicité globalement faible après la crise de septembre-octobre, et essentiellement d'origine volcanique, avec une très légère hausse (à droite). Image: PVMBG

Les cendres émises ne semblent, pour l’heure, poser aucun problème concret mais, par précaution, des compagnies aériennes étrangères, telles que Quantas, Virgin, KLM ou Jetstar ont annulé certains vols en provenance de ou en partance pour Bali. Pour autant l'aéroport est resté totalement opérationnel au cours de la crise.

On peut aussi noter qu'au cours de la journée une image faite via un drône de surveillance a laissé penser que la lave était déjà  présente le 24/11 (voir image ci-dessous), information qu'on retrouve dans la presse Indonésienne sous la forme d'une interrogation: "est-ce de la lave? et pas d'une affirmation (il faut le préciser). La tâche rouge incriminée n'est clairement pas de la lave: aucune fumerolle ne l'accompagne, et par ailleurs une coulée de lave en formation n'a absolument pas cette texture. Enfin: il n'y avait pas d'incandescence visible au sommet avant cette nuit. Reste que :" c'est quoi"? Excellente question (si ce n'est pas un truquage).  Une coulée de boue rouge (les parois son faites de matériaux altérés, parfois oxydés) descendue de la paroi? J'avoue ne pas avoir beaucoup d'idées sur la question...

La tâche rouge à droite de la zone de fumerolles a laissé craindre qu'il s'agissait de lave. Ce n'est pas le cas. Image: PVMBG; via Liputan 6.

Pour le moment la situation reste plutôt tranquille et si un départ d'éruption se confirme, elle a commencé en douceur, et non de manière violemment explosive comme cela pouvait légitimement être craint. Toutefois méfiance: ce qu'il se passe actuellement n'est pas forcément représentatif de la suite. Nous en saurons plus lorsque des images de ce qu'il y a dans le cratère auront été faites. Si ce sont des coulées: ça devrait aller. Si un dôme se forme, il faudra augmenter la vigilance et préparer les populations à de possibles explosions plus intenses.

Mise à jour, 26 novembre, 07h00

L'activité reste intense ce matin et les émissions de cendres sont maintenant abondantes. Elles forment un panache très dense qui s’élève jusqu'à une hauteur de 3000m environ.

Le panache de cendres au matin du 26 novembre. Image: auteur inconnu, via BNPB

L4activité peut être suivie grâce à la webcam dont j'ai mis l'image dans la colonne de droite du blog, et en live, sur le le youtube ci-dessous.

C'est un panache qui contient une quantité importante de SO2: le magma est donc bien soit extrêmement proche de la surface, soit est déjà arrivé en surface. Sur les images faites à partir des données du satellite Himawari 8, le SO2 semble faire son apparition en forte concentration à partir de 19h50 TU. Ceci suggère donc qu'avant cette heure là (à peu près), l'activité était purement phréatique, puis est passée phréatomagmatique (peut-être même magmatique tout court) avec l'arrivée du magma en surface. C'est un panache qui, actuellement, est soufflé vers Lombok, à l'est.

Le panache de gaz et cendres est bien visible sur les données satellites, riche en SO2. Image: Himawari 8, via NOAA-CIMSS

La presse Indonésienne rapporte des chutes de cendres plus ou moins fortes dans plusieurs villages proches, sur les versants sud et est (Duda Timur,  Pempetan, Sideman, Tirta Abang, Sebudi, Amerta Bhuana, Klungkung). Les autorités recommandent le port des masques à poussière distribués (à voir de quel type de masques il s'agit, mais ce sont probablement les masques papier classiques, peu efficaces).

Pour l'heure l'activité ne présente pas de risques directes pour la population, mise à part les soucis que peuvent causer les cendres. Le niveau d'alerte volcanique reste à 3, mais compte tenu de la quantité de cendres injectée dans la basse atmosphère, l'alerte aviation est passée au rouge.

Mise à jour, 27 novembre, 08h11

La situation reste tendue autour de l'Agung. L'activité explosive perdure et maintient un panache de cendres permanent, dont le sommet semble atteindre une altitude de 10 000 m d'après les bulletins du VAAC de Darwin. Au sol par contre les observateurs du PVMBG ou du BNPB rapportent plutôt une colonne de cendres pouvant atteindre environ 3500 m(soit une altitude maximale d'environ 6500 m).

Le panache de cendres le 27 novembre. Image: PVMBG

 
Il ne faut peut-être pas y voir une incompatibilité, mais plutôt l'observation des cendres à deux moment différents du développement du panache. Au-dessus du volcan, où la colonne de cendres s'élève sous l'impulsion des gaz magmatiques chauds, la colonne est relativement verticales et le sommet est ensuite pris en charge par les vents d'altitude qui commencent à disperser le panache. Mais ces vents peuvent entrainer une partie des particules à plus haute altitude, où les satellites les détectent. Le rôle de ces derniers étant d'avoir une vision plus globale du panache de cendres et de sa dispersion pour anticiper notamment divers problèmes liés à la circulation d'avion, ou visant à anticiper la zone qui peut être impactée par les chutes de cendres.
L'activité reste intense et les premiers soucis arrivent. Tout d'abord la quantité de cendres est importante et comme elle empoussière tout la partie est de Bali, la décision de fermer l’aéroport international a été prise aujourd'hui et jusqu'à demain au moins, sous réserve que la situation s'améliore.

Fermeture de l'aéroport international. Image: BNPB

Ensuite, les pluies ont commencé à constituer, avec les dépôts de cendres, les premiers lahars, qui descendent jusqu'à la plaine environnant le volcan. Pour le moment ils ne sont pas très violents (quoique) mais cela peut changer vite selon la pluviométrie du moment. Leur formation, associée avec une activité toujours très intense, a fait prendre la décision aujourd'hui d'élever le niveau d'alerte volcanique à 4, avec interdiction d'approcher à moins de 8 km du sommet.




La situation reste donc tendue aux abords de l'édifice.


Mise à jour 28 novembre, 08h10

L'activité reste intense et les émissions de cendres, abondantes, sont permanentes. Pour autant l'activité agricole Balinaise ne connait pas de perturbations notables, sauf éventuellement à faible distance de l'édifice, où les chutes de cendres sont les plus importantes.
Les images prisent hier et avant-hier suggèrent qu'au moins deux évents différents sont présents dans le cratère: l'un émet de grandes quantités de vapeur d'eau, à l'origine d'un panache blanc, l'autre est la source du panache de cendres, et est donc de teinte grise.

Hitam Putih #gunungagung #eruption #timelapse #5minutes

Une publication partagée par Made Nagi (@madenagi) le 27 Nov. 2017 à 1h45 PST

La source de l'incandescence visible la nuit est, par contre, toujours inconnue. Coulées de lave ou autres: difficile à dire sans visuel direct dans le cratère.
L'activité aéroportuaire reste perturbée par les cendres à Bali. Il semble que l'aéroport Selaparang,  situé à Mataram (île de Lombok) ait vu son fonctionnement perturbé aussi, mais il pourrait reprendre son activité de routine aujourd'hui. Pour Bali, il faudra attendre au moins demain visiblement et, en attendant les compagnies portuaires préparent la flotte de bateau pour compenser la perturbation du flux de passagers, et les emmener sur Java ou Lombok par voie de mer.

La possibilité d'une activité éruptive accrue reste très présente du côté des volcanologues du PVMBG car depuis aujourd'hui le trémor a montré une très forte hausse (tout en bas de l'image ci-dessous).

Le sismogramme montre une intensification importante du trémor. Image: PVMBG

Difficile à interpréter, cette évolution  a fait prendre la précaution au BNPB d'organiser l'évacuation des personnes situées dans les zones à risques définies sur la carte  soit, selon les zones, des secteurs allant de 8 à 10 km du sommet.

Enfin, la nouveauté d'hier: pour la première fois depuis le départ de l'éruption, un signal thermique a été repéré depuis l'espace: plus de doute possible quand au fait que le magma soit arrivé en surface.

Premier signal thermique détecté depuis l'espace. Image: MIROVA

Ce signal est faible et, pour le moment, seul, car la présence du panache bloque les signaux thermiques d'une part et, d'autre part, la présence de nuages fréquents et importants sur la zone, augmente cette absorption des rayonnements infrarouges.

Le niveau d'alerte volcanique reste évidemment à 4.

Sources: PVMBG; Himawari 8; BNPB; Liputan 6; NOAA-CIMSS; MIROVA