3 mars 2020

Puissante activité explosive au Merapi, hausse de l'activité au Semeru

Merapi, Indonésie, 2968 m

Trois semaines nous séparent de la précédente explosion, qui avait eu lieu le 13 février dernier, ce qui n'est pas très proche dans le temps, mais il faut tout de même noter que ça fait environ 2 ans qu'il n'y a pas eu d'explosions dans un laps de temps si court. À l'époque (mai-juin 2018), les explosions étaient visiblement précurseurs de la croissance du dôme sommital qui, ensuite, a évolué courant 2018 et 2019. Je pars donc du principe que pour comprendre les explosions du 13 février et d'aujourd'hui, il faut rester dans ce schéma: je pars du principe (tout en gardant en tête que peux me tromper), que ces explosions sont la suite de l'éruption, plus qu'une nouvelle éruption.
Alors que dire de cette nouvelle explosion? Déjà qu'elle a eu lieu au choix le 02 mars (22h22 TU, ) ou le 03 mars (05h22 heure locale), et que le panache de cendres a atteint une altitude estimée par le VAAC de Darwin à 10 000 m environ, ce qui correspond à une hauteur de 7000 m environ puisque:
- la base du panache se trouve près du sommet de l'édifice
- que le sommet de l'édifice est à un peu plus de 2960 m.

Plusieurs vidéos, certaines vraiment très détaillées, circulent, et permettent de constater plusieurs détails intéressants. 

Le premier, c'est que le panache en question résulte en réalité d'au moins trois explosions successives, qui se sont enchainées sur une quinzaine de secondes environ. C'est quelque chose de classique et souvent lorsqu'on parle "d'une explosion", il s'agit en fait d'une succession d'explosions très rapprochées, et dont les cendres se mélangent pour forme le panache.

Le second, c'est que la première explosion se déroule simultanément à deux endroits: de chaque côté du dôme de 2018-2019!!! Le "bouchon" n'a pas sauté! Le gaz sous pression n'a pas pu fracturer le dôme et a donc dû se forcer un passage autour de lui!!! Les deux jets de cendres et de gaz à haute pression sont projetés de manière oblique et le jet Est (celui de droite) vient même percuter la paroi du cratère sommital. Et il n'y a pas que la pression qui soit haute : on voit nettement de l'incandescence au départ des jets : la température est donc très élevée, plus de 600 °C à priori (il faut au moins ça pour qu'une roche volcanique devienne faiblement incandescente, expérience faite....dans un barbecue sur un trachyandésite).

Le troisième c'est qu'il y a pas mal d'éclairs intrapanache, ce qui est compatible avec la grande quantités de particules (cendres) produites, ce qui est cohérent avec l'explosivité assez forte de l'événement (c'est une explosion qui peut assez bien entrer dans la case "vulcanienne"). Ces éclairs ne sont pas un phénomène rare et même des explosions bien moins fortes peuvent en produire (on constate ça au Sakurajima par exemple).

On voit déjà ça su la vidéo ci-dessous, qui permet de constater aussi que seule la partie supérieure de l'édifice est fortement touchée par les chutes de blocs, et là, clairement, il ne fallait pas qu'il y ait des personnes en train de camper là-haut....C'est mon souhait le pus cher à cet heure!




Le quatrième, c'est que de petites écoulement pyroclastiques ont été produits, notamment sur les hauts versant ouest et sud. Ils proviennent visiblement de la retombée du panache de cendres.



Pour l'heure cette explosion n'a pas été suivi d'autre chose, mais la vigilance reste de mise car d'autres explosions peuvent avoir lieu dans les jours/semaines qui viennent.
La question de la cause de cette activité explosive certes intense mais peu soutenue (1 explosions toutes les 2 ou 3 semaines ce n'est pas très important) est évidemment posée et revient, au fond,,toujours au même: est-ce le signe d'une réalimentation en magma depuis un stockage ou est-ce du à des phénomènes superficiels?
Comme pour le Santiaguito, l'analyse de l'évolution de plusieurs paramètres permettrait, à n'en pas douter, d'y voir plus clair.

Affaire à suivre évidemment.

Sources: VAAC de Darwin; BPTKG; PVMBG; VolcanoYT

Semeru, Indonésie, 3676 m

Depuis que l'activité éruptive a débuté au Semeru, dans les années 60 (continue jusqu'en 2009 mais avec des phases de pause qui ont duré quelques mois maximum depuis 2009 d'après le GVP, qui compte donc plusieurs éruptions successives depuis les années 60) elle connait des variations de son intensité. LE dernier pic s'était produit en 2017 avec la production d'une coulée de lave et depuis l'activité n'avait été que faiblement explosive.
Or le MIROVA a pu détecter, depuis début février, une hausse significative de la puissance du rayonnement thermique produit par cette activité, probablement en lien avec une émission de magma plus chaud. 

Hausse significative de la puissance du rayonnement thermique produit par l'activité. Image : MIROVA


La sismicité, toutefois, ne me semble pas parfaitement claire pour identifier une arrivée de magma plus jeune, plus riche en gaz. Mais il y a, tout de même, l'arrivée de phases de trémor courant février sur les enregistrements.

Modification de la sismicité courant février avec l'arrivée de phases de trémor sur les enregistrements. Peut-être un indice de l'arrivée d'un magma plus "jeune", riche en gaz? Image : MAGMA Indonsesia

Quoi qu'il en soit, en regardant le graphique du MIROVA, on voit que la puissance arrive à un maximum (pour le moment) d'environ 100 000 000 de watts après le 15 février. Or , le 25 février le satellite SENTINEL 2 passe au-dessus de l'édifice alors que les nuages n'ont pas encore complètement engloutit le massif. On peut alors constater la présence d'une coulée de lave sur le haut versant sud-est, une situation assez classique lors des période de hausse d'activité. La présence de la coulée pourrait expliquer la hausse constatée sur le MIROVA, puisqu'on a alors une plus grande surface à haute température qui rayonne.

Présence d'une coulée de lave sur le haut versant sud-est, le 25 février. Image : SENTINEL 2 ESA/Copernicus
Il ne faut, par contre, pas imaginer une coulée de lave bien fluide et bien alimentée : il s'agit plutôt d'une coulée produite par un débit modeste, peut-être avec une lave modérément visqueuse. Elle se met en place dans une forte pente donc, en toute logique, des fragments de lave s'en détachent fréquemment et produisent des avalanches de blocs, qui roulent parfois assez bas. On les voit bien sur les images de la webcam installée à l'observatoire du Gunung Sawur.

Présence des avalanches de blocs qui se détachent du front de la coulée de lave. Images: PVMBG
Mais comme souvent dans cette configuration(= une coulée de lave dans une pente forte et souvent constituée de cendres, comme un tas de sable quoi), le risque de voir des plus grands morceaux de coulée se détacher, et le gaz emprisonné se trouver brusquement libéré pour former des écoulements pyroclastiques, est présent. C'est d'ailleurs probablement la cause de la série d'écoulements, impressionnants (distance atteinte d'environ 3 km), qui ont été observés en toute fin de journée. Ils ne sont pas du tout, comme le montrent les images, liés à des phases explosives violentes, mais à l'instabilité de la coulée de lave et du support (le tas de cendres) sur lequel elle se met en place. 

Formation d'écoulements pyroclastiques importants en fin de journée. Images : PVMBG

Il faut donc que les personnes vivant au pied de l'édifice restent méfiants tant que la coulée de lave est présente. Ils doivent rester à plus de 4 km du sommet sur le quart sud-est, et à plus d'un kilomètre sur les autres versants (moins exposés aux risques vue la topographie).

Là encore, la situation est à suivre.

Sources : PVMBG; MIROVA; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

2 commentaires:

  1. Salut CV,

    L'écoulement pyroclastique dans la ravine Gendol intervenant plus tard que les autres, cela suggère qu'il est plutôt dû à l'effondrement d'une partie du dôme à cet endroit, une portion du dôme ébranlée par l'explosion...
    Sinon, la sismicité était légèrement supérieure en février, peut-être le signe de quelque chose ? A suivre...

    Bonne journée,

    Ludovic

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    1. Bonsoir Ludo. C'est possible mais pas obligatoire : des masses importantes de cendres redescendent à l'aplomb de ce dernier écoulement pyroclastique. Les images ne fournissent pas assez d'éléments pour se faire une idée précise, mais c'est à garder dans un coin de la tête.
      Sinon : la sismicité était importante en février... pile au moment de l'explosion précédente. Ce qui a changé, surtout, c'est la proportion de basse fréquence et d'hybrides, plus importants (en proportion) qu'en décembre-janvier par rapport aux autres types de secousses.
      @+!
      CV

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