Santamaria-Santiaguito, Guatemala, 3772 m
Depuis le dernier post concernant la situation au Santamaria-Santiaguito, publié voilà plus d'un an maintenant, il est temps de faire un petit point d'étape.
Sur le fond, l'activité n'a pas changé: une lente extrusion de lave très visqueuse se poursuit au sommet du Caliente. Il s'agit, pour mémoire, de l'extrusion qui a débuté en octobre ou novembre 2016, après quasiment un an d'une activité explosive intense, et même spectaculaire.
Fin 2018, cette extrusion avait amené une partie de la lave visqueuse à s'épancher lentement sur le versant est du Caliente, formant une courte coulée de lave.
Depuis lors les signaux thermiques détectés par le MIROVA suggèrent que l'activité n'a pas vraiment cessé en 2019 bien que la coulée n'ait pas été alimentée longtemps. On peut noter une absence de signaux entre mi-mai et mi-juin 2019 mais il n'est pas facile de savoir à quoi elle correspond réellement : une pause dans l'activité, ou la présence de nuages assez denses au moment des passages des satellites? Le fait que l'absence soit sur une période si longue me fait plutôt pencher en direction d'une pause de l'activité, mais ça reste seulement une idée...
Mais peu importe. L'extrusion est toujours en cours actuellement et le nouveau dôme en formation au sommet du Caliente dépasse depuis déjà longtemps la lèvre du cratère ouvert par les explosions de 2016, comme le montre cette image qui semble avoir été prise en ce début d'année (à comparer avec les images du post de novembre 2016 pour bien se rendre compte).
Le nouveau dôme au sommet du Caliente dépasse largement le bord du cratère de 2016. Image : Raul Ayuon, via Twitter |
Si vous regardez attentivement cette image vous remarquerez vite que le sommet du nouveau dôme est bicolore: une partie orangée qui est faite de lave en cours d'oxydation/altération en particulier à cause des gaz acides qui la traverse, et une partie gris clair d'aspect bien rocailleux: c'est de la lave visqueuse toute fraiche qui indique où se localise la zone actuelle d'extrusion.
Car depuis le second semestre 2019 (pas moyen d'être précis, faute d'images) les blocs qui se détachent de la galette roulent dans les pentes de plusieurs versants: le sud-ouest, le sud et l'est en l'occurence, ce qui doit permettre de les voir assez facilement depuis le post d'observation de l'INSIVUMEH.
Cette activité extrusive lente, génératrice d'avalanches de blocs, a une conséquence simple: les ravines creusées sur les versants sus-cités se remplissent de ces débris rocheux, et c'est particulièrement visible sur la ravine sud-ouest.
En plus de cette extrusion tranquille, l'INSIVUMEH note la présence de petits panaches contenant relativement peu de cendres (teinte assez claire), ce qui indique que la colonne de magma subit des surpressions temporaires, ce qui est habituel dans l'activité en cours.
Bilan : l'activité est globalement stable et marquée avant tout par une lente extrusion au sommet du Caliente. Elle forme un dôme de lave dont la morphologie évolue lentement. Actuellement la lave déborde plutôt sur le quart sud du Caliente et les blocs qui se détachent remplissent les ravines creusées par les précipitations.
Je profite aussi de ce post pour transmettre les principaux résultats d'une étude publiée en ce début d'année, et menée sur la phase paroxysmale qui s'est déroulée entre août-septembre 2015 et octobre 2016. Marquée par des explosions vulcaniennes spectaculaires, la question se posait évidemment sur les causes de cette phase relativement longue.
Cette étude basée sur les données géophysiques (radiation thermique, analyse de la sismicité), géochimiques (analyse de la composition d'échantillons prélevés à différents moments, analyse des taux de variation de SO2 libéré) et pétrologiques (analyse macroscopique et microscopique des échantillons) permet de poser l'hypothèse de l'arrivée d'un peu de magma neuf (peut-être une andésite basique), relativement fluide, riche en gaz, à la base du réservoir magmatique qui, à priori, s'étire entre entre 12 et 24 km de profondeur.
L'arrivée à proximité de la surface, vers 2 km sous le sommet du Caliente) où le magma est bien plus visqueux (une dacite) et dégazé, a provoqué un mélange partiel des deux magmas (un mingling dans le jargon), et une mise en pression du système, aboutissant à une hausse de l'activité explosive.
Sources: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; INSIVUMEH; Raul Ayuon, via Twitter
P.A Wallace et al, 2020 "Integrated constraints on explosive eruption intensification at Santiaguito dome complex, Guatemala"; Earth and Planetary Science Letters
Yasur, Vanuatu, 361 m
L'activité éruptive au Yasur se poursuit. Elle reste strombolienne pour l'essentielle et assez soutenue. Belles explosions, belles projections....le spectacle reste au rendez-vous. Mais toutefois méfiance toujours. En octobre 2019 un bout de paroi s'était effondré dans le cratère, non loin du rebord où se trouve un des points de vue auxquels accèdent les nombreux touristes : on a toujours en tête que le risque principal est la chute de fragments un peu trop gros sur la zone d'observation, mais il faut aussi garder en tête que le sol est constitué de couches de cendres/lapillis, une sorte de tas de sable dont les pentes sont, à certains endroit, très raides, instables.
L'effondrement avait à l'époque colmaté un des évents présents dans le cratère sud mais seule sa partie supérieure fut momentanément bouchée : on retrouve un signal thermique sur cet évent dès la mi-décembre 2019 (il a quand même fallu deux mois pour que la colonne de magma repasse à travers le dépôt).
Mise à part cela, la chose qui m'a le plus étonné ces derniers temps concernant l'activité au Yasur est la capture, par SENTINEL 2 le 20 février, d'un panache de petite taille mais assez fortement chargé en cendres. La morphologie de ce panache, plein de volutes, le fait qu'il soit immédiatement rabattu par le vent au ras du sol, sa teinte légèrement maronnasse semble indiquer que ce panache est le fruit d'un phénomène superficiel.
Si une activité éruptive très soutenue en était à l'origine, on pourrait s'attendre à plus de cendres, donc un panache plus dense et donc plus inerte face à la prise au vent (= pas rabattu tout de suite), un panache plus dynamique car plus chaud (capable de s'élever plus haut) et aurait eu une teinte plus grise.
Il peut donc avoir été produit par une phase d'intense débourrage, éventuellement une baisse du niveau de la colonne de magma (à même de déstabiliser des parois, bloquer temporairement la partie supérieure de la colonne et générer des suppressions), ou d'autres effondrements des parois par exemple. Difficile à dire, mais la source est le cratère sud.
Quoi qu'il en soit l'activité éruptive n'a pas cessé mais on peut tout de même constater que depuis début février la puissance du rayonnement thermique produit par l'activité a baissé de manière significative (pas loin d'un facteur 10 en moyenne).
Il est impossible de ne pas faire un lien à priori entre cette baisse de la puissance thermique produite et les émissions de cendres.
Mais attention, si le lien peut être fait à priori cela ne signifie pas qu'il existe réellement: on ne fait là que poser une hypothèse. Reste à savoir s'il sera possible de la tester pour voir si les arguments la renforcent (= l'à priori se révèle solide, proche de la réalité) ou la détruisent (l'à priori n'était qu'une illusion). Et si ce lien s'avère réèl : alors quel est sa nature?
Affaire à suivre.
Mise à jour, 02 mars, 07h31
L'activité éruptive se poursuit au Yasur: on voit toujours sur les images de la webcam de nuit les fortes émissions infrarouges produites par l'émission de roche en fusion. Mais il est clair aussi que les émissions de cendres se poursuivent: elles restent globalement peu fréquentes et faibles et on les voit, volutes sombres, émerger parfois du cratère. Elles ont été suffisante toutefois pour que le VAAC de Wellington rapporte leur présence aujourd'hui*.
Il faut à nouveau noter que parallèlement à ces émissions de cendres, la puissance du rayonnement thermique détecté depuis l’espace reste significativement plus faible que ce qui est détecté habituellement.
* et peut-être les jours précédents aussi mais ils n'ont pas d'archives en ligne contrairement aux autres VAAC.
Sources: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Geohazards; MIROVA
L'activité éruptive au Yasur se poursuit. Elle reste strombolienne pour l'essentielle et assez soutenue. Belles explosions, belles projections....le spectacle reste au rendez-vous. Mais toutefois méfiance toujours. En octobre 2019 un bout de paroi s'était effondré dans le cratère, non loin du rebord où se trouve un des points de vue auxquels accèdent les nombreux touristes : on a toujours en tête que le risque principal est la chute de fragments un peu trop gros sur la zone d'observation, mais il faut aussi garder en tête que le sol est constitué de couches de cendres/lapillis, une sorte de tas de sable dont les pentes sont, à certains endroit, très raides, instables.
L'effondrement avait à l'époque colmaté un des évents présents dans le cratère sud mais seule sa partie supérieure fut momentanément bouchée : on retrouve un signal thermique sur cet évent dès la mi-décembre 2019 (il a quand même fallu deux mois pour que la colonne de magma repasse à travers le dépôt).
Mise à part cela, la chose qui m'a le plus étonné ces derniers temps concernant l'activité au Yasur est la capture, par SENTINEL 2 le 20 février, d'un panache de petite taille mais assez fortement chargé en cendres. La morphologie de ce panache, plein de volutes, le fait qu'il soit immédiatement rabattu par le vent au ras du sol, sa teinte légèrement maronnasse semble indiquer que ce panache est le fruit d'un phénomène superficiel.
Présence d'un panache de cendres relativement chargé le 20 février. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus |
Si une activité éruptive très soutenue en était à l'origine, on pourrait s'attendre à plus de cendres, donc un panache plus dense et donc plus inerte face à la prise au vent (= pas rabattu tout de suite), un panache plus dynamique car plus chaud (capable de s'élever plus haut) et aurait eu une teinte plus grise.
Il peut donc avoir été produit par une phase d'intense débourrage, éventuellement une baisse du niveau de la colonne de magma (à même de déstabiliser des parois, bloquer temporairement la partie supérieure de la colonne et générer des suppressions), ou d'autres effondrements des parois par exemple. Difficile à dire, mais la source est le cratère sud.
Quoi qu'il en soit l'activité éruptive n'a pas cessé mais on peut tout de même constater que depuis début février la puissance du rayonnement thermique produit par l'activité a baissé de manière significative (pas loin d'un facteur 10 en moyenne).
Baisse significative de la puissance thermique rayonnée depuis début février. Image: MIROVA |
Il est impossible de ne pas faire un lien à priori entre cette baisse de la puissance thermique produite et les émissions de cendres.
Mais attention, si le lien peut être fait à priori cela ne signifie pas qu'il existe réellement: on ne fait là que poser une hypothèse. Reste à savoir s'il sera possible de la tester pour voir si les arguments la renforcent (= l'à priori se révèle solide, proche de la réalité) ou la détruisent (l'à priori n'était qu'une illusion). Et si ce lien s'avère réèl : alors quel est sa nature?
Affaire à suivre.
Mise à jour, 02 mars, 07h31
L'activité éruptive se poursuit au Yasur: on voit toujours sur les images de la webcam de nuit les fortes émissions infrarouges produites par l'émission de roche en fusion. Mais il est clair aussi que les émissions de cendres se poursuivent: elles restent globalement peu fréquentes et faibles et on les voit, volutes sombres, émerger parfois du cratère. Elles ont été suffisante toutefois pour que le VAAC de Wellington rapporte leur présence aujourd'hui*.
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* et peut-être les jours précédents aussi mais ils n'ont pas d'archives en ligne contrairement aux autres VAAC.
Sources: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Geohazards; MIROVA
Bonsoir CV
RépondreSupprimerEncore merci pour toutes ses explications
Le Yasur est sans aucune doute le volcan le plus impressionnant que j'ai approché, mais il est également le plus facile d'accès hélas si je puis dire
Alors que nous avions tout l'équipement indispensable pour ce genre d'activité nous avons vu une horde de touristes descendre de 4x4 en short tee shirt baskets (certains en tongues) et sans aucun équipement, certes en cas d'effondrement de parois il n'y a pas grand chose à faire mais quand même un minimum de protections est élémentaire pour ce genre d'activité, après il ne faut pas s"étonner qu'il y ai des accidents
Notre guide avait même un téléphone portable avec un objectif thermique qui lui permettait de visualiser les zones où nous allions évoluer pour voir s'il n'y avait pas eu de bombes récemment tombées à cet endroit
Approcher un volcan n'est pas anodin et sans risques mais il y a quand même un minimum de précautions à prendre