Côté volcanisme, sur Terre il se passe toujours quelques chose. Mais les posts sont rares car la plupart des situations décrites dans les posts précédents sont actuellement stables: pas la peine de faire tourner des serveurs à l'autre bout de la planète pour finalement rien de très neuf.
Ceci dit, je ne suis pas resté inactif ces derniers jours et en fouillant un peu les données satellites, il semble que de petits événements éruptifs, discrets, soient passés inaperçus.
Pour commencer, direction l'Inde.
Barren Island, Inde, 354 m
L'éruption qui avait débuté en septembre 2018 s'est poursuivie avec à peu près la même intensité jusque fin octobre 2018 avant de se calmer. Début novembre j'avais même eu l'impression que l'éruption avait totalement pris fin mais j'ai constaté mon erreur avec l'arrivée d'autres données satellites qui indiquent qu'en réalité elle se poursuit encore en ce moment. Il s'agit d'une activité explosive faible, peut-être strombolienne qui se déroule au sommet. Ce dernier est d'ailleurs coiffé d'un magnifique petit cône construit lors du pic de septembre-octobre, par l'accumulation autour du point de sortie ("évent") des projections, bombes, cendres, lapilli.
Une petite activité explosive se maintient sur le cône actif de l'île. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus |
Les cendres émises, même en faible quantité, ont malgré tout attiré l'attention du VAAC de Darwin qui a publié une série de bulletins ces derniers jours. Ces derniers précisaient que l'alerte aviation était à l'orange dans le secteur.
Et puisqu'il s'agit d'une brève, et qu'il n'y a pas de détails particuliers concernant cette activité, je passe à la suivante, direction la Colombie.
Source: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Nevado del Ruiz, Colombie, 5321 m
J'ai déjà oublié par quelle série d’errements je me suis retrouvé à penser au Nevado del Ruiz. Il me semble qu'initialement c'est le fait d'avoir à nouveau constaté la présence d'un petit signal thermique au sommet de l'édifice via le MIROVA. Signal thermique plus souvent repéré depuis le mois de décembre 2018, probablement d'abords parce que le sommet est un peu moins souvent couvert de nuage. On peut en effet voir qu'il y a un signal thermique sur les données satellites de SENTINEL 2 au cours des mois précédents décembre 2018, mais il est souvent atténué par les nuages. Or le MIROVA est basé sur les données MODIS, dont les capteurs n'ont peut-être pas la même sensibilité que d'autres embarqués sur des satellites plus récents (SENTINEL, LANDSAT 8 etc).
Partant de là je me suis dit: "au fait, j'en ais parlé quand la dernière fois du Ruiz?". Bam! Février 2017! Quasiment deux ans! À l'époque il y avait plus ou moins régulièrement des émissions de cendres, et ce depuis février 2012, moment auquel une période de calme de 20 ans environ avait pris fin...calme qui n'est toujours pas revenu actuellement du reste.
Quoi qu'il en soit, vu que je déblatère pour rien et que la brève s'allonge d'autant ( :) ), je vais aller à l'essentiel: il y a un petit dôme dans le cratère sommital.
Bon: constater qu'il y a un dôme c'est bien.
Identifier le moment où il s'est formé, c'est mieux.
Identifier le moment où il s'est formé, c'est mieux.
C'est là que ça se corse. En fouillant un peu j'ai pu constater que le Global Volcanism Program indiquait que, sur la base de signaux sismiques couplés à des signaux thermiques, la présence d'un dôme était supposée à partir d'août 2015! Malheureusement à ce moment là, le satellite SENTINEL 2 n'est pas en service, et LANDSAT 8 (qui est en service, lui) fournit des images trop rares et avec une résolution trop faible pour se faire une idée de la véracité de cette supposition.
Quoi qu'il en soit en comparant les images exploitables (pas de nuages, pas de panache de dégazage qui gêne la vue etc, ce qui limite à 5-6 images sur 3 ans à peu près...glups) prisent entre janvier 2016 et janvier 2019, on peut constater qu'il y a un dôme oui, mais il n'était pas là en janvier 2016... Sur la comparaison ci-dessous j'ai choisit deux images particulièrement claires et dégagées, donc facilement comparables pour que vous puissiez vous faire une idée personnelle (et éventuellement me dire que j'ai tort dans les commentaires, ils sont aussi faits pour corriger les mauvaises interprétations).
Donc soit celui de 2015 avait été détruit par des explosions, soit les signaux sismiques enregistrés dès août 2015, et associé à l'ascension de la colonne de magma visqueux, étaient bons mais la colonne n'avait pas encore émergé: le dôme de lave stricto sensu n'avait pas encore été produit en janvier 2016.
Il n'y a pas assez d'images pour savoir avec une précision interessante à quel moment ce dôme a terminé sa croissance (= à quel moment la colonne de magma a cessé de bouger) mais il semble que fin 2016 ou début 2017, le dôme était en place: sa morphologie n'a plus bougé depuis. Il est apparu courant 2016 donc.
L'alerte volcanique reste au jaune: l'activité interne à l'édifice, due à la pression des fluides, qui fracture la roche, et à leur mouvement qui engendrent des vibrations, reste au-dessus de la normale. Cette sismicité connait actuellement une phase de hausse mais qui n'est pas anormale dans un système en déséquilibre (mais pas en état éruptif actuellement, soyons clairs) tel que celui du Nevado del Ruiz.
Vous allez me dire: c'est quoi l'intérêt de savoir qu'il y a un dôme qui s'est formé courant 2016 (il y a 3 ans!)? La présence de ce petit dôme, semblable à ce que l'on peut trouver au sommet du Popocatepetl par exemple, peut en effet paraitre anecdotique. Toutefois il faut en tenir compte pour l'avenir car sa présence peut rendre plus difficile l'évacuation d'une prochaine mise en pression, et augmente le risque d'avoir une activité explosive relativement intense en départ d'éruption.
Sources: Service Géologique Colombien; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; MIROVA
Il n'y a pas assez d'images pour savoir avec une précision interessante à quel moment ce dôme a terminé sa croissance (= à quel moment la colonne de magma a cessé de bouger) mais il semble que fin 2016 ou début 2017, le dôme était en place: sa morphologie n'a plus bougé depuis. Il est apparu courant 2016 donc.
L'alerte volcanique reste au jaune: l'activité interne à l'édifice, due à la pression des fluides, qui fracture la roche, et à leur mouvement qui engendrent des vibrations, reste au-dessus de la normale. Cette sismicité connait actuellement une phase de hausse mais qui n'est pas anormale dans un système en déséquilibre (mais pas en état éruptif actuellement, soyons clairs) tel que celui du Nevado del Ruiz.
Vous allez me dire: c'est quoi l'intérêt de savoir qu'il y a un dôme qui s'est formé courant 2016 (il y a 3 ans!)? La présence de ce petit dôme, semblable à ce que l'on peut trouver au sommet du Popocatepetl par exemple, peut en effet paraitre anecdotique. Toutefois il faut en tenir compte pour l'avenir car sa présence peut rendre plus difficile l'évacuation d'une prochaine mise en pression, et augmente le risque d'avoir une activité explosive relativement intense en départ d'éruption.
Sources: Service Géologique Colombien; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; MIROVA
Santa Maria/Santiaguito, Guatemala, 3772 m
Le complexe de dômes du Santiaguito est en constante édification/modification/évolution (je parle de sa morphologie) depuis que sa formation a débuté en 1922.
L'activité éruptive est y, globalement, permanente même si des périodes d'accalmie se produisent parfois. Généralement l'éruption se manifeste sous la forme d'une très très lente extrusion de lave visqueuse, assez pauvre en gaz.
Des phases de suppression aboutissent à des bouffées de gaz, parfois des explosions que sont généralement très modestes. Il arrive aussi qu'une arrivée de magma plus riche en gaz se traduisent par une hausse de l'intensité de l'activité éruptive: explosions plus fortes, plus fréquentes, écoulements pyroclastiques sont alors au menu pendant quelques jours/semaines, le temps d'évacuation l'excès momentané de pression.
Ce fut le cas en 2014, en 2015, en 2016. Dès la fin 2016 et au début de 2017, l'extrusion avait aboutit à la construction lente d'une nouvelle galette de lave, qui avait ensuite débordé tranquillement courant 2017 sur le versant est. Et depuis la situation reste assez stable et monotone, les volcanologues de l'INSIVUMEH décrivant, bulletins après bulletins, les quelques bouffées de gaz et les petites avalanches de blocs qui se détachent tranquillement dans la pente Est et Sud-Est.
Oh certes, depuis 2017 le sommet du dôme "Caliente" où se déroule actuellement l'activité (et ce depuis la fin des années 70) a été légèrement modifié, mais ce que je n'avais pas remarqué, c'est qu'au cours de l'année 2018, ce débordement a visiblement connu un bref épisode un peu plus intense que l'habituel. Elle a commencé courant novembre si l'on en croit les données du MIROVA, puis a connu un pic fin novembre-début décembre avant de progressivement diminuer jusqu'à aujourd'hui.
Il se trouve qu'en effet une image prise fin novembre par SENTINEL 2 permet de constater qu'un signal thermique relativement fort, allongé dans le sens de la pente à ce qu'il semble (c'est pas clair à cause des nuages) est bien présent. Vous le verrez sur l'image de droite dans la comparaison ci-dessous, l'image de gauche servant essentiellement à localiser la position du sommet sur les deux images (histoire d'esquiver la gêne due aux nuages quoi....). Si vous regardez bien sur la comparaison vous verrez que le signal thermique se localise dans l'axe de l'échancrure par où l'extrusion déborde du sommet et s'émiette dans la pente pour alimenter les avalanches de blocs présentes depuis 2017.
L'interprétation de la cause (la source si vous voulez) de ce signal thermique n'est pas évidente du tout. Pour y voir clair il faudrait une image satellite chaque jour sans nuages, ce qui permettrait de voir l'évolution. Toutefois en comparant deux images prisent avant et après le pic d'activité thermique, à savoir en juillet 2018 et janvier 2019, une interprétation semble possible, voire probable: le signal aurait été produit par la mise en place d'une petite coulée de lave visqueuse sur le haut versant est du "Caliente".
Cette interprétation "coulée" est cohérente avec le fait que la teinte gris clair de l'extrusion de lave neuve est la même que celle de la "langue" qui descend du sommet, comme si l'extrusion elle-même s'était étirée dans la pente. Exactement à l'endroit où le signal thermique ci-dessus se localisait par ailleurs: un faisceau d'indices concordants assez bon pour que cette interprétation soit solide. Dans le couloir voisin, juste au-dessus à droite, on peut voir qu'une zone gris foncé s'est formée, jusqu'en bas de la pente: une interprétation probable et cohérente est celle d'un dépôt de blocs accumulés par les avalanches lorsque la coulée s’effritait pendant sa progression.
Sources: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Bon ben finalement, les brèves ont été plus longues que prévu.... :)
Le complexe de dômes du Santiaguito est en constante édification/modification/évolution (je parle de sa morphologie) depuis que sa formation a débuté en 1922.
L'activité éruptive est y, globalement, permanente même si des périodes d'accalmie se produisent parfois. Généralement l'éruption se manifeste sous la forme d'une très très lente extrusion de lave visqueuse, assez pauvre en gaz.
Des phases de suppression aboutissent à des bouffées de gaz, parfois des explosions que sont généralement très modestes. Il arrive aussi qu'une arrivée de magma plus riche en gaz se traduisent par une hausse de l'intensité de l'activité éruptive: explosions plus fortes, plus fréquentes, écoulements pyroclastiques sont alors au menu pendant quelques jours/semaines, le temps d'évacuation l'excès momentané de pression.
Ce fut le cas en 2014, en 2015, en 2016. Dès la fin 2016 et au début de 2017, l'extrusion avait aboutit à la construction lente d'une nouvelle galette de lave, qui avait ensuite débordé tranquillement courant 2017 sur le versant est. Et depuis la situation reste assez stable et monotone, les volcanologues de l'INSIVUMEH décrivant, bulletins après bulletins, les quelques bouffées de gaz et les petites avalanches de blocs qui se détachent tranquillement dans la pente Est et Sud-Est.
Oh certes, depuis 2017 le sommet du dôme "Caliente" où se déroule actuellement l'activité (et ce depuis la fin des années 70) a été légèrement modifié, mais ce que je n'avais pas remarqué, c'est qu'au cours de l'année 2018, ce débordement a visiblement connu un bref épisode un peu plus intense que l'habituel. Elle a commencé courant novembre si l'on en croit les données du MIROVA, puis a connu un pic fin novembre-début décembre avant de progressivement diminuer jusqu'à aujourd'hui.
Une période d'émission thermique un peu plus importante a débuté courant novembre 2018 et semble toucher à sa fin. Image: MIROVA |
Il se trouve qu'en effet une image prise fin novembre par SENTINEL 2 permet de constater qu'un signal thermique relativement fort, allongé dans le sens de la pente à ce qu'il semble (c'est pas clair à cause des nuages) est bien présent. Vous le verrez sur l'image de droite dans la comparaison ci-dessous, l'image de gauche servant essentiellement à localiser la position du sommet sur les deux images (histoire d'esquiver la gêne due aux nuages quoi....). Si vous regardez bien sur la comparaison vous verrez que le signal thermique se localise dans l'axe de l'échancrure par où l'extrusion déborde du sommet et s'émiette dans la pente pour alimenter les avalanches de blocs présentes depuis 2017.
L'interprétation de la cause (la source si vous voulez) de ce signal thermique n'est pas évidente du tout. Pour y voir clair il faudrait une image satellite chaque jour sans nuages, ce qui permettrait de voir l'évolution. Toutefois en comparant deux images prisent avant et après le pic d'activité thermique, à savoir en juillet 2018 et janvier 2019, une interprétation semble possible, voire probable: le signal aurait été produit par la mise en place d'une petite coulée de lave visqueuse sur le haut versant est du "Caliente".
Cette interprétation "coulée" est cohérente avec le fait que la teinte gris clair de l'extrusion de lave neuve est la même que celle de la "langue" qui descend du sommet, comme si l'extrusion elle-même s'était étirée dans la pente. Exactement à l'endroit où le signal thermique ci-dessus se localisait par ailleurs: un faisceau d'indices concordants assez bon pour que cette interprétation soit solide. Dans le couloir voisin, juste au-dessus à droite, on peut voir qu'une zone gris foncé s'est formée, jusqu'en bas de la pente: une interprétation probable et cohérente est celle d'un dépôt de blocs accumulés par les avalanches lorsque la coulée s’effritait pendant sa progression.
Sources: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Bon ben finalement, les brèves ont été plus longues que prévu.... :)
Bonjour,
RépondreSupprimerSantiaguito actuellement:
Pas de rouge la nuit au sommet
Effectivement d'après notre guide coulée en bloc dernièrement côté est (côté Santamaria)
Dégazage permanent 20 à 30 m
Le 1 fevrier début de matinée deux beaux panaches
Bonjour FB88! Des nouvelles du terrain, ça fait plaisir! Pas d'incandescence visible la nuit: normal je dirais, l'activité est très restreinte depuis des mois, mise à part cet épisode d'extrusion un peu plus importante. JE suis rassuré de voir que interprétation des images satellites est bonne: ce n'est pas satisfaisant de rester sur une incertitude et votre confirmation éclaire la situation: merci! Vous êtes (ou étiez) de quel côté pour les obs? Observatoire (sud) ou au sommet du Santamaria (nord)?
SupprimerBonne journée!
CV