24 janvier 2019

En bref: l'activité des volcans Etna, Manam (mis à jour) et Rincon de la Vieja

Rincon de la Vieja, Costa Rica, 1916 m

Depuis 2011 le système volcanique du Rincon de la Vieja est entré dans une phase d'instabilité persistante, qui s'est manifestée depuis par des phases d'activité explosives. Elles ont culminé en 2016 2017 avec plusieurs explosions décrites comme phréatiques, qui s'étaient ensuite calmées. Il y a eu quelques manifestations moins énergiques en 2018 mais il semble que l'activité connaisse un nouveau pic en ce début d'année.

En effet les volcanologues de l'OVSICORI et du RSN ont pu enregistrer le 17 janvier une activité explosive modérée qui s'est produite, comme les fois précédentes, au niveau du cratère principal qui contient le lac d'acide. Du coup l'explosion a projeté en l'air un quantité importante de boue acide, dont une partie est retombée hors du cratère, alimentant ainsi les rivières qui descendent du massif...en acide, ce que la faune d'eau douce n'a que moyennement apprécié, l'acidité ayant été mesurée à 0.96 à environ 15 km de l'édifice, dans une des rivières. Un grand nombre de poissons et au moins un caiman ont ainsi été retrouvés morts peu après que les rivières dans lesquelles ils vivaient (rio niño, rio Gavilàn) soient devenues grises, un peu plus chaudes et sentant fort le soufre. Le versant le plus affecté semble donc être le versant nord, où ces rivières se trouvent, situation similaire à celle décrite dans le post de mars 2016 (lien plus haut)

La faune d'eau douce qui vie dans les rivières produites sur certains versant du Rincon de la Vieja ont souffert de l'acidification rapide de l'eau suite à l'explosion. Image: Volcanes sin Fronteras, via CRHoy


La nature de l'explosion, qui a eu lieu en pleine nuit (01h29 heure locale) est soupçonnée être phréatique, c'est-à-dire la conséquence d'un système hydrothermal déstabilisé par une masse de magma en approche*. Des analyses des cendres collectées diront si des particules de magma juvénile sont présentes, auquel cas l'activité pourra être qualifiée de "phréatomagmatique". * quand j'écris "masse de magma" ça ne signifie pas "grande quantité". Ça peut être une toute petite masse, comme un dyke par exemple.

Ce scénario s'est reproduit encore 20 janvier à 01h26 (heure locale), avec cette fois la particularité d'avoir projeté des fragments incandescents, c'est-à-dire à une température suffisamment élevée pour que les fragments de roche émettent de la lumière visible.



Est-ce que ces fragments sont constitués de lave neuve ou sont-ce seulement des roches anciennes portées à très haute température (autrement dit: l'explosion du 20 janvier était-elle phréatomagmatique ou phréatique?). Là encore seule l'analyse des fragments produits par cette explosion pourrait apporter une réponse.

Quoi qu'il en soit il semble acquis que le système volcanique est instable en ce moment et les volcanologues ont donc conseillé de ne pas approcher des rivières qui descendent des versants, car leur niveau peut varier rapidement et leur haute acidité ne laissera que peu de chances aux être vivants se trouvant là au mauvais moment... 

Sources: RSN; OVSICORI

Etna, Italie, 3330 m

Là aussi le système volcanique est instable avec des émissions de cendres assez soutenues depuis le 22 janvier, rapportées par Boris Behncke, qui vit sur place et travaille à l'INGV.
Depuis environ une semaine l'ambiance au sommet à un peu changé dans le sens où les émissions de chaleur depuis la Voragine semblent s'être atténuées, bien que toujours présentes. Le changement principal reste toutefois la mise en place, depuis le 13 janvier au moins (peut-être avant), d’émissions de cendres depuis le cône nord-est (ci-dessous).



Émissions de cendres qui s'accentuent depuis le 22 janvier avec deux zones de production identifiées, à savoir le Cône Nord-Est toujours, accompagné de la Bocca Nuova. Quelques chutes de cendres, peu importantes, ont été recensées sur tout le versant est, quasiment jusqu'à la côte.

Les émissions de cendres depuis la Bocca Nuova et le Cône Nord-Est au matin du 23 janvier. Image: Boris Behncke


Pour l'heure, rien n'indique que le magma qui remplit la plomberie ne soit en mouvement (pas de variation, significative du trémor notamment) donc il est difficile de dire si ces émissions de cendres sont précurseur d'une future activité éruptive, ou plutôt à mettre sur le compte de réajustements internes suite au paroxysme du 24 décembre dernier.
Wait and see...mais en attendant je ne résiste pas à l'envie de partage l'image SENTINEL 2 du 23 janvier, qui montre les émissions de cendres dans une belle composition clair-obscur en faux noir et blanc.

L'Etna sous la neige et des émissions de cendres grises donnent une composition clair-obscur. Image: SENTINEL2-ESA/Copernicus


Sources: IGNV; Boris Behncke;

Manam, Papouasie Nouvelle-Guinée, 1807 m

Un nouveau paroxysme a eu lieu le 23 janvier su l'île-volcan de Manam, à peine plus de deux semaines après le précédent, et d'une intensité tout à fait similaire. Cela fait le 4ème paroxysme en moins de 6 mois, ce qui fait quand même beaucoup et doit poser de sérieux soucis pour les insulaires, les conditions environnementales n'ayant pas le temps de se stabiliser entre chaque événement.

En ce qui concerne ce second paroxysme, voilà ce qu'en disent les données satellites (les journaux Papous n'en parlent pas pour le moment). Il a débuté vers 4h40 TU, générant un panache de cendres qui s'est rapidement élevé jusqu'à une altitude estimée, selon les sources, entre 13  et 15 km, emporté vers l'ouest. Cette émission abondante de cendres s'est poursuivie jusqu'à environ 14h ou 14h15 TU (elle ne s'arrête pas d'un coup donc difficile de savoir à quel moment le pic cesse) et a donc duré grosso modo une dizaine d'heures. Simon Carn, du Michigan Tech a pu évaluer la quantité de SO2 émise dans l'atmosphère à 13 000 tonnes environ, et indique qu'il s'agit d'une valeur similaire à celle des autres paroxysmes.

L'émission de cendres a duré une dizaine d'heures. Images: Himawari 8
Les images prisent par MODIS aujourd'hui indiquent clairement que les émissions de cendres n'ont en fait pas totalement cessé, et restent même assez soutenues (quoique bien moins importantes que pendant le paroxysme).

Des émissions importantes de cendres se poursuivent au matin du 24 janvier. Image: MODIS/NASA
Les données du MIROVA, de leur côté, semblent indiquer la présence d'une source de chaleur, qui pourrait être (à confirmer) la formation de coulées de lave, comme lors des paroxysme précédent, mais ce point n'est pas vraiment clair.

L'ambiance pendant le paroxysme était tout à fait impressionnante en tout cas.

Le panache de cendres pendant le paroxysme. Image: Kessy Sawang

Les paroxysmes précédents avaient provoqué des dégâts importants sur des zones de culture de banane, qui semble être une ressource alimentaire importante sur l'île d'après les journaux. Des problèmes de gestion d'eau et de nourriture semblent persister, notamment parce que chaque paroxysme détruit des plantes comestibles.

Mise à jour 24 janvier, 12h06

Les données du capteur VIIRS (satellite Suomi NPP) semblent confirmer la présence d'une coulée de lave dans la même ravine (nord-est) que lors des paroxysmes précédents. En tout cas les caractéristiques du signal sont compatibles avec cette interprétation, le top étant évidemment des photos de cette effusion (si cela en est une).

Le signal thermique détecté est allongé entre le sommet et quasiment la côte nord de l'île. Ses dimensions et sa position géographique sont compatibles avec une source telle qu'une coulée de lave.


Sources: MODIS/NASA; Himawari 8; VAAC de Darwin; Simon Carn/Michigan Tech; Presse Papoue; Kessy Sawang; via Shérine France (merci!)

1 commentaire:

  1. Le temps est assez dégagé sur l'Etna aujourd'hui. La webcam de Skyline ne montre pas un panache trés violent, mais trés gris, trés cendreux j'imagine

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