19 octobre 2019

Un point sur l'activité des volcans Etna, Tinakula, Nyiragongo, Nyamulagira, Saunders, Shishaldin et Copahue

Il n'y a pas, pour l'heure, de grand événement à décrire (excepté Metis Shoal, dont le nom sera changé en Laetiki dans la base de données du Global Volcanism Program début novembre) mais il y a eu ces derniers jours pleins de petites choses, pour lesquelles j'ai envoyé quelques infos via twitter. Il est donc temps de faire un point sur quelques unes de ces situations.

Etna, Italie, 3330m

Et l'activité éruptive se poursuit sur le géant Sicilien, toujours au sommet mais il faut dire que ces dernières semaines ont été plutôt mouvementées.
En effet, alors que l'activité était focalisée depuis le 11 septembre dans la Voragine, il semble que le magma ait pu se faufiler via plusieurs voies différentes depuis la fin du mois de septembre.
En effet, dès le 30 septembre, en cours de journée, des émissions de cendres assez intenses sont produites à partir du Cône Nord-Est (CNE), et sont accompagnées d'une baisse de l'activité dans la Voragine qui, toutefois, ne cesse pas. Ces émissions de cendres se poursuivent dans le CNE au cours des jours suivants, avec des intensités variables. Au cours de la nuit du 05 au 06 octobre, on peut noter sur les images de la webcam de Bronte, sensibles aux basses lumières lorsqu'elle fonctionne en mode nuit, des lueurs émanant du CNE, suggérant une source de chaleur.

Source de chaleur dans le Cône Nord-Est, simultanément à une autre dans la Voragine. Image: Nicola Zappala

Et en toute fin de nuit, on peut même voire des projections à haute température qui émanent du même Cône Nord-Est: il semble qu'alors une activité strombolienne ait débuté aussi, simultanément à celle, toujours en cours, dans la Voragine voisine.

Les projections à haute température produites depuis le fond du Cône Nord-Est. Image: Nicola Zappala

La mauvaise météo des jours suivant empêche d'avoir une lecture fine des événements mais une chose est sûre: l'activité strombolienne dans la Voragine, moins intense qu'elle ne le fut courant septembre, se maintient et on peut, parfois, voire quelques bouffées de cendres qui sortent du Cône Nord-Est, avec aussi de temps en temps, des bouffées d'infrarouges thermiques.

Au cours de la journée du 13 octobre, une nouvelle phase d'émissions de cendres importante a lieu depuis le Cône Nord-Est qui, décidément, est le siège d'une instabilité chronique depuis plusieurs semaines. Cette séquence se termine dans l'après-midi mais en tout début de nuit, on peut voir se former à nouveau un important panache de cendres (juste après un flash infrarouge assez important, suggérant une activité explosive), suivit d'un second un grosse dizaine de minutes plus tard, puis une intense émission de chaleur source d'une incandescence (lueur visible à l'oeil nu) importante: grosse phase d'activité au fond du Cône Nord-Est ce soir-là!!

Une séquence d'activité intense au cours de la nuit du 13 au 14 octobre. Images: Nicola Zappala

Elle a duré une partie de la nuit et probablement une partie de la journée du 14, mais en émettant, finalement, qu'assez peu de cendres. Les nuits suivantes, y compris jusqu'à aujourd'hui, une activité vraisemblablement éruptive était toujours présente dans le Cône Nord-Est.

Enfin, une image satellite, des images webcams et des photos, indiquent qu'une activité éruptive est aussi présente dans la Bocca Nuova, et ce depuis au moins début octobre (peut-être avant).

Il semble qu'une activité éruptive anime 3 des principaux cratères de l'Etna en ce 12 octobre. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Activité explosive, strombolienne, confirmée par de magnifiques photos ...qui donnent surtout des fourmis dans les jambes, parce que ça fait envie de grimper là-haut quand même!


Activité strombolienne intense dans la Voragine (dernier plan) et la Bocca Nuova (premier plan), le 01 octobre. Image: Michele Mammino; via Etnative

Activité strombolienne sur de multiples évents au fond de la Bocca Nuova, les 14 et 15 octobre. Image: Michele Mammino, via Etnative


L'activité éruptive se maintient actuellement dans le Cône Nord-Est, siège d'émissions de cendres abondantes, et la Bocca Nuova. Et heureusement, là encore, des photos permettent de se faire une idée de ce qu'il s'y passe. Quand à la Voragine: le calme semble y être revenu depuis déjà quelques jours (des émissions de cendres depuis la Voragine le 16 octobre sont les dernières nouvelles d'une activité dans ce cratère).

Belle ambiance au sommet de l'Etna en cette nuit du 18 au 18 octobre, et l'activité dans le Cône Nord-Est. Image: Michele Mammino; via Etnative

Bref: quelle activité incroyable, quelles ambiances magnifiques. L'Etna, quoi...

Sources: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Nicola Sappala, INGV; Michel Mammino, via Etnative

Nyiragongo (3470 m) et Nyamulagira, République Démocratique du Congo (3058 m)

Nyiragongo

Là encore l'activité éruptive se poursuit et se manifeste essentiellement sous la forme du lac de magma, immense, qui trône au fond du cratère sommital. Toutefois ces dernières semaines ont été marquées par de nouvelles séquences d'éruption au niveau de l'évent secondaire, apparu juste à l'est du lac de lave en février 2016, activité toujours essentiellement effusive (formation de coulées de lave) et probablement faiblement explosive (activité strombolienne de faible intensité).
Cette activité sur l'évent secondaire pouvait être repéré sur une image satellite prise le 05 octobre par SENTINEL 2.

L'activité au Nyiragongo le 05 octobre: les deux évents (principal avec le lac et secondaire avec les coulées) actifs en même temps. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

C'est une situation maintenant plutôt habituelle mais le spectacle continue évidemment d'en valoir la peine et de nombreux touristes montent à nouveau au sommet.

Nyamulagira

L'activité éruptive se poursuit aussi dans le Pit Crater sommital, mais il n'y a pas eu d'iamge suffisemment claire pour pouvoir se faire une idée précise de ce qu'il se pase là-haut. Vue de l'extérieure, la localisation de la zone d'activité n'a pas vraiment bougé et reste dans le Pit Crater, mais le MIROVA permet de constater que l'activité a semble moins stable ces deniers mois. On peut déjà noter sur les graphiques du MIROVA un important "creux", une absence de signaux thermiques, fin avril-début mai: cela pourrait correspondre à la purge de toute la lave accumulée, décrite dans un précédent post. Puis une reprise de l'activité et le remplissage, à nouveau, du Pit Crater, activité qui semble moins "stable" et abouti, début septembre, à un nouveau creux, peut-être une petite pause dans l'activité, avnt un retour des signaux thermiques.

Les signaux thermiques enregistrés sur un an montrent une relative stabilité de novembre 2018 à avril 2019, puis un disparition, puis d'importantes variations entre juin  et octobre 2019. Image: MIROVA


On peut donc sans trop de crainte supposer qu'il y a toujours au moins un évent actif, avec une petite activité explosive (spattering, activité strombolienne ) et des coulées de lave qui remplissent progressivement le Pit Crater, ais il est difficile d'avoir les détails: à quoi ressemble le Pit Crater maintenant? Y a-t-il eu une nouvelle purge au moment où le MIROVA enregistre le second "creux"?
Malheureusement les nuages masquent le tout pour le moment. Au mieux peut-on voir quelques émissions infrarouge passer à travers les nuages lorsqu'ils ne sont pas trop épais.

À travers les nuages on peut distinguer deux sources de rayonnement thermiques: la plus intense pourrait correspondre à l'évent éruptif, la plus faible à des zones de coulées de lave en progression. Image: LANDSAT 8-/ NASA/USGS


Sources : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; MIROVA; LANDSAT 8-NASA/USGS

Saunders, Territoire Britannique d'Outre Mer, 990 m

Cette petite île isolée, avec ses consœurs de l'Archipel des Sandwichs du Sud a montré, ces dernières semaines, quelques traces d'une activité, peut-être éruptive. Le problème est que la zone est rarement hors de nuages, vue la localisation géographique, mais voilà quelques éléments qui permettent de se poser la question.

Dans le courant du mois de septembre j'avais fais passer via twitter une image satellite de Saunders, sur laquelle on pouvait constater la présence d'un signal thermique faible dans le cratère sommital. Le problème d'un signal thermique faible, c'est que la source qui l'émet peut-être de différentes natures: il peut s’agir d'une petite activité éruptive, mais aussi de zones de dégazage à très haute température. C'est tout à fait le type de signal qui peut être observé sur plusieurs édifices dans le monde, sans pour autant qu'il y ait d'éruption.


Signal thermique, faible mais bien localisé, dans le cratère sommital du mont Michael, cône actif du volcan Saunders. Image: SENTINEL2-ESA/Copernicus

Sur cette même image, mais composée avec des longueurs d'ondes différentes, on peut aussi constater la présence d'une importante tâche sombre, allongée en direction du nord-est, qui s'étire entre le sommet et la côte de l'île volcanique.
Il n'est pas impossible qu'il s'agisse d'un dépôt de cendres récent, salissant la couche de neige.

Une longue tâche sombre sur la neige évoque (fortement) un dépôt de cendres récent. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Enfin, une autre image prise presque un mois plus tard, le 10  octobre, permettait de constater la présence d'un dégazage très abondant, formant un panache large et long, ma foi très esthétique aussi. Ce panache n'est pas obligatoirement lié à une activité éruptive, et je n'ai pas d'argument particulier pour ou contre cette possibilité. Mais en tout cas sa présence semble assez cohérente avec un système volcanique toujours plutôt instable.

Un panache de gaz imposant était produit le 10 octobre. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Bref: il est difficile d'affirmer qu'une activité éruptive a bien eu lieu courant septembre sur le volcan Saunders, mais le faisceau d'observations ci-dessus permet, à minima, d'avoir un fort soupçon.


Source: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Copahue, Chili, 2953 m


Voilà un édifice qui n'avait plus fait parler de lui depuis un petit moment, puisque la période d'activité précédente avait pris fin au cours du second semestre 2018.
Mais à partir de début septembre les stations sismiques installées sur le massif ont commencé à enregistrer une hausse du trémor, puis, à partir du 11 septembre, des secousses liées à des explosions.
Pour le dire autrement: le système volcanique était redevenu plus instable qu'au cours des mois précédents, laissant ouverte la possibilité qu'une activité plus soutenue ne démarre.

Et l'activité est effectivement devenue plus soutenue, sans être (heureusement) intense. Elle s'est manifestée par la disparition du lac acide qui avait réussit à se former après la période d'activité précédente, mais aussi par l’apparition d'émissions de cendres, plus ou moins importantes. Un des moment fort, me semble-t-il, de ce cette nouvelle phase fut l'observation de projections à haute température, propulsées assez haut pour être visibles à la caméra.

Au cours de la nuit du 10 au 11 octobre, des projections pouvaient, parfois, être vues. Image: SERNAGEOMIN


Par ailleurs on a pu rapidement constater l'émergence, dans le cratère actif, appelé El Agrio, d'une source de chaleur. Cette activité, non encore caractérisée avec précision, se poursuit actuellement

Source: SERNAGEOMIN

Tinakula, Iles Solomon, 851 m

Difficile de faire un suivi de l'activité sur cette île, souvent couverte de nuages, et il ne faut pas compter sur des détails puisque l'île es isolée et que les observations directes sont très rares.
Mais le MIROVA, qui avait commencé à repérer des signaux thermiques fin novembre 2018, produits par une activité éruptive, continue d'enregistrer des signaux similaires. Ils ne sont jamais très importants, mais ils sont détectés assez régulièrement, ce qui suggère que l'activité éruptive a été plus ou moins continue depuis un an environ. On peut noter un pic d'émission de chaleur en mai, peut-être en lien avec la coulée de lave qui avait été détectée début avril 2019.

Les signaux thermiques sont toujours présents: l'activité semble se poursuivre. Image: MIROVA

Cette activité éruptive, probablement strombolienne ou quelque chose d'approchant, continuait à produire une coulée de lave en ce début octobre 2019. Mais la question est: est-ce la même coulée (effusion) que celle d'avril, ou y a-t-il eu une interruption puis une seconde phase d'effusion?

La coulée de lave repérée le 10 octobre 2019. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

En tout cas l'activité éruptive se maintient.

Source: MIROVA; SENTINEL2-ESA/Copernicus

Shishaldin, États-Unis, 2857 m

L'éruption qui avait débuté cet été au sommet du magnifique Shishaldin a pris fin courant septembre, ce qui avait conduit les volcanologues de l'AVO a diminuer les alertes d'un cran (jaune pour l'aviation;  ADVISORY pour le niveau d'alerte volcanique). La fin de cette éruption  avait conduit, comme souvent, à une baisse du niveau de la colonne de magma dans la partie très superficielle des dykes, retrait accompagné de l'effondrement du cône de scories (produit par l'activité explosive), et des coulées de lave empilées tout autour de lui (activité effusive), et donnant au fond du cratère un forme d’entonnoir.

Mais l'AVO a été obligé de réévaluer la situation récemment, et d'élever à nouveau les niveaux d'alerte: aviation à l'orange et "WATCH" pour l'alerte volcanique. Car une nouvelle phase éruptive a débuté, à nouveau dans le cratère sommital, et sur les restes de cône et des coulées de la première éruption (ou de la première phase de l'éruption, c'est jamais très clair lorsque deux phases sont rapprochées comme ça, de savoir si elles sont décorrélées ou si la seconde n'est que la poursuite de la première)).

Pour l'heure, et vue qu'on s'approche de l'hiver et que les conditions météo sont déjà assez dures sur place, il n'y a pas eu d'observations directes de cette activité mais il serait étonnant qu'elle soit fondamentalement différente de celle de la précédente phase.

Signal thermique très intense au sommet du Shishaldin, le 17 octobre 2019. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Sources: AVO/USGS; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

5 commentaires:

  1. Bonjour,

    Pour compléter, je reviens du Ol Doinyo Lengai en Tanzanie (la montée la plus difficile que je connaisse sur un volcan jamais vu de telles pentes et un billard comme ça la lave se transforme en billes) et par rapport à une vidéo de 2018 le cratère tout blanc recommence à bien se remplir ( reste tout de même 80-100 mètres). L'activité est sous la lave "blanche" donc on voit que des trous avec une lueur noire. Je ne serais pas surpris qu'il déborde à nouveau d'ici 2 à 3 ans. Vue exceptionnelle sur la vallée du Rift.

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    1. Bonjour Nic. La dernière fois que la carbonanite a été émise en quantité visiblement assez soutenue, ce fut début octobre, depuis tout reste calme, mais je ne doute pas qu'il y aura de nouveaux pics sous peu. Quand à un débordement d'ici 2-3: à moins que le débit soit vraiment important, ça me parait un délai court, surtout si l'on se souvient que le remplissage en cours a débuté probablement en 2014. Ceci dit on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise.
      Merci de votre retour du terrain en tout cas :)
      CV

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  2. Pour le Nyiragongo je ne suis pas persuadé que de "nombreux touristes y viennent" vu la dangerosité du territoire. Pour l Etna superbe photos mais accès très réglementée malheureusement : y a t'il un guide accrédité qui accompagne les touristes de nuit ou c'est interdit ?

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    1. Beaucoup de photos et mises régulièrement en ligne sur les réseaux sociaux: ma foi, je ne dit pas qu'il y a des dizaines de milliers de touristes par mois, mais je n'ai pas l'impression que le tourisme au Nyiragongo soit au point mort :)
      CV

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  3. Salut @Nic, je suis curieux de voir des images récentes du Lengaï, est ce que tu pourrais m'en envoyer par email (alex.molle.pro@gmail.com) ? Merci pour ces nouvelles,
    Alex

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