1 juillet 2019

Un point sur l'activité des volcans Nyamulagira, Manam et Raikoke

Nyamulagira, République Démocratique du Congo, 3058 m

L'activité éruptive qui a débuté en avril 2018 persiste au sommet de l'édifice mais elle a évolué d'une manière qui, à mon sens, mérite d'attirer notre attention...au cas où. En début d'année il était clair que le remplissage du Pit Crater ouvert dans la caldera sommitale était en cours, les coulées de lave s'accumulant progressivement jusqu'à arriver à légèrement déborder sur le plancher de la caldera courant avril 2019.
Toutefois la dernière image sans nuages prise par SENTINEL2 montre un chambardement total: l'accumulation de coulée sur l'année écoulée a disparu, le Pit Crater a été purgé, et une nouvelle accumulation de lave est en cours sur les restes de la précédente. Et le changement est particulièrement spectaculaire, alors même qu'il est passé inaperçu (je vous laisse juger), puisque ce sont probablement environ (estimation grossière, c'est uniquement un ordre de grandeur) de 5 millions de m3 de lave qui aurait disparu en quelques jours.



La question est: où est passée toute cette matière? Il faut déjà supposer qu'une fraction non négligeable de l'épaisseur accumulée étaient encore suffisamment liquide pour être purgée et que la seule partie franchement solide était la croûte superficielle, qui a dû s'émietter lors de la purge. Ceci étant dit, et puisque pour le moment aucune fracture ne s'est ouverte à l'extérieur de l'édifice (comme en 2011), cette matière en fusion s'est forcément répartie dans de nouveaux dykes installés au coeur de l'édifice (de type volcan-bouclier). Je suppose donc que si des instruments surveillent l'édifice, une sismicité particulière a pu être enregistrée.

Reste à savoir quand a eu lieu ce changement. Je ne le sais pas avec certitude mais deux choses m'amène à supposer que c'est autour du 14 juin. Tout d'abord un pic thermique important à ce moment là, détecté par le MIROVA, et qui pourrait avoir été détecté au moment de la purge, qui remet momentanément à jour la roche en fusion stagnante sous la croûte solide.


Un pic d'émission d’infrarouge notable le 14 juin, qui tranche avec l'émission moyenne sur un an, et est même l'un des plus important sur l'année écoulée. Image: MIROVA

Une image de SENTINEL 2 prise le 12 juin sur laquelle on peut constater que le signal thermique est encore assez fort mais, surtout, localisé au même endroit que sur l'image prise le 05 mai, lorsque la situation était encore stable, ce qui m'amène à penser que la purge a peut-être eu lieu après le 12 juin.

L'activité éruptive était encore localisée, le 12 juin, dans le même secteur que sur l'image prise le 05 mai 2019: la situation semble à priori stable encore à ce moment-là. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Bref: vue comme la situation a évolué, pouvant résulter d'infiltrations de dykes dans l'édifice* il est important de garder une vigilance, car il ne faudrait pas que les conduits se purgent sur les basses pentes: c'est souvent source de dégâts.


* et il serait intéressant de savoir si:
1- c'est le cas ou non.
2- si c'est le cas, est-ce que ces infiltrations sont à mettre en lien avec une évolution plus régionale, au niveau du rift, qui fragiliserait l'édifice ou si c'est juste interne à l'édifice, sans causes tectoniques externes.


Raikoke, Russie, 551 m

Difficile de dire si une activité éruptive se poursuit, mais en tout cas un puissant dégazage est toujours présent au sommet. Toutefois, ce qui m'amène à faire un post sur le Raikoke, c'est surtout la mise en ligne d'une nouvelle image satellite, dégagée de nuages, qui peut donc être comparée avec une autre image prise avant le paroxysme, ce qui permet de constater les modifications.

Dès le lendemain du paroxysme des images radar, capables de produire une image malgré la présence de nuages, suggéraient par exemple qu'il y avait une retouche de la morphologie du cratère sommital, en particulier le quart nord-est. C'est confirmé avec un élargissement en forme de fer à cheval (en rouge dans l'image ci-dessous) dont la morphologie suggère qu'il pourrait s’agir d'un bout de paroi effondré au cours du paroxysme, et dont les fragments ont probablement été expulsé et "éparpillés façon puzzle".




Toutefois les principales modifications concernent clairement le tracé des côtes ouest, nord et est, et un peu la côte sud. Les dépôts de cendres, probablement dus à des écoulements pyroclastiques importants, ont colmaté toute une série de baies et ajouté une superficie non négligeable à l'île, en éradiquant probablement toute vie ou presque sur l'île (un peu de végétation semble avoir survécu sur la pointe est).

J'avais d'ailleurs fais passer sur twitter des photos prisent peu après le paroxysme: l'ambiance est impressionnante!

Un îlot situé à la base du versant ouest de l'île. Image: Nick Pavlov/East Tour

Le même îlot est devenu une presque île, connecté à l'île principale par l'important dépôt d'écoulements pyroclastiques. Image: Nick Pavlov/East Tour


Situation à suivre.

Sources: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus;  Nick Pavlov/East Tour; kscnet

Manam, Papouasie Nouvelle-Guinée, 1807 m

Concernant le Manam, je n'ai pas grand chose à dire si ce n'est que la répartition des signaux thermiques post-paroxysme suggèrent fortement qu'une coulée de lave s'est mise en place dans la ravine nord-est, par-dessus les coulées de lave des paroxysmes précédents (comme après celui du 25 août 2018, par exemple).


Les données du VIIRS suggèrent fortemetn la présence d'une coulée de lave: ce sera à confirmer! Image: MODIS/NASA - Suomi NPP/VIIRS

Il faudra attendre des images à plus haute résolution pour confirmer ou infirmer cette effusion et, le cas échéant, tenter de donner quelques détails.

Source: MODIS/NASA - Suomi NPP/VIIRS

4 commentaires:

  1. Bonjour,
    Pendant l'AG de LAVE, la diffusion d'un film sur le lac du Nyamulagira (expé du début d'année) a donné l'occasion à Patrick Marcel de dire que selon un contact local, les images étaient déjà caduques car le plancher s'était effondré peu avant, sans certitude de date mais donc avant le 8-9 juin

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    1. Salut CV,

      Dingue qu'un tel phénomène puisse passer inaperçu sur le Nyamulagira ! Mais l'OVG a arrêté le bulletin hebdomadaire depuis quelques mois, alors... Heureusement que tu es là ! ;)
      Plus sérieusement, on pense facilement à un événement type kilauea 2018, avec une vidange de la zone centrale vers une rift-zone... et une éruption latérale. Mais ce n'est sans doute pas le mécanisme habituel dans cette région où l'activité tectonique régionale a des conséquences certaines. En effet, l'activité permanente du Nyiragongo nécessite une vidange de la lave de manière interne et ce, sans faire éruption, sinon le niveau du lac augmenterait perpétuellement... C'est peut être ce qu'il s'est tout simplement passé ici !? On peut juste désespérer de voir un jour des GPS permanents pour répondre à cette question...

      Merci en tout cas !

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  2. Bonjour CV et Ludovic,
    Evénement Kilauea 2018 ou Erta Alé 2017, mais là si c'était réellement le cas cela ne serait pas passé inaperçu dans la région car 5 000 000 de M3 cela représente 10 fois le volume du Pit cratère Sud de l'Erta Alé ou 5 fois si l'on y ajoute le Pit cratère Nord qui s'était également vidangé. Croyez moi en janvier 2017 j'étais à l'Eta Alé c'était immense donc je confirme c'est autre chose qui s'est passé

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    1. Non, non, on ne dit pas que c'est ce qu'il se passe sur le Nyamulagira en ce moment soit la même chose que Kilauea et Erta Ale (quoique, ça pourrait très bien sortir dans quelques jours), car bien évidemment qu'on le verrait sur les images satellites... On peut quand même s'étonner qu'un tel phénomène géologique, qui n'arrive pas tous les quatre matins, puisse passé inaperçu !
      Désolé si je n'ai pas été clair...

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