Puissante (mais courte) activité explosive sur le Stromboli (mis à jour x5)

Depuis le 13 juin le niveau d'activité sur le Stromboli est décrit comme "modérée"*, ce qui signifie que l'activité est déjà soutenue et très belle, avec une fréquence élevée d'explosions mais qui ne représente pas globalement un risque pour l’observation. Toutefois, la manière de voir la situation a évolué suite à une puissante explosion qui avait eu lieu dans la nuit du 25 au 26 juin, et dont les fragments s'étaient éparpillés plus loin que lors des explosions "habituelles"; explosion qui avait décrite comme "majeure", ce qui signifie qu'a provoqué une certain dépassement de seuil de déformation du sol (plus que 0.25 microradian je crois, à vérifier). Et puis il y a eu le paroxysme....

L'activité explosive très belle ces dernières semaines (j'en ai fait passer quelques moments via twitter) et soutenue, avec des phases d'activité explosive permanente sur certains évents, indiquait ainsi que l'alimentation en magma était très bonne.

Mais regardons déjà la chronologie: la phase paroxysmale a débuté vers 14h46 TU mais la question qu'il faut se poser immédiatement avant d'aller décrire le paroxysme c'est: " que s'est-il passé avant?"

Plusieurs webcams sont installées sur l'édifice, ce qui permet d'avoir des points de vues divers et des chronologies à faire.

Si l'on regarde du côté du sommet, la caméra thermique de l'INGV permet de constater qu'avant le paroxysme, à partir de 13h57 TU, un nouvel évent apparait en dehors de la plate-forme cratèrique, sur sa pente externe, qui n'est autre que le départ de la Sciara del Fuoco. Une petite image Google Earth pour localiser ces éléments pour celles et ceux qui, parmi vous, ne connaissent pas forcément l'île et sa topographie.

La Sciara del Fuoco, délimité en pointillés blancs, et le nouvel évent localisé par un point rouge. Image: Google Earth, annotation Culture Volcan

De ce nouvel évent ont commencé à apparaitre des éboulements de roches et une coulée de lave: une partie de la colonne de magma a donc commencé à percer à cet endroit quasiment une heure avant le paroxysme.

Apparition d'un nouvel évent et d'une coulée dans la Sciara del Fuoco. Images: INGV-CT

Alors que cette effusion se met en place, l'activité au sommet change aussi et deux coulées apparaissent simultanément, dans des évents séparés d'une centaine de mètres.

Deux nouvelles coulées de lave sur la plate-forme cratèrique au sommet, juste avant le paroxysme. Image: IGV-CT

Puis la première explosion se produit, violente, qui arrose toute la zone sommitale de fragments à très haute température, suivit d'une seconde, tout aussi violente, qui en remet une couche. Les fragments retombent sur tous les versants de l'édifice, déclenchent des incendies...et font au moins un mort et un blessé grave.

Les deux explosions, séparées de plusieurs minutes. Images: INGV-CT

La société skyline, qui installe des webcams HD à de très nombreux endroits et permet d'avoir un flux en temps réèl, à pu capturer le moment de la première explosion (à 1'07 sur la capture ci-dessous): c'est tout simplement hallucinant: la bulle de gaz qui explose a une taille démesurée!!!

Capture d'écran qui montre la bulle de gaz entrain expulser le magma à plus de 1000°C, une seconde (à peu près) après le démarrage. Image: Skyline

On peut voir sur les très nombreuses images faite au cours du paroxysme par les personnes situées à proximité de l'île, qu'il y a un écoulement pyroclastique ("nuée ardente") qui dévale la Sciara del Fuoco, ce que ne peuvent pas montrer les webcams, qui sont soit HS, soit dans les chutes de cendres. Une des vidéos parmi la multitude (moi j'ai coupé le son, on dirait un jingle de chaine d'info en continue) histoire de voir à quoi cela ressemble.

Le panache de cendres, haut de plus de 2000m, et un front d'écoulement pyroclastique dans la Sciara del Fuoco. Image: Elisa Scarpa

Il est clair que le paroxysme a eu lieu dans la partie centrale de la plate-forme cratèrique, et pas sur le cône nord. Or il est clair aussi qu'après les explosions la morphologie du cône nord est fortement retouchée et qu'une grande partie a tout simplement disparu.



Cela est très probablement à mettre en relation avec la séquence qui précède l'explosion sur les images skyline: on voit au cours des minutes qui précèdent le paroxysme qu'un dégazage de plus en plus intense se met en place mais aussi des avalanches de blocs qui soulèvent de plus en plus de poussière sur la pente du cône nord. Tout cela indique que le Cône ord n'est plus aussi stable à ce moment-là.


La disparition d'une partie du cône nord peut s'expliquer de diverses manières, et ce n'est pas simple d'y voir clair et de trancher:

- soit l'arrivée de la bulle de gaz a provoqué une déformation et une déstabilisation du cône nord, qui n'est que l'accumulation des scories projetées au cours des mois écoulés, et un tas de fragments, ce n'est pas solide (d'autant plus que son versnt nord-ouest pend dans la Sciara del Fuoco)

- soit la chute importante d'un gros volume de fragments de lave propulsé en l'air par le paroxysme ont provoqué sa déstabilisation en créant une surcharge rapide.

Notez que les deux ne sont pas incompatibles, et qu'il peux y avoir aussi d'autres explications.

Comment intérpréter tous ces éléments? Pas simple mais deux idées comme ça:

1- Il est possible qu'une masse de magma a fait son arrivée en surface au cours de la journée, bien que son déplacement ait pu commencer il y a deux semaines, lorsque l'activité a été élevée à "modérée" au lieu de "faible" (ce n'est qu'une idée jetée sur le clavier, pas une théorie).
À faible profoneur, poussant vers l'extérieur la colonne de magma sus-jacente, elle oblige une partie de ce magma a percer où il peut: c'est la mise en place des coulées de lave. Puis, comme la nouvelle masse de magma a subit une décompression en approchant de la surface, le gaz forme des bulles qui coalescent (fusionnent) pour former une bulle plus grosse qui explose: c'est le paroxysme.

 2- l'activité intense des deux dernières semaines a provoqué une accumulation rapide de fragments et rendu la zone sommitale instable et fragile. La structure ainsi fragilisée devient perméable au magma qui perce à plusieurs endroit (les coulées) et la déstabilisation de la partie supérieure du conduit provoque une décompression qui s'exprime de manière violemment explosive: le paroxysme.

Honnêtement je ne sais pas que type de scénario serait le plus proche (le moins éloigné?) de la réalité, et pour cause: regarder une éruption directement sur le terrain avec ses yeux, ou à l'aide de webcams, n'est pas le meilleur moyen d'y voir clair, sinon ça se saurait (mais ça apporte des inforamtion très utiles quand même, il ne faut pas cracher dans soupe).

Les volcanologues vont devoir récolter des échantillons, les analyser pour savoir si, justement, le paroxysme est dû à l'arrivée d'un magma neuf et plus riche en gaz, ou si c'est le même magma que ces derniers mois mais qui a subit une décompression rapide. En tout cas dans le bulletin publié le matin même par le Laboratoire de Géophysique Expérimental, aucune déformation importante n'était détectée...

En tout cas, maintenant que la situation semble plus stable, l'effusion (coulée de lave) se poursuit dans la Sciara del Fuoco.

La coulée de lave toujours alimentée en ce début de nuit. Image: INGV

Des activités explosive de cette ampleur ne sont pas fréquentes, mais plusieurs ont été observées dans l’histoire, les plus récentes en 2007 et 2003. Mais je note que la situation d'aujourd'hui semble différente de celles de 2003 et 2007, et que le mécanisme en cause pourrait être différent de celui proposé par Sonia Calvari pour 2003 et 2007.

Mise à jour 04 juillet, 07h01

Maintenant que la partie supérieure des conduits d'alimentation a changé de morphologie, l'activité explosive, qui se poursuit mais est revenue à un style plus habituelle, quoique toujours très soutenue (comme avant le paroxysme en fait), reste spectaculaire, avec parfois l'explosion de belles bulles de gaz.

Certaines explosions restent impressionnantes et dispersent largement bombes et blocs. Image: LGS

La coulée de lave qui progresse dans la Sciara del Fuoco reste alimentée depuis le nouvel évent.

Enfin je ne résiste pas au plaisir de vous faire passer la capture de la mise en place de l'écoulement pyroclastique principal, par une webcam du Laboratoire de Géophysique Expérimentale.

Écoulement pyroclastique dans la Sciara del Fuoco: un spectacle peu habituel, mais déjà observé. Image: LGS

Pas facile de voir des détails mais il semble que c'est toute la partie haute de la plate-force cratèrique qui a subit une déstabilisation et alimente cet écoulement, qui n'est visiblement pas lié au panache (ce n'est pas un bout de panache qui retombe et progresse au sol).
Et pour l'anecdote, on peut voir circuler sur les réseaux sociaux une planche du manga Plinius qui montre un Stromboli...assez proche de celui d'hier finalement!

Mise à jour n°2, 04 juillet 2019, 19h51

Deux choses et la première, un mea culpa: j'ai raté le titre. Moi qui tente de faire attention aux mots que j'emploie, j'ai rédigé un titre qui ne décrit pas vraiment la situation. Je propose donc "Puissante (mais courte) activité paroxysmale sur le volcan Stromboli". Car "Puissante (mais courte) activité explosive" suggère qu'il n'y avait pas d'activité explosive avant, et qu'il n'y en avait plus après, ce qui est faux. Or l'idée du blog c'est tout de même d'essayer de faire comprendre les situations aussi diverses que variée que nous offre le volcanisme terrestre, et si je ne m'astreint pas à employer les bons termes, je ne risque pars d'atteindre cet objectif, qui est certes ambitieux, mais auquel je m'attèle depuis une petite vingtaine d'années maintenant et diverses circonstances, professionnelles ou non.

La seconde chose est une image. Une photo absolument a-hu-ri-ssante et, pour tout vous dire, mon vocabulaire est tout à fait insuffisant, insignifiant même, pour décrire l'impression, l'émotion même, ressentie en voyant cette image aujourd’hui (merci Mr 5G!). Je n'y tient plus, la voilà!

Les premiers instants du paroxysme...quel mot employer? Image: Francesco Rinauro

À la base du panache, les fragments dont certains semblent avoir une taille juste complètement dingue sont incandescents, incandescence visible en plein jour et à plus de 2 km à vol d'oiseau ce qui indique une température très élevée, supérieure à 1000 °C. Ce sont les fragments projetées par  l'immense bulle de gaz qu'on voit exploser et se déployer sur les images skyline.
La décompression produit le dégazage brutal du reste de la colonne de magma, et produit une autre activité explosive bien plus intense qui prend le relai (tout cela se fait de manière continue, i ln'y a pas d'interruption entre les deux phases), qui fragmente le magma en particules plus fines (cendres), éjectées verticalement: ce jet de gaz et cendres traverse la première bulle et forme la partie haute du panache. C'est cette zone là qui se déploie ensuite dans le ciel Sicilien et forme le panache haut de plus de 2000m.

Mise à jour n°3; 5 juillet, 07h06

J'ai dû enlever la section de la vidéo qui montre les images skyline: elle a visiblement été retirée du compte youtube vers lequel j'avais mis le lien. Je l'ai remplacé par une capture d'écran qui montre le départ de l'explosion et vous trouverez le lien vers la vidéo dont j'ai fait la capture dans les commentaires, grâce aux lecteurs-trices, que je remercie!

Mise à part ça j'ai partagé hier la séquence faite par le Laboratorio Geofisica Sperimental qui a pu voir, de son côté, la mise en place de l'écoulement pyroclastique dans la Sciara del Fuoco. Il semble que la première partie de la plate-forme à s'effondrer soit la zone centrale : on voit nettement un front se développer dans la Sciara depuis cette zone; puis un autre front se met en place rapidement après depuis le secteur du cône nord (premier plan) qui pourrait correspondre à la phase maximale d'effondrement de ce dôme (il avait commencé à s'effriter juste avant le paroxysme, ce que montrent bien les images skyline).

À noter au passage qu'on voit bien les impacts de bombes en mer, à plus de 2km du sommet où la bulle a explosé! On voit aussi nettement qu'avant que la bulle n'explose, des fragments du cône nord roulent jusqu'en mer dans la Sciara del Fuoco.

Depuis ce qui peut être vu comme un éventrement de la plate-forme cratèrique par l'explosion de cette immense bulle de gaz (je m'en remet pas...), les conduits sont plus ouverts et le dégazage est bien plus efficace: une activité explosive très intense, strombolienne, se maintient avec des phases d'activité explosive permanente (sapttering) comme cela avait pu être le cas plusieurs avant le paroxysme, ce qu'a pu observer aussi Ludovic Leduc (voire commentaires) mais le point de départ est la zone centrale, où la bulle de gaz a explosé et non le cône nord :) (à moins qu'il n'y ait eu aussi des phases de spattering dans le cône nord, mais je ne les aient pas repérées). Du coup le niveau d'activité est passé un cran au-dessus au LGS.

Activité très élevée après le paroxysme. Image: LGS

Attention, pour être (ou tenter d'être) clair, l'activité n'est pas "high" à cause du paroxysme, mais parce qu'après le paroxysme, l'activité explosive produit des signaux géophysiques qui entrent dans la catégorisation en "high", avec en particulier des ondes infrasoniques qui produisent des surpressions d'environ 4 bars là où le LGS indique que la valeur habituelle est inférieure à 1 bar!!!!

Mise à jour n°4, 05 juillet, 22h25

Juste pour dire que je viens de jeter un oeil aux webcams de l'INGV et on voit particulièrement l'ampleur de la zone de la plate-forme cratèrique qui s'est effondrée. C'est cette zone (zone centrale), plus le cône nord, qui ont a priori généré les deux écoulements pyroclastiques visibles sur la séquence du LGS publiée dans la mise à jour précédente.

Les deux écoulements, le premier issu de la zone centrale, l'autre du cône nord (à priori). Image: LGS

Mise à jour n°5, 07 juillet, 18h30

Une nouvelle image satellite a été publiée cet après-midi et permet de se rendre compte de l'ampleur de l'impact du paroxysme. Les versant est et sud ont été particulièrement touchés, aussi bien par les chutes de cendres (et bombes sur les hauts versants), que par les incendies. Visiblement le versant nord l'a un peu moins été.


Mise à part ça je vous conseille de voir la vidéo dont le lien a été oartagé dans les commentaires: on y voit les premières secondes de l'explosion observées du côté de Ginostra, le petit village situé au sud-ouest de l'île, et qui a échappé de très près à la catastrophe puisqu'on voit que la zone imapctée s'arrête aux premières maisons!

On peut aussi voir qu'un nouvel évent s'est formé, un peu plus au sud-ouest que les évents habituellement actif. Il semble se positionner à la source de la coulée de lave, maintenant en cours de refroidissement, qui s'était formée après le paroxysme dans la Sciara del Fuoco.


Un rayonnement thermique  relativement fort (un peu visible sur la bande 8, mais pas sur la bande 4 (incandescence faible ou inexistante) est présent ce qui est logique: on peut constater sur les images de l'INGV qu'il y a des explosions, parfois assez fortes, qui s'y déroulent.

Explosions sur différents évent, dont le nouveau. Images: INGV

Des explosions stromboliennes ont aussi lieu sur le cône nord.

Sources: INGV; LGS; Elisa Scarpa; Skyline et Alex Bogàr; Plinius/Mari Yamazaki;
Francesco Rinauro; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

* la plupart du temps elle est décrite comme "faible"