26 juillet 2019

Activité explosive intense sur le volcan Tangkubanparahu (Indonésie)

Et vous remarquerez rapidement que je n'emploie pas le terme "éruption", nous allons voir pour quelle raison dans la suite de post, que voici.
A partir de la fin du mois de juin l'activité sismique a connu une modification importante avec une hausse très nette du nombre de secousses liées au dégazage, accompagnée d'une hausse, beaucoup plus faible, de secousses liées à la circulation de fluides.

Évolution de la sismicité depuis fin avril. Image: PVMBG/MAGMA


Le PVMBG indiquait, dans un article de presse, que ce type de situation pouvait être liée à des variations dans le niveau de la nappe phréatique, qui peuvent perturber les équilibres qui se mettent en place dans le système hydrothermal*. Cette instabilité pouvant se traduire par des phénomènes assez importants en surface, comme la brusque vaporisation d'une partie de l'eau surchauffée**.

Et si cette vaporisation se produit, la surpression brusque pulvérise les roches alentours (formant des particules de taille "cendres" et "lapilli", parfois même quelques fragments plus gros de taille "blocs") et ces particules de roches se mélangent à la vapeur, formant des gerbes noires et blanches caractéristiques, dites "cypressoïdes", car elles ressemblent à des cyprès, tout simplement (voir ce post).

Or aujourd'hui à 15h48 (heure locale) une activité explosive très spectaculaire, bien que d'une intensité globalement modeste (si on la compare à d'autres activité explosives, comme celle-ci ou celle-là par exemple), a eu lieu au niveau du cratère Ratu, zone touristique très prisée. Les images sont impressionnantes, voire spectaculaires, mais attention justement aux impressions, gardons la tête froide.




Pourquoi je dit "attention aux impressions": car les images montre des chutes de cendres intenses, abondantes, qui occupent tout le champ de vision, donnant l'impressionant uqe tout le ciel est occupé par ces cendres et que l'activité est extrêmement intense.
Mais ce n'est pas du tout le cas: l'activité semble très importante parce que la personne qui film est très près (aux alentours de 500m) du site de l'activité explosive. Or le panache de cendres formé s'est élevé à environ  1000m au-dessus du site de l'explosion (altitude atteinte un peu supérieure à 2000m visiblement d'après le PVMBG.

Une fois l'explosion démarrée, la vapeur se refroidit et se condense, formant de l'eau liquide qui s'agglomère avec les cendres, formant une pluie de cendres plus ou moins boueuse: ce sont les chutes de cendres denses que l'on voit à partir de la 6ème seconde, mais cette centre plus ou moins boueuse retombe essentiellement dans le cratère Ratu. Les cendres "sèches", plus légères et non agglomérées, sont emportées par le vent et sont retombées, pour l'essentiel, dans un rayon de 2 km autour du site, ce qui est très peu. Mais toute la zone touristique, sur le bord du cratère a été recouverte d'une belle couche de cendres, ce qui donne une ambiance assez spectaculaire.

Activité explosive de courte durée, d’intensité modeste, produisant peu de cendres, souvent agglomérées par de l'eau: tout indique que cette activité n'est pas produite par la sortie explosive d'un magma, mais qu'il s'agit, en tout cas pour le moment, d'une activité qui n'affecte que le système hydrothermale.

Toutefois, lorsqu'un système hydrothermal réagit et se déstabilise, ce peut être, en gros, de deux façons:

- soit il devient instable parce qu'une fraction de magma se rapproche de la surface, apporte un surplus de chaleur et de gaz ce qui cause l'instabilité, la vaporisation de l'eau et l'explosion. Dans ce cas l'activité est dite "phréatique" (si aucune trace du magma en cause n'est trouvée dans les cendres), ou "phréatomagmatique" (si une partie du magma neuf a été pulvérisé avec le reste).

- soit il devient instable seul, de part son évolution normale, soit en lien avec des causes extérieures, comme la variation de pluviométrie  (variation de nappe évoquée plus haut), éventuellement une secousse sismique proche et assez intense etc. Auquel cas, l'influence du magma ne changeant pas avant, pendant et après l'explosion, l'activité est dite purement "hydrothermale".

Difficile de dire ici si l'activité est phréatique ou hydrothermale mais si elle ne dure pas dans le temps, c'est que l'explosion a évacué l'instabilité rapidement: l'activité sera hydrothermale probablement. Si par contre elle dure un peu, c'est qu'une source d'énergie (de l’énergie thermique avec un peu de magma) maintient l'instabilité plus longtemps, ce qui serait cohérent avec une activité phréatique.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas du tout possible d'utiliser pour l'heure le mot "éruption", qui décrit, strico sensu, l'arrivée de magma à la surface de la Terre, et rien (pour le moment) n'indique que ce soit le cas ici (comme pour Ontake, Kusatsu-Shirane et tant d'autres).
Je lui préfère, et de loin, le terme "activité", auquel peuvent s’accoler de nombreux qualificatifs***, adaptés aux diverses situations. Et pourtant vous verrez partout les termes "phréatique" ou "éruption" employés quasiment systématiquement, y compris dans des sites officiels, alors même que le mécanisme de l'explosion (hydrothermal, phréatique etc) n'est pas connu actuellement.

Ce qui me fait pencher, pour l'heure en tout cas, pour une activité hydrothermale c'est qu'en plus de la courte durée et de l'intensité modérée (ce qui est cohérent avec une faible quantité d'énergie thermique mais ne prouve rien), la sismicité ne semble pas montrer de variation importante de al sismicité plus profonde, qu'un magma en cours d'ascension aurait très vraisemblablement généré puisqu'il doit fracturer les roches pour atteindre la surface.

Mais bon, tout cela reste une idée, certes basée sur quelques éléments d'observation et de contexte. Mais sans données concrètes comme l'analyse des cendres, des informations plus précises sur la sismicité etc cela ne reste qu'une idée personnelle****.

Sources: PVMBG; MAGMA; Merci à Shérine France pour le lien vers la vidéo !

* la zone où l'eau d'infiltration est portée à haute température et où sa composition change en raison de la dissolution de gaz en provenance du magma et d'éléments minéraux prélevés aux roches traversées.

** sous terre, autrement dit sous pression, l'eau peu rester liquide bien au-delà de 100°C

*** y compris l'adjectif qualificatif "éruptive" qui donne "activité éruptive", dont le synonyme est "éruption"


**** que je jetterai à la poubelle sans la moindre émotion si des éléments solides disent le contraire, je ne suis pas nostalgique de mes idées.

1 commentaire:

  1. Salut CV !

    Sûr que la suite permettra d'affiner le type d'activité.
    En attendant, en plus de la sismicité, Magma Indonesia décrit une "inflation locale modérée au cours du dernier mois" et des "fluctuations des concentrations des espèces soufrées depuis le 10 juillet"... Tout cela peut être concordant avec une activité hydrothermale évidemment, mais cet ensemble de données enseigne surtout que cette explosion intervient dans un moment où ce système hydrothermal est agité... et donc qu'on pouvait s'y attendre !

    Bonne journée,

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