22 juin 2019

Puissante activité explosive sur le volcan Raikoke (Iles Kouriles) (mis à jour)

Il s'agit de la première éruption sur cette petite île, située au large de l'île de Matua composée du stratovolcan Sarychev Peak dont vous avez déjà vu cette image obligatoirement), depuis 1924*, qui était une éruption de VEI 4, déjà très intense donc. Et cette nouvelle phase éruptive est violemment explosive, sans le moindre doute.
Les premières informations ont été transmises par le satellite Himawari 8, qui a detecté l'activité dès ses tous premiers instants. Les images permettent ainsi de constater que l'activité démarré par une activité explosive vers 18h15 TU le 21 juin: le soleil se lève alors tout juste sur cette portion de l'archipel des Kouriles.

Départ de l'éruption dès potron-minet le 22 juin (heure locale) ou le 21 juin (TU). Image: Himawari 8

Moins d'une heure plus tard une seconde activité explosive, un peu plus intense, se produit et génère un second panache alors que le premier est en cours de dispersion: le magma ne sort pas si facilement!

Formation d'un second panache de cendres. Image: Himawari 8

Une troisième explosion a lieu vers 20h12 TU, encore un peu plus puissante que la seconde et généère un troisième panache qui se mélange au deux premiers en cours de dispersion.
Puis un 4ème panache cendres se forme vers 22h10 TU: celui-ci est moins important que les précédents et on pourrait penser que l'activité faiblit. Mais pas du tout: le magma, à ce stade, tente toujours de se frayer un passage à travers l'édifice et la partie supérieure de la croûte terrestre et il n'y a pas de passage tout près, un trou béant que le magma n'aurait plus qu'à remplir pour sortir. Il doit fracturer les roches, se frayer un passage de force à travers divers roches compactées par la pression, et sa viscosité** est aussi un frein à sa progression.

Malgré tout ce magma est sous pression et les roches autour n'ont pas tenu longtemps: la phase principale de cette activité explosive démarre vers 23h10 TU avec une cinquième explosion. Mais cette fois le conduit est ouvert: le magma a réussit à s'ouvrir une voie directe vers la sortie, plus rien ne gène sa progression. L'activité explosive qui démarre a ce moment-là génère un panache qui s'élève à plus de 13000 m d'altitude d'après le VAAC de Tokyo. Pris en charge des vents d'altitude puissants, le panache est emmené vers l'est tandis que l'activité explosive continue de l'alimenter.

Le sommet du panache aplatit à la base de la stratosphère, dispersé vers l'est . Image: Himawari 8
En raison des vents, le panache est rapidement emmené au-dessus des eaux de l'océan Pacifique mais son alimentation cesse vers 02h30 TU. À ce moment là les cendres produites au départ de l'activité sont déjà à environ 300 km à l'est! Au cours de toute cette période de très nombreux éclairs ont été détectés par les réseaux de surveillance dédiés: plus de 600 éclairs intrapanaches, mais aussi près d'une centaine entre le panache et le sol. Le risque pour l'aviation est évidemment très important et l'alerte aviation est au rouge.

Le calme est rompu à nouveau vers 04h40 TU (il y a quelques minutes, pendant la rédaction du post que vous lisez) par la mise en place d'une 6ème phase explosive, qui génère un panache de cendres dont la hauteur semble similaire à celle de la 5ème phase (au-delà des 10000 m probablement, à confirmer quand le VAAC aura pu faire un mise à jour).

Départ de la 6ème phase explosive de cette éruption, quasiment en directe. Image: Himawari 8
Le tout en animation, ce qui vous permettra de compter le nombre de panaches successifs si le coeur vous en dit :)

Les différentes phase de cette puissante activité explosive. Images: Himawari 8


Beau panache de cendres, qui se déplace loin au-dessus d'un ciel chargé de nuages. Image: MODIS/NASA

Mise à jour, 23 juin, 21:14

Tandis que le panache de la phase la plus intense*** continue de se disperser vers l'est dans l'atmosphère, littéralement aspiré par une dépression qui se déplace dans le nord de l'océan Pacifique, l'activité se la petite île-volcan de Raikoke se poursuit, mais avec une intensité nettement amoindrie.
Amoindrie, certes, mais que l'on pourrait considérer comme toujours soutenue si on la voyait de près, depuis le sol.



Elle génère toujours une quantité assez importante de cendres mais elles restent à plus faible altitude visiblement, et sont emportées vers le nord .

L'activité explosive au cours de la journée du 23 juin: toujours intense, quoique plus faible que l'activité du 22 juin. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Shérine France nous a dégotté, comme à son habitude, des images très impressionnate d'un bateau croisant sous le panache de cendres: les marin ont de travail de dépoussièrage (comme les journées n'étaient pas déjà compliquées en mer).




Il n'est pas impossible que des modifications de l'aspect du cratère sommital aient eu lieu au cours de la phase la plus explosive, mais il faudra attendre un peu pour les confirmer et les caractériser avec un peu de détails.

* Peut-être une petite activité en 2009 d'après quelques images satellites, mais c'est pas clair.

** qui peut être forte ou pas, on ne sait pas pour le moment car le magma n'est pas identifié pour l'heure. Mais quoi qu'il arrive un magma, même dit "fluide", est déjà assez visqueux à notre échelle! Un basalte à 1200 °C, donc près de son point d'émission uniquement, a ainsi une viscosité d'environ 50 Pascale seconde (Pa.s), c'est-à-dire entre du miel et de la mélasse, liquides que l'on considère déjà très visqueux à notre échelle. Pour peu que le magma émis soit une andésite (viscosité décrite comme "modérée") avec 1% d'eau, la viscosité grimpe déjà à 1000 Pa.s (10 x plus visqueux que la mélasse)!

*** j'aurais bien utilisé le terme "paroxysmale" mais, par définition, on ne détermine le paroxysme qu'après la fin de l'éruption. En effet: rien ne dit qu'il n'y aura pas une autre phase explosive encore plus intense par la suite.

Sources: Himawari 8; VAAC de Tokyo; WWLLN; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Shérine France

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