11 juin 2019

Activité en hausse au Piton de la Fournaise! (mis à jour x3)

Depuis le début du mois de mai, les volcanologues de l'Observatoire Volcanologique enregistraient différents signes d'une nouvelle mise en pression du réservoir superficiel: gonflement de la zone sommitale de l'édifice (secteur du Dolomieu), hausse de la quantité de CO2 s'échappant du sol, sismicité au-dessus de la normale.Tout pour être sur ses gardes!
Et ce matin, à partir de 06h03 (heure locale) d'après le bulletin publié dans la foulée par l'OVPF, la sismicité est partie à la hausse, accompagnée d'une déformation plus forte, signes qu'une partie du magma piégé dans le réservoir superficiel est parvenu à fracturer les roches au-dessus de lui, et se propage dans les fractures (formation d'un dyke, ou d'un réseau de dykes).
A partir de 06h35 c'est une sismicité de type trémor qui fait son apparition sur les enregistrements: le magma est alors, à minima, près de la surface. Il se trouve que sur l'image prise à 06h51 (heure locale) par la webcam du Piton Basalte, et malgré la présence d'une mer de nuages qui bouche toutes les autres webcams et ne permet pas d'avoir de détails, un panache de gaz est bien visible: il était absent sur l'image précédente, prise pile à 06h35 (heure locale). La localisation situe le point de sortie dans la zone sommitale, ce que confirme l'image prise par la webcam.

Le panache de gaz bien visible au levé du jour ce 11 juin. Image: OVPF/IPGP

L'alerte volcanique a été élevée à 2 et, dans la foulée, la préfecture a déclenché la phase 2-2 du plan ORSEC "volcan", avec toutes les mesures associées: Enclos Fouqué interdit d'accès etc.

Le dégazage visible sur la webcam est aussi suffisamment important pour être perçu depuis l’espace, par le capteur SEVIRI du satellite MET-11.

Le panache est detecté depuis l'espace. Image: MET-11/SEVIRI - NOAA/CIMSS

A noter qu'à l'heure de publication de ce petit post, l'éruption, à savoir l'émission de magma en surface, n'a pas été confirmée car aucune observation directe n'a été faite et aucun signal thermique n'est encore repéré (il y a un délai logique entre le moment où le signal est acquis par un capteur, le moment où il est traité, le moment où il est transmis et le moment où il est affiché sur la page web).
Dès que j'ai du détail, je fais passer, bien évidemment.

Mise à jour, 07h48

Dans un tweet l'OVPF indique que l'éruption a débuté, ce qui n'était pas confirmé dans le dernier bulletin. Le panache reste alimenté et il ne peux donc pas s'agir d'un simple dégazage, évidemment. Par ailleurs le satellite EUMETSAT montre clairement la présence d'un signal thermique assez fort.

Le signal thermique produit par l'éruption, détecté depuis l'espace. Image: EUMETSAT

Mise à jour, 19h43

Un point sur l'activité en cours au Piton de la Fournaise s'impose car l'éruption qui a débuté a, comme d'habitude, évolué rapidement.
Elle a démarré sur le haut versant sud-est du Dolomieu sur une série de 4 fractures principales qui s'étirent sur 1500 m de long environ. La fracture la plus amont s'est ouverte à proximité de la lèvre sud de la caldera formée lors de l'éruption de 2007: juste un poil à côté et une partie de l'éruption se déroulait dans le Dolomieu! Tant pis, ça sera pour une prochaine!
Les autres fractures se succèdent (structure dite en échelon) vers l'aval, en direction du nord-est (fractures 1 et 2) d'abord, puis de l'est (fractures 3 et 4).

Les 4 fractures éruptives, en échelon depuis le bord de Dolomieu vers l'aval. imag: OVPF/IPGP

Évidemment Imaz Press a été rapidement faire des images par hélicoptère, mais l'activité éruptive a visiblement très rapidement cessé sur les deux fractures les plus en amont pour ne se concentrer (c'est habituel aussi) que sur les fractures aval, ou de petites fontaines de lave (activité explosive) estimées par l'OVPF à une trentaine de mètres de hauteur, construisaient des cônes, et libéraient de belles coulées de lave (activité effusive). Le débit de cette effusion a été estimé par l'OVPF entre 7 et 27 m3/s (de quoi remplir une piscine olympique en 2 minutes environ*)



La localisation précise des fronts de coulée est difficile car la couverture nuageuse ne semble pas vouloir se dissiper mais le satellite SENTINEL 2 pu, par chance, réaliser une image aujourd'hui même, ce qui permet de voir que le front se situait, au moment du passage du satellite, vers 1600 m d'altitude et à un peu plus de 2 km de la fracture 4.

Le champ de lave principal, produit par la fracture 4, et une petite effusion sur la fracture 3, visibles depuis l'espace. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Toutefois cette image est trompeuse: composée avec la bande  8, ne montre que les sources de rayonnement thermique les plus intenses, là où la surface de la coulée encore liquide est directement exposé à l'air libre. Toutefois, pour aller chercher des rayonnements thermiques plus faibles et visualiser ainsi les coulées en cours de refroidissement (émises par les fractures 1 et 2), et pouvoir localiser toutes les coulées (actives et inactives) de cette éruption, il faut intégrer la bande 12 de SENTINEL 2.

Certains capteurs du satellite sont sensibles à des rayonnements infrarouges moins intenses, qui permettent de repérer les coulée de lave en cours de refroidissement en plus des coulées actives. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Mise à jour, 12 juin, 06h39

L'effusion se poursuit actuellement mais la mer de nuages qui est positionnée sur le Piton de la Fournaise ne permet pas d'avoir une vue complète sur les webcams. Celle installée au Piton des Cascades permet toutefois, ce matin, de constater que le front le plus avancé des coulées avait atteint l'altitude 1400 m 1200-1300 m (NDLR: bulletin OVPF du mercredi après-midi) environ: le champ de lave ne progresse donc qu'assez lentement vers l'aval.

Le front de coulée le plus avancé se trouve vers 1400 m 1200-1300 m d'altitude ce matin. Image: OVPF/IPGP


Sources: OVPF/IPGP; MET-11/SEVIRI - NOAA/CIMSS; EUMETSAT; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

* pour un débit de 27 m3/s et selon le modèle de piscine olympique (profondeur de 2 ou 3 mètres) :)

3 commentaires:

  1. Pour l'instant, une copie conforme de la première fissure de la dernière éruption (celle du 18/02)... C'est vraiment très intéressant, d'autant que depuis 2014, on était clairement sur une alternance flanc nord / flanc sud !

    A suivre !

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    1. C'est vrai qu'il y a des points commun qui sont très probablement significatifs, avec une peut-être une légère différence toutefois: les fractures de février-mars étaient circonférentielles, mais là elles sont commencent circonférentielles puis se propagent de manière radiale vers l'aval: significatif peut-être pour la compréhension du champ de contraintes? Intéressant en tout cas!

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    2. Certes la fissure ici d'arque plus vers le sud, mais celle de février (18/02) s'arquait quand même dans la pente et n'était pas parfaitement rectiligne !

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