17 septembre 2018

Volcans Manam, Krakatau, Merapi: on fait un point

Krakatau, Indonésie, 813 m

Le pic d'activité qui a débuté fin août-début septembre semble se maintenir, même si il est difficile de dire si l'intensité reste constante ou connait des variations. En effet, l'éruption reste visible depuis la webcam installée sur la côte ouest de Java, à une cinquantaine de kilomètres de distance ce qui signe sont importance.
Si l'activité explosive continue d'arroser les pentes du cône* Anak Krakatau, participant ainsi à sa progressive croissance (il a beaucoup grandit depuis 1927, année où il a percé la surface de l'eau), l'activité effusive (coulées de lave) n'est pas en reste puisque les  deux coulées qui ont entamé leur formation vers le 07 septembre dernier ont bien grandit. La coulée la plus au sud-ouest des deux a, en l'occurence, recouvert la coulée de lave qui s'était mise en place début août avant d'entrée elle-aussi dans l'eau du Détroit de la Sonde, participant elle-aussi à l'élargissement de l'île-volcan Anak Krakatau. Il n'est pas impossible non plus que la coulée sud ait aussi touché l'eau mais sur l'image ci-dessous (à droite) ce n'est pas clair.

Cette activité effusive est toujours présente en ce moment-même et a repris de la vigueur le 14 septembre lorsqu'un nouveau pic d'activité très intense a démarré. Il a été marqué par une activité explosive permanente au niveau de l'évent actif (sorte de "fontaine de lave" probablement) et une nouvelle coulée qui est visiblement arrivée en mer. En effet on peut noter sur les images prisent de nuit par la webcam dans la nuit du 15 au 16 septembre qu'un panache de "vapeur" d'eau s'élève de la côte sud ou peut-être sud-ouest, rétroéclairé par l'activité explosive et la coulée de lave. Ce panache est vraisemblablement dû à l’arrivée d'une coulée dans l'eau du Détroit de la Sonde.

L'activité éruptive est de nouveau très très intense depuis le 14 septembre. Image: PVMBG
Le pic en question est toujours en cours aujourd'hui bien qu'il semble être sur le déclin.
La situation doit être suivie de près, évidemment.

* ou plutôt devrais-je écrire "stratocône", le mot cône étant plutôt réservé à la description d'une forme volcanique monogénique.

Sources: PVMBG; SENTINEL2-ESA/Copernicus

Merapi, Indonésie, 2968 m

Ça fait un petit bout de temps que je ne suis pas revenu sur la situation au Merapi ailleurs que sur twitter, et pour cause: elle n'évolue que très lentement et, pour l'heure, n'a pas réservé de surprise particulière.
Le dôme qui a entamé sa formation début août continue de grandir tranquillement et son volume augmente de façon assez régulière, à un débit qui varie de 1500 à 4500 m3 par jour. Son volume actuel est estimé à environ 112 000 m3. C'est un beau petit dôme, assez caractéristique même s'il est de dimensions modestes.

Le dôme de lave sombre de 2018 sur le dôme de lave de 2010. Image: PVMBG

Les données fournies par les observateurs indiquent qu'il n'y a pas eu d'autre explosion depuis celle de juin, ce qui n'est pas tout à fait vrai: au moins une explosion a eu lieu le 02 septembre dernier et il est intéressant de constater que la source ne fut pas le dôme, qui semble bien colmater le conduit, mais l'évent nord-ouest (voir le post précédent).

Émission de cendres au matin du 02 septembre 2018. Image: PVMBG/MAGMA

Pour l'heure la situation semble rester globalement stable mais le risque d'explosion plus forte n'est pas négligeable, parce que l'un des conduits est actuellement colmaté.

Source: PVMBG

Manam, Papouasie Nouvelle-Guinée, 1807 m

L'activité éruptive, qui a connu un paroxysme impressionnant le 25 août dernier, n'a pas cessé mais est retournée dans un état plus habituel, et l’effusion en particulier semble avoir cessé. Sachant qu'ici le mot "habituel" ne fait référence qu'à ce qui est fournit par les données satellites puisqu'on ne sait pas précisément ce qu'il se déroule comme activité éruptive au sommet, bien que du strombolien soit fortement soupçonné (pour répondre à la question posée par Ludovic Leduc dans les commentaires du post du 25 août*).

Toutefois je n'ai pas décidé de rédiger ce post pour l'activité en cours mais pour revenir un instant sur ce qui c'est passé au cours du paroxysme et, plus particulièrement, sur une question déjà posée dans le post du 02 septembre: l'origine des écoulements pyroclastiques est-elle a chercher dans l'intensité de l'éruption** ou dans autre chose que l'éruption mais qui aurait été simultané et, peut-être, provoqué par elle?

Je vais tout de suite préciser que je n'ai pas de réponse ferme et définitive là-dessus mais l'image satellite produite le 12 septembre par  SENTINEL 2, comparée à une autre image similaire produite le 09 juin montre qu'il y a clairement eu du changement sur le haut versant nord-est de l'édifice, juste sous le cratère sommital. Or le versant nord-est, c'est justement celui qui a subit les plus grosses conséquences de ce paroxysme: écoulements pyroclastiques suivis de coulées de lave. Regardons de plus près les images satellites dont je viens de parler.

Sur les compositions colorées (images satellites) ci-dessus, réalisées à partir de données infrarouges (bande 12) et visibles (bandes 4 et 2) combinées, on peut distinguer clairement, et avec une résolution assez bonne, les changements subit par l'édifice au moment et suite au paroxysme.

Tout d'abord le champ de coulées de lave se distingue parfaitement bien grâce à sa teinte sombre et à sa morphologie: de longs bras qui s'étirent dans la pente raide de l'édifice.

On voit aussi clairement les dépôts d'écoulements pyroclastiques, plus clairs, et surtout les dégâts qu'ils ont causé à la végétation qui avait colonisé les parois de l'immense ravine qui éventre le quart nord-est de l'édifice. On peut aussi noter, juste à droite de "végétation détruite par etc."qu'une partie de ces écoulements est remonté à contre-pente de la paroi verticale pour aller brûler la végétation hors de la ravine.

Enfin, et c'est le plus important je crois, tout le haut versant de la ravine a été modifié au moment du paroxysme. Dans ces deux compositions colorées, les teintes orange vif désignent des affleurements de roches plutôt anciennes et vraisemblablement altérées. La nature de ces roches n'est pas discernable, mais vue leur localisation (dans la ravine, sous le sommet) il s'agit peut-être de dépôts de cendres, de blocs, coule de lave anciennes, divers débris rocheux accumulés là au cours du temps.
Quoi qu'il en soit, ces zones orange vif sont peu nombreuses et affleurent à peine avant le paroxysme (image de gauche). Par contre elles sont littéralement mises à nu sur l'image de droite, comme si la couverture de débris plus récents (gris) qui les couvraient avait été enlevée.
Raison pour laquelle je pose l'hypothèse*** selon laquelle l'activité paroxysmale du 25 août au Manam partage avec le paroxysme meurtrier du Fuego en Juin dernier, la caractéristique suivante: ce n'est pas l'activité éruptive qui a fait les dégâts, mais une instabilité chronique des deux édifices****, constitués d'accumulations instables de débris et de couches aux comportements mécaniques variés.

Et dans cette hypothèse il y a évidement un lien avec l'activité éruptive: c'est vraisemblablement elle qui a déclenché l'effondrement. Reste à savoir comment dans le détail...

Source: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
 
* mais je n'ai pas plus de précisions que ça: pas d'images du sommet.

** éruption explosive assez intense et du coup formation d'écoulements pyroclastiques

*** "hypothèse" ça veux dire "idée à vérifier ou éliminer", pas "certitude" hein, on est d'accord? :)

**** et si la questions se pose pour deux, elle se pose pour beaucoup d'autre aussi, évidemment.

3 commentaires:

  1. Merci pour la réponse différée !

    Je ne suis pas sûr qu'une partie de ces écoulements soit "remonté à contre-pente". C'est peut-être tout simplement le surge qui a "débordé" de la ravine...

    Belle mise en parallèle en tout cas ! :)

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    1. Je t'en prie: je sais pas pourquoi mais je reçois plus les notifications par mail des commentaires alors beaucoup passent à la trappe j'ai l'impression...
      Concernant les écoulements: on ne peut être sûrs de rien puisque nous n'étions pas sur place au moment de l'éruption, et que personne n'a encore étudié les dépôts (et personne ne le fera malheureusement) :).
      Il n'est pas impossible que les écoulements aient été très denses, si leur origine est bien les décrochements de dépôts anciens, donc à faible température. Et si c'est le cas, il aura peut-être fallu qu'ils remontent à contre-pente malgré tout.
      Si les écoulements ont été moins denses, plus mobiles, à plus haute température alors oui: la simple inertie du panache copyroclastique s'élevant au-dessus de l'écoulement aura permis qu'il aille tout droit au premier virage et dévaste la pente au-dessus du rempart.
      Mais là ce sont les études dépôts qui peuvent donner des indications plus précisent sur les caractéristiques de ces écoulements.

      @+! Et bonne journée :)
      CV

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  2. Bonjour Culture Volcan,
    Tout d'abord un grand merci pour ton blog que je suis tres regulierement.
    Aussi, est-il possible d'avoir ton adresse email stp ? J'ai des photos du Krakatau avec l'arrivee des coulees en mer les 15-16/09.
    Merci d'avance.
    Bien cordialement,
    Laurent
    (laurent_vancon@yahoo.fr)

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