7 mars 2024

Actualité volcanique : un point sur les volcans Ioto, Fernandina et Erta Ale

Je pense que nous sommes assez nombreux  attendre pour voir comment va évoluer la situation sur la péninsule de Reykjanes, du côté de Grindavik après la courte éruption qui a eu lieu le 08 février et ajouté environ 15 millions de m3 (essentiellement sous forme de coulées) de lave à la surface de la Terre. Visiblement ça pourrait à nouveau démarrer assez vite de ce côté-là mais en attendant d'autres situations, plus ou moins discrètes, retiennent l'attention.

Fernandina (Galapagos), Équateur, 1476 m

Je commence donc ce post par la situation la plus évidente : une intense activité éruptive a démarré sur le haut versant est-sud-est dans la nuit du 02 au 03 mars à 23h50 (heure locale) . L'endroit étant assez isolé très peu d'images circulent de l'événement, et celles qui circulent le plus semblent êtres des images de  l'éruption de 2018.

En voilà une toutefois qui semble ne pas être fausse (les caractéristiques du champ de lave sont cohérentes avec les données satellites), elle a été produite par Stuart Banks, Océanographe spécialiste de l'écologie marine pour la Charles Darwin Fundation, image faite depuis l'Arctic Sunrise (bateau de Greenpeace) qui circulait dans le secteur.


Impressionnant champ de lave sur le versant sud-est de cet immense volcan-île. Image : Stuart Banks/Charles Darwin Fundation

Difficile de donner les caractéristiques précises de cette éruption mais il semble qu'elle ait démarré sous la lèvre Est le long d'une fracture dite "circonférentielle" (cf mon post de septembre 2017 à ce sujet). Il est évident qu'elle est essentiellement effusive (le volume de magma émis est essentiellement répartit sous forme de coulées de lave) et qu'il y a très vraisemblablement une composante explosive (fontaines de lave) au niveau de la fracture éruptive même, mais pour ma part je n'ai vu aucune image des fontaines.

Le rapport spécial publié le 03 mars par l'IGEPN précise qu'une déformation avait été détectée, avec un taux de déformation ma foi loin d'être négligeable : 80 cm/an depuis l'éruption de 2020! La sismicité de son côté s'est manifestée sous forme de petites crises depuis 2020 qui suggéraient aux volcanologues Equatoriens qu'une accumulation de magma était en cours.  Bref : bien qu'il ne soit pas possible de savoir longtemps à l'avance le moment du déclenchement d'une éruption, ils n'ont pas été surpris qu'une activité démarre.


Les données satellites récoltées depuis le départ de l'éruption ont permis de constater que le pic d'activité s'est déroulé les 03 et 04 mars avec la mise en place d'un champ de lave qui a atteint une longueur de 08 km le 04 mars.

Signal thermique du champ de lave détecté le 04 mars par  SENTINEL 3 (très basse résolution) plaquée sur une image SENTINEL 2 (bonne résolution et couleurs dites "naturelles") faite le 01 mars. Image : SENTINEL 2&3 - ESA/Copernicus


Depuis l'intensité du signal thermique diminue et celui qui a été détecté par SENTINEL 3 le 05 mars ne mesurait déjà plus que 5 km de long : l'éruption semble donc perdre en intensité bien qu'elle reste globalement soutenue actuellement.

L'image faite le 06 mars par SENTINEL 2 permet de voir l'ensemble du nouveau champ de coulées. Produit par un réseau de fractures (circonférentielles donc) long de 3 km ouvert juste sous la lèvre de la caldera sommitale, la morphologie de ce champ de lave est complexe, très enchevêtré. Le lobe le plus éloigné est donc à 8 km de distance mais la plupart des coulées n'ont pas atteint 5 km de long. L'enveloppe de ce champ de coulée fait environ 7 km² : la surface réellement couverte de  lave est donc moindre.

La coulée toujours alimentée et le reste du champ de lave en pointillés fins. Les pointillés plus épais marquent les fractures éruptives. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Sources :  IGEPN ; SENTINEL 2&3 - ESA/Copernicus


Erta Ale, Éthiopie, 613 m

Ce système volcanique a connu au cours des derniers mois plusieurs épisodes de mise en place de coulées. Généralement courtes elles provenaient souvent du débordement de roche fondue par le Pit Crater Sud et parfois depuis le Pit Crater Nord même si, dans ce second cas, les coulées restaient essentiellement confinées dans le Pit Crater Nord. 

 

LEs différents séquences d'effusion bien visibles grâce à leur signature thermique. Elles semble plus fréquentes depuis juillet 2023. Image : MODVOLC

 

La très courte durée de ces épisodes fait que certains ont eu lieu entre deux passages de satellites, ne laissant que des signaux thermiques assez faible. Ce fut le cas pour l'effusion qui a eu lieu autour du 02 mars, dont les coulées déjà en cours de refroidissement sur l'image du 03 mars n'étaient détectées que par un bien faible signal thermique qu'il m'a fallu faire ressortir en triturant littéralement les données (ce qui fait une image à l’esthétique douteuse).

 

Faible signal thermique produit par deux nouvelles courtes coulées de lave depuis le Pit Crater Sud.

Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; MODVOLC

Ioto, Japon,  169 m

La dernière phase éruptive avait produit une petite île rapidement détruite par les vagues, dès que l'intensité de l'activité (qui était reste globalement modeste) avait décliné. Depuis lors seul un dégazage persistait au niveau de cet évent situé non loin de al côte sud de l'île. Toutefois les images des derniers jours montraient une eau colorée en brun suggérant la présence de particules en suspension. Pas facile de savoir si cela était du à un simple dégazage assez fort pour localement remuer les sédiments ou si une nouvelle activité de faible ampleur démarrait.

La côte sud est globalement colorée en vert en particulier à cause de la fuite de gaz magmatiques. MAis au niveau de l'évent, et contre la côte, la coloration est brune indiquant des particules solides en suspension. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Je n'ai pas de réponse définitive à cette question pour le moment mais une composition colorée [le nom des images satellites, NDLR] produite à partir des données infrarouges récoltées le 06 mars permet de constater la présence de signaux thermiques dans la zone de l'évent d'octobre-novembre 2023. Ils sont faibles en particulier parce que l'eau absorbe rapidement les infrarouges mais il semble correspondre à des fragments (ponces?) à haute température. Difficile d'imaginer un tel signal dans ce type d'environnement causé par autre chose qu'une activité éruptive.

Signaux thermiques présents dans la zone de l'évent sous-marin de l'activité d'octobre-novembre 2023. Image  : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Pas de certitude pour le moment mais malgré tout un très fort soupçon qui ne pourra être confirmé/infirmé que dans les jours/semaines qui arrivent, idéalement si les gardes côtes vont jeter un oeil sur place, mais on pourra peut-être en savoir plus grâce aux images satellites

Affaire à suivre.


Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

6 commentaires:

  1. Bonjour ! Merci pour l article. Cela bouge au Nicaragua (Masaya) & au Costa Rica ( Poas- Volcan Rincón de la Vieja) avec une augmentation des émissions de gaz ! TRES SURPRIS QUE PERSONNE NE PARLE DU VOLCAN TAAL aux Philippines! Les dernières vidéos du lac sont hallucinantes. En Indonésie le monstre RAUNG a une augmentation des emissions de gaz video vu de 2024.

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    1. Bonjour Anonyme. Pour le Masaya je n'ai rien trouvé de particulier mais il faut dire que le site de l'INETER n'est pas beaucoup mis à jour malheureusement. Le niveau du lac n'a pas l'air d'avoir varié. Concernant Poas et Rincon de la Vieja j'en ai parlé ces dernières semaines mais sur mon compte twitter, n'ayant pas beaucoup de matière pour développer quelque chose sur le blog. Concernant Taal le dernier bulletin du PHIVOLCS n'indique rien de particulier. Le lac étant assez chaud il y a une grosse évaporation qui, selon les conditions atmosphériques (favorisant ou pas condensation) provoque la formation d'imposants panaches de vapeur. Le dégazage intense qui se produit au fond du lac, en plus de maintenir l'eau chaude et générer des mouvements de convection assez puissants, provoque aussi le maintient en suspension d'argiles donnant au lac un teinte particulière et rend l'eau du lac extrêmement turbide. Pour Raung enfin, pour autant que je puisse en juger, la sismicité est certes un poil plus importante en nombre de secousses/jour mais pas en diversité de secousses. La sismicité reste largement dominée par le dégazage; Pour le moment : rien à signaler de ce côté là, ce qui n'empêche pas de rester vigilant (c'est un système volcanique assez actif).

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    2. Merci pour la réponse ! Vidéo de Février 2024 pour les Philippines avec un vent changeant c est tout manille qui respire cela ...
      https://www.facebook.com/100069419190342/videos/pcb.716130704044230/266157356523366

      Pour le Nicaragua L' Institut nicaraguayen d'études territoriales (Ineter) a rapporté cette semaine que les glissements de terrain se poursuivent dans le volcan Masaya en raison de l'instabilité des parois sud-ouest et nord-ouest du cratère Santiago.

      Selon Ineter, les glissements de terrain maintiennent le lac de lave couvert, provoquant une augmentation de la température de sortie des gaz secondaires à des valeurs supérieures à 545 degrés Celsius par rapport à la normale. Ces événements sont provoqués par la collision entre fragments de roche, qui génère des vibrations enregistrées sous forme de signaux sismiques. Depuis un mois, les autorités nicaraguayennes demandent à la population de réduire le temps de visite dans le parc national du volcan Masaya en raison de l'augmentation du lac de lave.

      https://100noticias.com.ni/videos/3132-alerta-volcan-masaya-derrumbes-sepultan-lago-lava/



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    3. C'est clair que respirer ces vapeur acides, c'est pas le top pour les Philippins qui vivent dans le secteur... Pour le Masaya, il est normal qu'il y ait des effondrements des parois, faites d'un empilement de coulées, de fragments (scories etc) des éruptions plus anciennes. Mais cela ne caractérise pas une hausse de l'activité volcanique.

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  2. Bonsoir dans la mer des Salomon ca bouge énormément comme vu sur le tweet. Ici une vidéo d'un inconscient pire que le Stromboli celui ci!

    https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=pfbid02WcKfB3SbzuUPByr1Kt1hFpeZVeaFPV1tm8Fvp5Rp8MgYyPHMThL22gHSdmGUwoial&id=100005689110061



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    1. Bonsoir. Je parle assez souvent de l'activité du Tinakula, un poil plus élevée depuis quelques semaines sans être très intense et globalement assez classique (en style et en intensité). Belles images sur la vidéo qui confirment ce que je soupçonnais (cf mon compte twitter) concernant la présence d'avalanches de blocs jusqu'en mer (probablement depuis une courte coulée de lave). Par contre le gars qui accoste est un fou : il ne se rend absolument pas compte du risque qu'il prend, non pas que l'éruption soit intense mais par le fait que les blocs peuvent rouler jusqu’en mer à plusieurs dizaines de km/h.. En tout cas merci d'avoir partagé le lien :)

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