16 janvier 2024

Volcans Lewotobi (Laki-laki) et péninsule de Reykjanes: un point sur les situations

Lewotobi, Indonésie, 1703 m

Ce n'est pas pour rien que l'Indonésie est souvent décrit comme l'un des archipels les plus volcaniques sur Terre : non seulement la densité des édifices volcanique peut y être importante, mais la densité des éruptions aussi. Ainsi, en plus de l'activité au volcan Marapi (Sumatra), les phase éruptives plutôt fréquentes au volcan Krakatau  (détroit de la sonde), l'activité éruptive aux volcans Merapi et Semeru, l'activité éruptive quasi-permanente aux volcans Dukono et Ibu (Moluques), l'éruption toujours en cours au Lewotolo (Nusa Tenggara Oriental) s'ajoute une activité éruptive au Lewotobi Laki Laki (Nusa Tenggara Oriental aussi). 

Peu de pays peuvent prétendre devoir faire face simultanément à autant de situations éruptives (et à cela s'ajoutent les systèmes volcaniques qui manifestent une certaine instabilité sans être dans un processus éruptif : Kerinci, Karangetang, Gamalama, Awu,Tengger, Dempo,Slamet, Sinabung, Slamet, Sangeangapi, Soputan,Rinjani, Raung, Lokon-Empung, Inielika, Banda Api).

Toutefois, l'activité la plus soutenue est, pour l'heure, la dernière : celle qui a débuté au Lewotobi Laki Laki, seule situation dont le niveau d'alerte volcanique soit au max (4, Awas).

Il semble que les manifestations de surface aient débuté le 23 décembre 2023 par des émissions soutenues de cendres.

Ce qui ne signifie pas que les quelques instruments du surveillance présents n'avaient rien détecté : les relevés de sismicité montrent des modifications avant la date du 23/12. On peut notamment noter, entre le 17 et le 23 novembre, un nombre plus élevé (et quotidien pendant cette période) de secousses volcaniques profondes.


Évolution de la sismicité depuis octobre 2023. Image : PVMBG- Id MAGMA

À partir du 12 décembre la diversité des types de secousses augmente aussi par rapport aux semaines précédentes : en extrayant du tableau ci-dessus le nombre de types de secousses quotidien on note une période 16/10/2023-11/12/2023 qui a, en moyenne, environ 2,5 types de secousses différentes enregistrées, suivie d'une seconde période, à partir du 12/12, où cette moyenne passe à environ 4  types de secousses différentes ( même un peu plus à partir du 04 janvier 2024).  

Diagramme bâtons qui compte, pour chaque jour, combien de types de secousses différents [présentées par couleur dans le tableau du PVMBG montré plus haut, et sans tenir compte du nombre de secousse pour chaque type] se produisent, quelles que soient les combinaisons. En rouge, la courbe de tendance (moyenne glissante par période de 5, abscisse moyennée). Graphique personnel à partir des données PVMBG

Bref : côté sismicité il y a eu des modifications avant le départ de l’activité en surface, probablement en lien avec la mise en place de magma. Mais je ne vous cache pas que le peu d'images disponibles, souvent couvertes de nuages, ne m'ont pas permis de me faire une idée précise de cette situation : tout ce qu'on pouvait voir sur les images était de fortes émissions de cendres, depuis plusieurs évents.

Il semble (mais ce n'est pas très clair) que l'activité ait débuté le 23 décembre 2023 sur une ancienne fracture présente sur le haut versant nord-ouest, non loin du sommet. Difficile de dire si une activité a été présente ou non dès le départ dans le cratère sommital. Cette zone de fracture semblait exister auparavant et il se pourrait donc qu'elle n'ait été que réactivée lors de l'intrusion magmatique.

Émissions de cendres depuis une fracture ouverte sur le haut versant NO. Image : ID-MAGMA/PVMBG-BG-KESDM

Rapidement cette zone d'émissions de cendres s'est étendue au versant sud-est (la zone de fracture "tranche" la zone sommitale) où des émissions de cendres très intenses ont eu lieu depuis un évent situé au dessus du col avec le cône Lewotobi Perempuan.

À gauche la zone d'émissions de gaz et cendres du haut versant NO; à droite, forte émission de cendres depuis l'évent SE. Image : ID-MAGMA/PVMBG-BG-KESDM

C'est essentiellement de cet évent latéral SE qu'ont été émises les importantes quantités de cendres qui ont été décrites au cours des 2 premières semaines de l'activité, comme l'indique notamment l'image partagée ci-dessus (en date du 02 janvier 2024). Sur les images partagées par le PVMBG à partir du 05 ou 06 janvier on note qu'une partie des gaz et cendres trouve sa source dans le cratère sommital, en plus de l’évent sud-est, le dégazage restant soutenu, mais produisant peu ou pas de cendres depuis la fracture nord-ouest.

 

Le 05 ou 06 janvier l'activité se manifeste sur 3 zones distinctes : le panache de cendres au sud-est (le massif à gauche est le Lewotobi Perempuan), puissant dégazage au sommet et sur la fracture nord-est (à droite). Image : Kompas

 

Des signaux thermiques ont été relevés assez tôt dans cette crise éruptive mais ils sont demeurées faibles, peut-être parce qu'ils était produit par du gaz à très haute température, mais sûrement parce que les émissions abondantes de cendres et la fréquente couverture nuageuse bloquaient les signaux infrarouge.

La conséquence des émissions de cendres fut la couverture des zones habitées alentours et la décision d'évacuer des habitants des zones les plus exposées aux divers risques volcaniques, en particulier les écoulements pyroclastiques et des les coulée de boues qui pourraient éventuellement se produire (plus de 6000 personnes pour le moment).

Ce n'est qu'à partir du 10 janvier que "l'activité thermique" devient plus intense et plus fréquente : on peut donc supposer que c'est à peu près à cette date que le magma a finalement percé la surface de la Terre, au sommet de l'édifice. 

 

Signaux thermiques intenses détectés à partir du 10 janvier. Image : MIROVA

Rapidement le cratère est comblé par une lave plutôt visqueuse qui, rapidement, déborde par une échancrure de la lèvre est du cratère sommital : une coulée visqueuse commence alors sa progression dans la pente, en direction de l'est-nord-est puis, suivant la topographie, en direction du nord-est. Le 14 janvier elle mesurait environ 2500 m de long, le 15 janvier, elle dépassait les 3 km : progression plutôt rapide pour une coulée visqueuse ce qui peux s'expliquer, en plus de la pente assez forte, par un débit à la source assez soutenu (pour ce type de magma).

La coulée visqueuse, repérée par son signal thermique, longue d'environ 2.5 km le 14/01. Image : LANDSAT 8/9 - NASA/USGS



La coulée visqueuse, repérée par son signal thermique, longue d'environ 3 km le 15/01. Image : LANDSAT 8/9 - NASA/USGS

Pour l'heure la situation semble demeurer stable. Les émissions de cendres semblent moins importantes, mais pas inexistantes, depuis le début de la phase effusive (coulée). L'attention doit toutefois rester maximale : des écoulements pyroclastiques ont été décrits. Ils semblent peu fréquents, plutôt modestes, et sont probablement dus à des instabilités de la coulée, néanmoins il n'en reste pas moins qu'il s'agit de phénomènes dangereux qui impliquent de ne pas s'approcher sans discernement de l’édifice.

Écoulement pyroclastique dans la zone de la coulée de lave, le 15/01.Image : ID-MAGMA/PVMBG-BG-KESDM

 
Écoulement pyroclastique un peu au nord de la coulée de lave, le 1/01.Image : ID-MAGMA/PVMBG-BG-KESDM

La carte de risques élaborée depuis près de 15 ans maintenant indique d'ailleurs clairement la zone où la coulées et les écoulement pyroclastiques se mettent en place comme une des zones à danger maximal (danger niveau 3).

Carte des risques pour les édifices siamois Lewotobi Laki-laki ("le mari") et Perempuan ("la femme"). Image: PVMBG


Sources : Kompas; LANDSAT 8/9 - NASA/USGS; MIROVA; ID-MAGMA/PVMBG-BG-KESDM

 

Péninsule de Reykjanes, Islande

Lorsque l’éruption de décembre 2023 a pris fin, les déformations (soulèvement) enregistrées du côté de Svartsengi ont repris à un taux similaire à celui qui avait été enregistré avant l'éruption. Cela indiquait un processus continu d'alimentation en magma à l'aplomb de cette zone. La question s'est donc très rapidement posée d'une possible nouvelle séquence éruptive dans les environs de la ville de Grindavik. Les autorités ont rapidement pris des mesures de protection des infrastructures de la ville, en particulier la mise en place de barrages anti-coulée, dont le rôle n'est pas de stopper les coulées, mais d'en dévier le cours.

 Au cours de cette phase un ouvrier de la construction, qui était sur place dans le cadre des travaux de maintient des infrastructures (touchées par la fracturations se développant à travers la ville), est tombé dans une fracture qui s'est, apparemment, ouverte sous lui. Les secours ne sont malheureusement pas parvenus à le retrouver...

Contrairement aux phases éruptives qui ont eu lieu sur la péninsule depuis 2021, celle qui a débuté le 14 janvier a été précédée d'un bref mais intense essaim sismique.

Essaim de séismes du au magma en route vers la surface. Image : IMO

 

C'est le 14 janvier à 07h57 heure locale que le magma est finalement parvenu à percer la surface, à un peu plus de 1200 m au sud de l’extrémité méridionale de la fracture éruptive de décembre 2023, et dans son prolongement. Rapidement la roche en fusion est parvenu a se frayer un passage sur 840 m de longueur, l’extrémité sud de cette fracture éruptive n'étant qu' à 400 m à l'est du premier bâtiment (pas une habitation) de la ville et 800 m au nord de la plus proche maison.

 


 

Au cours de son rapide développement, la partie sud de la fracture éruptive est venue trancher le barrage de protection, permettant à une partie des coulées de se diriger vers la ville. Toutefois la majeure partie de l'éruption se déroulant en amont du barrage, celui-ci a fait son office et le plus gros volume des coulées, longeant le barrage, a été conduit vers l'ouest, contournant Grindavik. En urgence les ouvrier ont évacué les engins de chantier présents pour la construction du barrage et sont aller renforcer ce dernier plus à l'ouest pour permettre aux coulées d'aller le plus loin possible vers l'ouest.

La fracture éruptive et le barrage de protection. Image : MBL.is

 

Malheureusement, à 12h05 (heure locale) apparait sur les images une petite zone de dégazage qui, rapidement prend de l'ampleur à seulement 250m des plus proches maisons : une partie de la roche en fusion a pu se frayer un passage un peu plus vers le sud et c'est une autre fracture éruptive, d'environ 100m de long, qui se forme. Peu active, les coulées qu'elle produit arrivent malgré rapidement aux premières maisons qui brûlent. Maisons vides car toute la ville avait été évacuée préventivement.

 

Des maisons détruites par les coulées, en milieu de journée du 14 janvier. Image : MBL.is
 

Heureusement cet épisode n'a pas duré et n'a détruit "que" 3 habitations. Autre chance : la coulée, finalement longue de 270 m seulement, s'est essentiellement mise en place dans une rue.

Dès la journée du 14 l'activité sur l'ensemble des fractures éruptives a montré des signes d'affaiblissement, qui se sont accentués le 15 janvier. Et c'est juste avant minuit (heure locale) le 15 janvier que la dernière bulle de gaz est venue mollement éclater sur le dernier évent actif : fin de cette séquence qui aura duré moins de 48 heures. Toutefois il est trop tôt, aujourd'hui  pour déclarer que cette seconde phase soit terminée : des fractures au sud-ouest de Grindavik continuent de montrer des signes d’élargissement d'après le dernier bulletin de l'IMO et une sismicité persiste dans la zone.

ATTENTION : ce qui suit est une estimation personnelle, les chiffres donnés n'ont rien d'officiel. Si les données officielles devaient être totalement différentes de mes estimations, je ferais évidemment une mise à jour pour bien montrer à quel point je me serait planté.😁

Une carte de l'épaisseur des champs de lave a été publiée par l'IMO. Elle permet de voir que le champ de lave nord, qui couvre une surface d'environ 574500 m², est assez peu épais (~37300 m² avec une épaisseur de plus de 8 m, le reste avec une épaisseur moyenne autour de 5m). Pour le champ de lave sud, la surface couverte est de 17000 m² environ, pour une épaisseur moyenne de 5 m (à peu près).

Carter d'épaisseur des champ de lave de l’éruption des 14-15 janvier. Image : IMO

 

Le tout donne un volume total qui, sans être précis, doit tourner autour de 3.5 millions de m3 émis. Le tout en à peu près 144000 secondes ce qui donne un débit moyen sur la durée de l'éruption qui devrait tourner autour de 24 m3/s.

Sources : MBL.is; IMO


2 commentaires:

  1. Bonjour ca bouge beaucoup dans les Moluques (IBU- Gamalama - DUKONO)

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  2. Bonjour. C'est une zone habituellement assez active côté volcanisme, RAS de ce côté par rapport à d'habitude mais ça signifie aussi que la vigilance est en permanence élevée

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