15 janvier 2024

Volcan Ambrym : retour d'une activité éruptive (mis à jour x2)


Depuis l'importante phase éruptive de décembre 2018, l'activité est restée presque inexistante : une séquence éruptive courte a été décrite en janvier 2022 dans le cratère Benbow. Et c'est presque 2 ans jour pour jour qu'une nouvelle séquence éruptive est repérée.

Pour le moment les informations sont peu précises mais le bulletin publié le 14 janvier par le Geohazard ne laisse pas de doutes: 

- Le niveau d'alerte est élevé (il passe directement de 1 à 3)

- il est décrit que certains insulaires ont repéré des rougeoiement au sommet et des grondements

- les appareils de surveillance suggèrent que l'activité a débuté le 13 janvier,

Malheureusement la webcam, bien que fonctionnelle, n'est plus accessible depuis octobre 2023 ; pas moyen d'avoir une idée précise de l'activité. UPDATE : "n'était plus en ligne" car elle l'est de nouveau depuis ce matin (16/01/2024 16h15 heure locale).

Côté satellite, un puissant signal thermique est détecté depuis le 13 janvier, bien repéré en particulier par le satellite Suomi NPP (instrument VIIRS)et qui ne laisse pas de doute quand à la nature éruptive de la situation : du magma est bien arrivé à la surface de la Terre, seule cause possible, en ce lieu (le cratère Benbow) d'un si intense signal thermique.

Puissant signal thermique dans la nuit du 13 au 14 janvier. Image : MODIS/NASA + VIIRS/Suomi NPP

Cette activité a laissé, par ailleurs, une trace soufrée dans l’atmosphère, bien détectée elle aussi le 14 janvier.

Forte concentration en SO2detectée le 14 janvier 2024. Image : Mounts


Pour l'heure, à partir des données, il est difficile de se faire une idée précise de l'activité en cours. Mais vue l'historique des éruptions sur ce système volcanique et l'intensité du signal thermique, la probabilité la plus importante penche du côté d’une éruption de magma fluide : éventuellement petites fontaines de lave, coulées remplissant le fond du Benbow etc. Quoiqu'il arrive l'activité explosive est modeste : pas de gros panache de cendres important détecté (probablement un peu de cendres au démarrage, en plus du gaz).

Rien pour le moment n'indique qu'une partie de cette activité se déroulerais hors du Benbow, par des réseaux de fractures  : les signaux thermiques détectés dans la nuit du 14 au 15 janvier étaient centrés sur Benbow. Difficile de dire, par contre, si c'est la mise en place d'un régime de type "lac de magma" qui se met en place ou si on a affaire, comme en 2022, à un épisode bref: seul le temps nous le dira.

Concentration des signaux thermique sur Benbow. Image  : MODIS/NASA + VIIRS/Suomi NPP


Mise à jour, 16 janvier, 21h12

Les images de la webcam indiquent que l'activité a pris fin progressivement dans la nuit du 16 au 17 janvier (en heure locale).


Plus de lueur dans Benbow. Image : Geoharzard

Mise à jour, 24/01, 09h20

L'image SENTINEL 2 produite à partir des données récoltées le 23 janvier permet de constater que des hautes températures règnent encore au niveau de l'évent éruptif de la séquence du 13 au 17 janvier 2024 et sur quelques zones du champ de coulée produit, en particulier les fronts.


Zone à haute température au niveau de l'évent éruptif, les zones chaudes (mais moins) sur les coulées sont plus discrètes. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

En composant cette image j'ai voulu la comparer avec les données de la crise, similaire, qui avait eu lieu en janvier 2022. La première chose est que cette seconde séquence a eu lieu exactement au même endroit, sur le même évent, qu'en janvier 2022. Mais comme je trouve frustrant de ne pas avoir plus de détails je suis allé fouiner du côté de Google Earth où l'on a une image magnifique de l’évent 2022 sur laquelle on voit le cône de scories et le champ de lave associé, produits en janvier 2022.

 

Le cône et le champ de lave de janvier 2022. Image : Maxar Technologie via Google Earth

Et à partir de là on peux commencer à extraire quelques informations, à minima des estimations (et tout ce qui suit n'est donc qu'une approximation visant à donner un ordre de grandeur, pas des données précises).

Tout d'abord le cône de scories.

Son cratère sommital fait 28m de diamètre, sa base fait environ 88 m (sa forme n'est pas régulière). La pente d'équilibre d'une tas de fragments (tas de sable, cône de scories etc) est, sur Terre, d'environ 30-35° max. Un calcul géométrique simple permet d'estimer la hauteur max du cône comprise entre 17 et 21 m (selon qu'on prend un angle de 30 ou 35°) et son volume compris entre 50 000 et 60 000 m3. Attention à ne pas oublier que le cône de scories étant un tas de fragments, il y a une certaine porosité : le volume de 50-60 000 m3 ne représente donc pas un volume de lave, mais un volume de lave + trous.

Ensuite le champ de lave

C'est plus compliqué puisqu’il n'y a pas moyen d'avoir une idée claire de son épaisseur moyenne. Mais en tout cas il couvre une surface d'environ 98000 m². Même si on hypothétise une épaisseur moyenne de 1 m (et il serait étonnant que ça ne soit pas plus que ça) on voit tout de suite que le volume de coulées est nettement supérieur au volume de cône : comme presque toujours avec les magmas basiques, l'activité fut essentiellement effusive.

Sources : Geohazards; MODIS/NASA + VIIRS/Suomi NPP; Mounts

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire