16 mars 2024

Volcans Aso et Tinakula : un point sur la situation

Volcan Tinakula, îles Salomons, 851 m

L'activité éruptive, qui a débuté par une phase explosive soutenue en octobre 2017, suivi de quelques mois de pause avant de reprendre fin 2018, se poursuit actuellement. Elle reste d'une intensité modérée  et probablement faiblement explosive (vraisemblablement un activité strombolienne similaire à celle du Stromboli). C'est en tout cas ce que suggère à la fois la présence d'un signal thermique intense au sommet et l'absence de quantité significatives de cendres produite par cette activité éruptive.

Il arrive parfois que cette activité explosive soit accompagnée d'une activité effusive. Ce fut le cas en avril-mai, juillet et septembre 2023 (pour les plus récentes) et il n'est pas exclu que d'autres phases effusives soient passées inaperçues à cause des nuages, surtout si elles ont été de courte durée.

Depuis janvier on peux voir de faibles signaux thermiques sur la côte, en bas de la partie émergée de la caldéra d'avalanches qui éventre le versant ouest de l'édifice. Ils correspondent à des blocs de lave à haute température roulant dans la pente directement après avoir produits et projetés par l'activité explosive sommitale, soit à des fragments de coulée de lave se détachant et roulant dans la pente. Cette phase un peu plus soutenue pourrait avoir débuté un peu plus tôt, en décembre 2023 : c'est ce que suggèrent les données du MIROVA.

On peux noter en décembre 2023 une plus grande fréquence des signaux thermiques détectés. Image: MIROVA

En s'accumulant sur la côte, ces blocs forment un delta et le tracé de côte est modifié. Cela s'est déjà produit en avril 2023 et le nouveau delta avait été formé au pied de la paroi nord de la caldera d'avalanche. Le scénario recommence actuellement, depuis fin décembre 2023 ou tout début janvier 2024 et une nouvelle coulée de lave est produite depuis le sommet mais, cette fois, en direction de la paroi sud de la caldera d'avalanche. La coulée en elle-même n'est pas longue : elle ne mesurait que 350 m environ au moment où le satellite SENTINEL 2 à imagé la zone le 11 mars. Mais son front instable venait juste de partie en avalanche, dont on voit le signal thermique se déployant jusqu'à la côte et alimentant la construction du nouveau delta.

Une courte coulée de lave s'effrite en avalanche de blocs qui s'accumulent sur la côte, formant un delta. La situation est tout à fait similaire à celle imagée le 26 avril 2023. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

La modification du tracé côtier par accumulation locale de blocs depuis décembre 2023. Images : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

La question que l'on peut se poser avec cette situation est celle de la stabilité de ce delta. Car on n'en voit que la partie émergée et il n'est pas possible pour l'heure de savoir quel volume forme la partie sous-marine du delta. Or il ne s'agit que d'un tas de blocs (sans cohésion donc) qui plus est soumis à des forces érosive différentielles : les courant marins peuvent éroder plus rapidement la partie immergée, tandis que la partie émergée n'est soumise qu'au vent et aux embruns, dont l’efficacité érosive est bien moindre.

Il est donc envisageable que cette structure soit instable et finisse par s'affaisser en mer. Si elle le fait progressivement, morceau par morceau : pas de soucis. Mais si il advenant que le volume entier se décroche, cela pourrait créer un mini tsunami. Peu de risque qu'il s'agisse d'une phénomène de grande ampleur, cela passerait peut-être même inaperçu sur les îles voisines. Mais comme j'ai vu passer une vidéo de personnes débarquant au pied de la caldera  d'avalanche (cf commentaire de mon post précédent) pour aller ramasser des morceaux de lave tout neuf, je me dit que même si cette zone volcanique est isolée et même si l'activité est globalement faible, on n'est pas à l'abri d'avoir des victimes, soit des personnes débarquées sur la côte qui seraient percutées par les blocs roulant dans la pentes (ils peuvent descendre à plusieurs dizaines de kilomètre-heure) soit par une embarcation un peu frêle située à proximité de l'édifice et bousculée par un mini-tsunami.

Bref : situation plutôt classique pour ce système volcanique, mais pour autant pas dénuée de risques.


Sources: MIROVA; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Aso, Japon, 1592 m


La situation a discrètement évolué depuis quelques semaines dans le cratère sommitale du cône Nakadake qui trône au milieu de la vaste caldera d'Aso.  Jusqu'à la fin du mois de janvier 2024 seul un dégazage important était produit et le fond du cratère était marqué par la présence d'un petit lac d'eau acidifiée par le dégazage.

Toutefois, dès la fin du mois de janvier les données thermiques ont permis de constater l'apparition d'un signal thermique soutenu depuis un petit évent situé contre la paroi sud du cratère Nakadake.  Depuis lors ce signal thermique persisteet son intensité n'est pas incompatible avec une activité éruptive. Toutefois les éléments sont insuffisant actuellement pour confirmer qu'il s'agit d'une éruption : il peut s’agir d'un dégazage à très haute température, même si je n'ai pas souvenir qu'un dégazage puisse produire un tel signal. Il est possible par contre qu'un évent se soit ouvert formant une fenêtre directe sur une zone à très haute température située à faible profondeur sous le plancher cratèrique.

Coté webcam cela se traduit par un incandescence certes faible mais visible. Le lac d'acide ne semble pas avoir disparu pour le moment et il parait un peu surprenant que cette situation ne s'exprime pas sous la forme d'explosions à minima phréatique, voir phréatomagmatiques.

Signal thermique intense  dans le cratère du cône Nakadake. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Incandescence le soir du 09 mars. Image : Université de Kyoto

Pour le moment je n'ai pas l'impression que des émissions de cendres aient été produites. Par contre les bulletins du Japan Meteorological Agency indiquent que la sismicité est un peu au-dessus de la normale et  que les données de déformation suggèrent la mise en lace d'une intrusion magmatique relativement en profondeur.


La situation manque de clarté pour le moment mais il est clair qu'il en vaut mieux pas approcher la lèvre du Nakadake : le risque est élevé de voir démarrer une explosion phréatique/phréatomagmatique sans signaux précurseurs caractéristiques.

 

Images : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus ; Université de Kyoto



2 commentaires:

  1. Bonjour on voit clairement l impact des incendies récents proche du parking ASO JAPON. Beaucoup d incendie proche des volcans éteint ou endormis ces derniers temps.

    Tiens le volcan Karangetang continue de monter en puissance celui là mis à part les volcanologues personne ne le connait !

    https://www.youtube.com/watch?v=8-D90pNe9H4



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    1. Bonjour Anonyme. Karangetang est connu d'à peu près tous les volcanophiles en tout cas et, personnellement, je suis régulièrement son activité depuis une bonne 20aine d'années :). Pour le moment l'activité au sommet est faible (signaux thermiques presque inexistants), niveau d'alerte volcanique à 2, rien à signaler pour l'heure en tout cas.Pour Aso : ce sont des incendies volontaires qui sont déclenché à peu près tous les ans pour favoriser la repousse. Mais ces techniques sur brûlis ne marchent qu'un temps et sur le long terme c'est plutôt contre productif malheureusement.

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