13 juillet 2023

Un point d'actus : volcans Mayon, Piton de la Fournaise, Fagradasfjall, Klyuchevskoy, Nishinoshima, Shishaldin, Tinakula, San Cristobal et Ubinas (mis à jour)

Un petit post histoire de rédiger quelque chose : j'ai rarement le temps et je profite d'un moment un poil moins chargé. Mais pour tout vous dire, je ne vais passer qu'assez rapidement sur les éruptions décrites dans ce post:  il s'agit d'éruptions stables (pour le moment en tout cas) et d'ampleur faible à modérée. D'autres situations attirent actuellement mon attention mais ferons l'objet de posts dédiés.

Piton de la Fournaise, France, 2632 m

Depuis le début d'année 2023 l'OVPF a publié plusieurs bulletins indiquant que des mouvements de magma et une mise en pression du réservoir superficiel avaient eu lieu, en mars et avril notamment ce qui avaient incité l'observatoire à passer l'alerte en vigilance. Après des mois de mai et juin plutôt calme c'est donc le 02 juillet qu'une nouvelle crise sismique a débuté accompagnée d'une déformation importante. C'est ce même jour que le magma responsable de tous ces signaux précurseurs a fini par percer la surface de la Terre au nord-est du Dolomieu. Au menu, les phénomènes habituels au Piton :

- ouverture d'un réseau de 3 fractures orientées du sud-ouest au nord-est s’échelonnant entre (environ) 2000 et 1800 m d'altitude.

- magma très fluide projeté en lambeaux par une faible activité explosive et accumulation des lambeaux encore partiellement fondu sous la forme d'un spatter-cône

- le reste de la roche en fusion s'écoulant vers l'aval avec un débit relativement faible.

La surprise à ce moment-là fut l’ouverture d'une autre fracture éruptive à 3.6 km au sud de la première, au sud-est du Dolomieu, vers 1700 m d'altitude. 

Carte de localisation des fractures éruptives. Image:  OVPF

 

Rapidement cette seconde zone éruptive est devenue dominante et la courte (environ 1500m de long) coulée de la première fissure a cessé d'être alimentée: toute activité avait cessé le 03 juillet.

Au matin du 03 juillet : éruption sur la fin sur la fracture 1 (faible lueur à droite) et grosse activité éruptive sur la fracture 2 avec coulées qui arrivent en bas des Grandes Pentes. Image : OVPF

 Sur la seconde fracture par contre le débit s'est révélé très important au début, à tel point que le front des coulées était, au matin du 03 juillet, arrivé en bas des grandes pentes, à une altitude similaire à celle du Piton Tremblet, édifié pendant l’exceptionnelle éruption de 2007. Toutefois le débit s'est ensuite affaiblit puis stabilisé et depuis l'effusion forme un champ de coulée en haut des Grandes Pentes et l'activité explosive, toujours très modeste, édifie un nouveau magnifique spatter-cone.

Le spatter-cone en construction sur la fracture 2. Image : OVPF

 Pour le moment éruption plutôt stable et à libéré environ 6 millions de m3 de roche en fusion.

Carte des coulées de la seconde fracture éruptive depuis le départ de l'éruption jusqu'au 12 juillet. Image : OVPF

 

Source : OVPF


Fagradasfjall, Islande, ~400m

Je dois préciser tout de suite que les éruptions qui ont eu lieu en 2021 et 2022 étaient associées au système volcanique de Kysuvik-Trölladyndja par les volcanologues Islandais. La zone volcanique de Fagradasfjall est considérée parfois comme un système volcanique séparé de Krysuvik-Trölladyngja,  parfois comme un annexe de ce système volcanique : il ne m'appartient pas de trancher et les volcanologues le ferons, probablement sur la base de données géochimiques (j'imagine).

Quoi qu'il en soit c'est à partir du 04 juillet qu'une importante crise sismique a débuté. Il est apparu assez rapidement qu'elle était causée par une nouvelle intrusion magmatique (type dyke), moins d'un 1 an après celle qui avait fait éruption dans le même secteur en août 2022. La zone de sismicité et de déformation se trouvait cette fois un peu plus au nord-est entre le relief nommé Fagradasjall et la vallée Meradalir (où avaient eu lieu les éruptions de 2021 et 2022) et le spectaculaire relief de Keilir au sud-ouest de Reykjavik. Pendant plusieurs jours nous avons été très nombreux à retenir notre souffle et à nous impatienter devant les images envoyées par les webcams jusqu'à ce que.......

Départ d'éruption au pied du relief nommé Litli-Hrutur. En arrière plan le majestueux Keilir, relief sculpté par d'anciens glaciers. Image : RUV.is

Là encore c'est un réseau de fractures qui s'ouvre sur plusieurs centaines de mètre de long selon un axe orienté au nord-est (nord 30 à peu près, pour celles et ceux à qui ça parle), le dyke a percé la surface du globe vers 16h40 heure locale le 10 juillet. Visiblement les premières heures de l'éruption ont été marquées par un débit (environ 50 m3/s) plus important que pour les départs d'éruption de 2021 et 2022 mais rapidement ce débit à diminué (environ 15 m3/s le 11 juillet. Le champ de lave en formation s'étire le long de la base est du Litli-Hrutur, suivant la topographie et les premières analyses indiquent qu'il s'agit d'un magma basaltique (basalte tholeïtique) assez proche de celui qui a fait éruption vers la fin de l'activité en 2021 et celui qui a fait éruption en 2022. L'activité explosive, faible, au niveau de la fracture éruptive, édifie une très beau saptter-rempart.

Pour l'instant l’éruption est globalement stable.

Première image satellite de la nouvelle éruption dans le secteur de Fagradasfjall, au lendemain de son démarrage. Le champ de lave s'étire en direction du sud-ouest. Image : SENTINEL 2 - EA/Copernicus


Sources : IMO; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; RUV


Mayon, Philippines, 2462 m

Cela fait déjà quelques temps qu'une activité éruptive a débuté au sommet et quasi-parfait stratocône  majestueux Mayon. Certaines activités éruptives sur ce système volcanique ont laissé, par le passé, de douloureuses traces et la proximité de la ville de Legazpi est évidemment une source d'inquiétude à chaque fois qu'une éruption a lieu. Mais celle qui a débuté le 11 juin 2023 et se poursuit actuellement est d'une intensité modérée. Elle est surtout marquée par la formation d'un dôme au sommet de l'édifice mais ce dernier, probablement composé d'un magma d'une viscosité modérée (type andésite basique ou quelque chose de géochimiquement approchant) est, dès le départ de l'éruption, partie en coulées de lave dans les ravines ouvertes sur le versant sud et le versant est. Coulées de lave qui, elles-mêle instables dans ces fortes pentes, génèrent de fréquentes avalanches de blocs et parfois de courts écoulements pyroclastiques.

L'activité éruptive produit un petit dôme au sommet qui devient coulées de lave dans les pentes. Ces coulées s'effritent en avalanches de blocs. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

La première source de risques dans cette situation est similaire à ce qui a été observé au Semeru à plusieurs reprises récemment : la formation d'un écoulement pyroclastique de grande ampleur produit par l'effondrement d'une grosse portion de coulée de lave. C'est imprévisible et l’écoulement peut être très mobile et destructeur malgré une activité éruptive modérée et stable. Espérons donc que cette éruption continuera sans faire de dégâts.

Sources : PHIVOLCS; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Shishaldin, États-Unis, 2857 m

Les volcanologues de l'AVO ont signalé avoir commencé à détecter un sismicité de type trémor et des signaux thermiques autour de 10 juillet. Si au départ une activité éruptive ne pouvait être que soupçonnée, elle a rapidement été confirmée par l'observation d'une forte incandescence au sommet sur les images de la webcam et par un signal thermique devenu trop intense pour être expliqué par autre chose qu'une roche en fusion.

 

Incandescence au sommet de l'édifice, bien visible dans la nuit du 11 au 12 juillet. Image : AVO/USGS

 

L’éruption est faible et, pour le moment, confinée dans le petit cratère sommital. 


Source : AVO/USGS


Klyuchevskoy, Russie, 4754 m

Le 22 juin une petite activité éruptive, essentiellement explosive, a démarré dans le cratère sommital. On peu voir parfois des projections monter à quelques centaines de mètres de hauteur mais cela reste peu fréquent. Cette éruption de faible ampleur semble rester stable pour le moment. Toutefois le système volcanique du Klyuchevksoy est l'un des plus actifs du monde et l'activité en cours peux tout à fait monter en puissance comme s'arrêter.


Faible signal thermique associé à l'éruption, le 23 juin 2023 ; Image SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Source : KVERT ; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Nishinoshima, Japon, 100 m

La situation a changé de manière significative fin juin ou début juillet avec l'apparition, à la base du panache produit par l'abondant dégazage, d'un signal thermique important : le plus important depuis la fin de la phase éruptive d'octobre 2022.


Signal thermique fort à la base du panache de gaz. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Cela pourrait suggérer une petite activité éruptive mais ce n'est, pour l'heure, pas très clair et il faut attendre d'avoir plus de données pour se faire une idée plus précise de cette situation.

Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Tinakula, îles Salomon, 796 m

Une activité éruptive faible, peut-être légèrement intermittente, se poursuit sur ce système volcanique. Je tenais à faire un rapide post pour signaler ce que j'avais déjà signalé il y a trois semaines sur twitter, à savoir qu'une coulée de lave s'est mise en  place dans la caldera d'avalanche qui marque la topographie du versant ouest de cet édifice. Cette coulée de lave est arrivée en mer, ce qui est suffisamment peu fréquent pour être signalé. Cette phase effusive ne semble pas avoir duré longtemps.


Coulée de lave, trahie par le signal thermique qu'elle produit. Son contact avec l'eau de mer est,quand à lui, trahi par la tache colorée que ce contact produit et qui s'étire dans le courant. Image  : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Ubinas, Pérou, 5672 m

La dernière phase décrite comme éruptive par le Global Voclanism Program remontait à 2019. La pause à pris fin le 22 juin 2023 avec la formation de panaches de cendres, sans émission de signal thermique.

Panache de cendres le 23 juin 2023. Image : SENTINEL2-ESA/Copernicus

Cette activité d'émission de cendres, avec parfois de belles explosions formant des panaches assez chargé montant à plus de 1000m de hauteur, est restée modérée et semble avoir pris fin le 07 juillet. Depuis cette date un dégazage persiste, avec parfois de faibles quantité de cendres mélangées au gaz (qui dominent largement). Situation à suivre : on ne sais jamais.

 

Mise à jour, 17 juillet, 13h10

 Les images des webcams montrent que depuis le 16 juillet des émissions de cendres sont de retour. Elles sont, pour le moment, d'une ampleur tout à fait similaire à celle de la première séquence.

Retour des émissions de cendres le 16 juillet; Image : IGP

 


Sources : IGP; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


San Cristobal, Nicaragua, 1745 m

C'est avec surprise que j'ai entendu dire qu'une puissance et unique explosion avait eu lieu le 05 juillet en seconde partie d'après-midi (temps local). Le panache très chargé en cendres n'a pas été maintenu par l'activité et s'est donc assez rapidement dispersé mais les zones les plus chargées en cendres se sont effondrées et plaquées au sol sous forme de courts écoulements pyroclastiques.

Panache et écoulements pyroclastiques associés, le 05 juillet 2023 (temps local). Image : INETER

 

Une analyse des données satellites ont permis de montrer qu'au cours des mois précédent cette phase explosive aussi brève qu'intense (qui pose question quand à sa nature d'ailleurs) le signal thermique normalement présent au fond du cratère et habituellement faible avait très progressivement montée en puissance, suggérant une hausse progressive de la température des fumerolles, sources de ce signal thermique. Corrélation n'est pas causalité donc méfiance avant de faire un lien entre les deux mais il serait intéressant de savoir si cette hausse de température du dégazage fut ou non précurseur de cette activité explosive.

Source : INETER



4 commentaires:

  1. Nous étions présents en Islande entre le 2 et 11 Juillet en Islande. Le jour de notre départ, nous avons pu assister à l'éruption quelques heures après son déclenchement depuis la route 41. Nous sommes pourtant passés le 3 Juillet au niveau des sources chaudes de Krisuvyk et Seltun, et rien ne laissait présager quoique ce soit. Pas de modification particulière apparente ni olfactive (;-)). Je suis frappé de la mise en place aussi rapide d'un dyke.

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    1. Bonsoir. C'est quand même top de se trouver là au moment où une éruption démarre (ou juste un poil après, on ne va pas chipoter : c'est quand même incroyable). C'est vous qu'on voit peu après sur la webcam au sommet du Litli-Hutur? :). Pour la mie en place du dyke: il a du travers une croute déjà fracturée, en tout cas sur les derniers km : ca facilite son ascension. Quand aux éventuels détails en surface....difficile de dire si, oui ou non, il n'y a pas eu de légères modifications, une très légère odeur sur le site de la future éruption etc...Quand aux sources chaude de Krysuvik : le site éruptif est plus de 7 km à vol d'oiseau et sur un réseau de fractures différent : je ne suis pas particulièrement étonné qu'il n'y ait pas eu de variations significatives. Pour autant j'ignore si un suivi fin de la géochimie des sources est effectué donc si il y a eu ou non des variations en lien avec l'intrusion magmatique. C'est à voir si des résultat tombent dans le futur. Merci pour votre témoignage en tout cas. Bonne soirée.

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    2. C'est effectivement une chance! nous rentrions alors de la région de Myvatn, et la veille de notre départ, nous avons appris le déclenchement de l'éruption alors que nous arrivions dans la banlieue de Reykjavik. Mais non, ce n'est pas nous sur la vidéo 😜.

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  2. Concernant la remontée du dyke, effectivement la zone est fortement faillée, mais c'est quand même impressionnant d'imaginer les pressions nécessaires pour écarter les terrains lors de la remontée. J'imagine que plusieurs dizaines voires centaines de bars sont nécessaires.

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