22 mai 2022

Un point d'actu : volcans Bagana, Bezymianny (mis à jour), Nyamulagira, Nyiragongo, Etna

Bagana Papouasie Nouvelle-Guinée, 1750 m

La phase d'effusion de lave visqueuse qui avait débuté début 2021 s'est poursuivie à un rythme plus faible après mon précédent post concernant cet édifice, en octobre 2021. Cela a permis à la coulée d'atteindre la base de l'édifice, le front se trouvant alors à 2300 m environ de la source, située au

sommet de l'édifice. Un petit gif des images radar SENTINEL 1 qui couvre la période janvier 2021-mars-2022 permet de bien voir la mise en place de cette coulée, dont le front s'est séparé en 2 lobes, suivant la topographie, marquée à cet endroit par la présence de coulées similaires mais plus anciennes.

Mise en place de la coulée visqueuse en 2021 et 2022. Images : SENTINEL 1 - ESA/Copernicus

Bien que cette effusion se fasse à très faible débit le front de coulée, probablement haut d'au moins une vingtaine de mètres (estimation personnelle à partir des images satellites donc à prendre avec des pincettes mais qui semble coller), rayonne peut-être encore pas mal de chaleur ce qui pourrait être une cause expliquant la frange, large de plus de 60m, de végétation détruite qui borde cette coulée.

Et si ce n'est à cause du rayonnement thermique direct produit par la surface de la coulée, il pourrait s’agir d'une transmission de chaleur par le sol, à même de détruire les systèmes racinaires....à moins que ce ne soit une combinaison de tout ça et d'autre chose (dégazage acidifiant localement le sol?).

 

Auréole dévégétalisée autour du front de coulée. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Cette phase éruptive n'est pour autant pas terminée puisque depuis le mois d'avril une nouvelle masse de magma visqueux est arrivée des profondeurs pour percer à nouveau au sommet de l'édifice. Elle produit une nouvelle coulée qui recouvre celle décrite juste avant mais une partie de cette nouvelle coulée s'émiette en direction de l'ouest, alimentant des avalanches de blocs. Il n'est pas impossible qu'il s'agisse là des prémices d'un nouveau lobe de coulée, mais l'avenir nous le dira.

Les signaux thermiques associés à la coulée et aux avalanches associées à sa mise en place. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Pour résumer, le système volcanique du Bagana reste dans une phase très active mais essentiellement effusive, bien que le magma émis soit visqueux.

Sources : SENTINEL 1&2 - ESA/Copernicus

 

Bezymianny, Russie, 2882 m

Suite à la puissante phase explosive du mois de mars, la situation est restée peu claire au Bezymianny, en tout cas pendant plusieurs semaines. Les signaux thermiques ont été restreintes sur la zone sommitale et il a été difficile de savoir si ces signaux étaient uniquement produit par l'échappement de gaz à très haute température ou si il y avait, comme source de chaleur, une masse de lave en formation (un petit dôme par exemple). Présence de nuages, résolution excellente mais un poil trop faible (10 m/pixel dans les longueur d'onde visibles pour SENTINEL par exemple pour les images satellites, ce qui ne permet pas de voir des structures fines, des modifications de petites dimensions). La seule modification notable, visible à la fois sur les images satellites et sur les images webcams, fut le remplissage d'une ravine du versant sud-est, celle-là même qui avait formée lors de la phase paroxysmale du mois de mars (cf image SENTINEL 2 dans le post dédié), indiquant la survenue  d'avalanches fréquentes. La zone sommitale semblait aussi montrer des modifications mais le puissant dégazage empêchait souvent d'avoir des vues totalement dégagées et qui pouvaient être comparées (un relief pouvant semblé avoir disparu alors qu'il n'était que masqué par les gaz par exemple).

La comparaison ci-dessous, faite avec des images prises à 2 mois d'écart, montre bien ce remplissage et semble montrer aussi une modification de l'aspect de la zone sommitale.

Comparaison d'images webcams, les 16 mars et 15 mai. Images : KB-GS-RAS

 

Tout cela est compatible avec la progressive mise en place d'une extrusion à très faible débit. Et si pendant une longue période de plusieurs semaines elle ne s'est pas clairement manifestée, à part avec quelques modifications discrètes du sommet et des avalanches "froides" (le remplissage de la ravine s'est fait avec des dépôts sans signature thermique), elle se manifeste depuis quelques jours de manière bien plus franche puisque ce sont désormais des avalanches à haute température qui se produisent, au moins sur le versant est-sud-est (dans la zone de la ravine). Sur les webcams elles deviennent visibles le 13 mai mais elles ont pu commencer avant et être masquées par les nuages. Depuis le 13 mai, elles semble avoir gagné en ampleur, suggérant que la masse de lave qui s’effrite depuis le sommet est plus importante mais  la fréquence des avalanches reste du même ordre de grandeur ce qui suggère que le débit de l'effusion n'a pas changé.

Signature thermique pouvant être attribuée à une avalanche de blocs à haute température. Image : LANDSAT 8/9-NASA/USGS

 

 

Avalanche de blocs à haute température vue à la webcam. Image : KB-GS-RAS

En résumé : la phase éruptive qui a débuté en mars se poursuit sur un mode essentiellement extrusif (effusion de lave visqueuse) marqué par des avalanches de blocs. A voir si une coulée se mettra en place sur le versant est (pile en face de la webcam, ça serait top!).


Mise à jour, 29 mai, 07h37

Au cours des derniers jours l'activité est restée essentiellement extrusive mais avec une hausse notable des émissions de cendres. Celles-ci pouvaient être dues aussi bien à une augmentation progressive de l'instabilité de  la masse de lave mise en place sur la pente Est, instabilité marquée par une hausse de la fréquences des avalanches de blocs et des écoulements pyroclastiques, qu'à une activité explosive au sommet. Quoi qu'il arrive cette séquence s'est terminée par une puissante phase explosive, paroxysmale, qui a  généré au soir du 28 mai une imposante colonne de cendres dont l'altitude maximale atteinte a été estimée vers 15km.

La colonne de cendres au moment de son plus grand développement, vue depuis l'ouest à gauche et depuis le sud à droite. Images : KB-GS-RAS

Dès la fin de cette séquence les images webcams ont montré une intense émission d'infrarouges au sommet, signe d'une très haute température, mais plus aucune émission de cendres notable alors que l'activité d'avalanches semblait se poursuivre.

Après la fin du paroxysme l'activité d'avalanches de blocs se poursuit. Image : KB-GS-RAS

 

Aussi il n'est pas interdit de supposer que cette phase paroxysmale résulte (mais ce n'est qu'une hypothèse donc en rien une certitude ou un acquis):

1- de l'arrivée de magma neuf, responsable ces dernières semaines de la hausse progressive de l'activité

2- que cette quantité de magma arrivée au sommet a provoqué la hausse notable ces derniers jours de l'activité d'avalanches et d’écoulements pyroclastiques qui peuvent ête interprété comme la conséquence d'une hausse du débit de l'extrusion au sommet

3- que cette  masse arrivée à la surface a provoqué une très grande instabilité qui s'est traduite par le décrochement d'un très gros volume de la masse visqueuse en train de se mettre en aplce sur le versant est et qu'en rétro-action...

4- cette disparition soudaine a provoqué une décompression de cette de ce magma neuf à peine arrivé, encore riche en gaz, provoquant la phase explosive paroxysmale.

5- L’extrusion de ce magma neuf se poursuivant après la "décompression paroxysmale", des avalanches de blocs sont toujours générées sur le versant est.

Le dépôt de cette phase a été imagé par un satellite LANDSAT aujourd'hui, il s'étend  jusqu'à la côte sur une largeur de 17 km au sol.

Le dépôt du panache de cendres produit lors de la phase paroxysmale. Image : LANDSAT 8/9 - NASA/USGS


Sources : KB-GS-RAS; LANDSAT 8/9-NASA/USGS

Nyiragongo et Nyamulagira, République Démocratique du Congo, resp. 3470 m et 3058 m

Au Nyiragongo les nuages empêchent de se faire une idée précise de la situation, bien que la relative faiblesse et l'intermittence (qui est en partie due à la présence de masses nuageuses fréquentes) des signaux thermique exclue à priori la présence d'un lac de magma.

Signaux thermiques assez faibles. Source : MIROVA

Ces signaux semblent plus correspondre à une petite activité, qui pourrait être cohérente avec du spattering avec un peu d'effusion, peut-être de l’activité strombolienne mais c'est difficile à dire. Il n'est même pas certain que cette activité soit continue amis quoi qu'il en soit le système volcanique n'est pas stable et toujours alimenté en magma.

Tout petit signal thermique au fond du cratère sommital peu compatible avec un lac de magma . Image : LANDSAT 8/9-NASA/USGS

L'activité au Nyamulagira quand à elle est un petit peu plus simple à suivre car les nuages couvrent un peu (vraiment un tout petit peu) moins le sommet. Depuis le post précédent, en août 2021, il n'y a pas eu de modification particulière de l'activité. En moyenne (car dans le détail c'est difficile à savoir par des voies indirectes) le débit de l'effusion ne semble pas avoir beaucoup varié et le Pit Crater sommital a continué d'être remplit de coulées accumulées. Le débordement a eu lieu tout début mai, un peu vers l'est mais surtout vers l'ouest où les coulées ont à nouveau envahit le plancher de cratère sommital. Elles ont dès lors recouvert une partie des coulées qui s'étaient déjà misent en place en 2020 et sont venu longer le bords de la caldera sommitale.

Effusion toujours en cours au Nyamulagia. Les coulées ont envahi la partie ouest du plancher de la caldera sommitale.


Sources : LANDSAT 8/9-NASA/USGS; MIROVA;SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Etna, Italie, 3330 m

Je ne vous apprendrais rien en vous disant qu’une activité éruptive a débuté le  12 mai dans l'après-midi au niveau du Cône Sud-Est. Elle a visiblement débuté par la mise en place d’une coulée de lave à partir du haut versant nord du Cône Sud-Est, juste sous le col qu'il fait avec la Bocca Nuova. La coulée, peu active, semblait alors faite d'une lave déjà dégazée et était peut-être la conséquence de la déstabilisation d'un petite masse de magma stockée à faible profondeur. L'activité explosive sur le Cône Sud-Est était alors inexistante, ou réduite à des émissions de cendres brunes indiquant qu'il s'agissait plutôt d'un débourrage. À noter tout de même que quelques heures seulement après le départ de la coulée un petit écoulement pyroclastique s'est formé depuis la même zone que le départ de la coulée et a recouvert cette dernière.

Petit écoulement pyroclastique dans la nuit du 12 au 13 mai. Image: INGV


Quoi qu'il arrive ces phénomènes indiquaientt l'arrivée d'une masse de magma d'origine un peu plus profonde, qui a finit par percer et donner une belle activité strombolienne, soutenue mais loin des paroxysmes vus auparavant, au sommet du Cône Sud-Est. Quand à l'effusion elle s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui mais par vagues successives, formant pour chaque "vague" des coulées qui partent de la source, sous le sommet côté nord du Cône Sud-Est, descendent le col entre Sud-Est et Bocca puis bifurquent vers l'est en direction de la pente plus forte du haut de la Valle del Bove. Ces coulées successives forment progressivement ce que l'on appelle un champ de lave.

La zone sommitale reste toutefois une zone dangereuse malgré l'intensité modérée de cette phase éruptive. En effet cette nuit, vers 22h10 heure locale, un nouvel écoulement pyroclastique s'est mis en place, recouvrant une partie de la zone amont du champ de lave en formation. Cet écoulement, discret, n'a été perçu que par la webcam thermique du Monte Cagliato, du moins c'est la seule image de toutes les webcams que je connait qui permette de le voir (les webcam qui fonctionnent dans le visible sont soit mal tournées, soit dysfonctionnelles, soit trop peu lumineuse pour permettre de le voir etc).

Écoulement pyroclastique sur le haut versant est de l'Etna. Image : INGV

Bon, sur l'Etna ce type de phénomène n'est pas fréquent, sans être rare non plus du reste et il est généralement associé à des instabilités chroniques du Cône Sud-Est. Encore faut-il en être sûr et donc partir à la recherche d'images.

Alors l'image la moins claire est faite au moment de l'événement lui-même par une webcam située au nord de l'Etna et mise en ligne par la société skyline. On y "voit" ce qui ressemble un arrachement de la partie nord du Cône Sud-Est au cours de la nuit, dans une séquence où une série de dykes ("filons" de magma) viennent percer ce versant pour produire de nouvelles coulées. Mais accrochez-vous, j'ai eu beau ralentir le gif animé, la vue de nuit, la faible fréquence d'images et la résolution rendent peu clair le moment clé.


L'autre moyen de voir si un arrachement est présent est de faire une comparaison d'images à partir de la même webcam pour voir si il y a une cicatrice.Mais bon, même là ce n'est pas hyper net, j'avoue...




Sur la comparaison d'images ci-dessus vous pourrez par ailleurs noter que sur la zone sommitale, juste à gauche du point de départ du panache de cendres sur l'image de droite, on a une bien belle échancrure bien nette bien propre. On peut supposer qu'il s'agit de la cicatrice laissée par l'arrachement qui a eu lieu le 12 mai. En l'absence d'observations directes, cela restera une hypothèse.

Pour en revenir à la cause de l'écoulement pyroclastique du 21 mai, j'ai fondé quelques espoirs sur l'imagerie satellitaire pour voir la cicatrice d'arrachement. Malheureusement l'image faite le 22 mai par SENTINEL 2 présente un toute petite masse de nuage, minuscule....mais PILE sur le sommet du Cône Sud-Est, rageant mais c'est la vie.

Sur cette image on peut tout de même distinguer une partie du dépôt de l'écoulement, juste au pied de la zone où ce qui ressemble à la cicatrice d'arrachement ( sur la comparaison d'images) se trouve. La nouvelle coulée, visible grâce à son intense signature thermique, se met en place par dessus une partie de ce dépôt. Vous noterez aussi que ce dépôt est d'une belle couleur brune, caractéristique de matériaux altérés, ce qui est cohérent avec une un écoulement dû à la destruction d'une partie du Cône Sud-Est.

Le dépôt, brun, de l'écoulement pyroclastique du 21 mai et la coulée de lave en cours de mise en place le 22 mai. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Bref :l'activité se poursuit, à un bon rythme mais dominée par une série d'effusions de lave depuis le haut versant nord du Cône Sud-Est. L'activité explosive, strombolienne, reste soutenue sans être de haute intensité mais l'instabilité chronique de ce cône fait de la zone sommitale et du haut versant de la Valle del Bove un secteur dangereux.

Sources : INGV; Skyline; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


5 commentaires:

  1. Merci pour toutes ces infos intéressantes ! Quel œil ! J'ai l'impression que l'INGV en a même pas parlé !

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  2. Bonjour,votre site ne bouge pas depuis le 22 mai pourquoi????Dommage de nous abandonner .

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    1. Bonjour Anonyme. Oui, peu d'activité sur le blog (mais je reste actif sur d'autres réseaux de communications pour les actus quotidiennes qui ne nécessitent pas un développement détaillé). N'étant pas rémunéré pour bloguer, je ne le fait que par plaisir (et si il y a de choses à raconter) et cela dépend directement de mon temps libre. Or il se trouve que depuis plusieurs mois maintenant, cette denrée se fait rarissime. Mais bon, dès que les conditions sont réunies, je prend le clavier :).
      Bonne journée à vous
      CV

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