6 août 2020

Le point sur l'activité aux volcans Nyamulagira, Sarychev Peak et Manam

Nyamulagira, République Démocratique du Congo, 3058 m

La nouvelle phase d'émission de coulées de lave (effusion) qui a débuté soit à la toute fin du mois de mai soit au tout début du mois de juin, se poursuit. Bien qu'elle reste visiblement modeste, elle continue de modifier la morphologie de la caldera sommitale.


Le débordement qui avait été confirmé le 11 juillet s'est poursuivit et a connu à priori un pic autour du 26 juillet, date à laquelle l'ancien Pit Crater ouvert dans le plancher de la caldera (juste à l'ouest du Pit Crater où se déroule l'éruption) était emplit de lave à très très haute température. En cela l’éruption en cours continue donc de niveler le plancher de la caldera.

L'éruption reste faible mais, petit à petit, continue de modifier la morphologie de la caldera en nivelant son plancher. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Impossible de voir l'incandescence (rayonnement assez fort pour imprimer la bande 4 du satellite, longueur d'onde 665 nm correspondant à la couleur rouge) de ces coulées. Le rayonnement thermique n'est même pas assez fort pour imprimer la bande 8 (longueur d'onde 842 nm, très proche infrarouge). Cela est logique du fait du très faible débit de cette éruption effusive, qui permet aux coulées de lave de progresser lentement et d'avoir une surface qui perd rapidement de la température et se solidifie partiellement. La carapace formée est isolante d'où une surface peu rayonnante.

Sinon l'éruption se poursuit et sur la dernière image disponible on voit bien que la masse de lave qui a remplit l'ancien Pit Crater reste à très haute température et semble toujours faiblement alimentée, peut-être par un système de tunnel de lave.

L’alimentation de la "flaque de lave" semble se maintenir. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Manam, Papouasie Nouvelle-Guinée, 1807 m

Après les phases paroxysmale de 2018 et 2019 l'activité éruptive, quasi permanente depuis 1974 au moins, s'est poursuivie au sommet du Manam. Les images satellites montrent clairement toujours deux cratères distincts (cratère nord et cratère sud) où se déroule l'activité éruptive. Cette activité éruptive n'est actuellement pas déterminée précisément mais l'intensité et la stabilité des émissions thermiques, la faible production de cendres et le dégazage permanent et stable suggérant une activité dite "à conduit ouvert" semble compatible avec une activité strombolienne.
Toutefois le système volcanique a connu récemment une petit épisode d'instabilité, qui s'est traduit par une phase d'émissions de cendres depuis le cratère sud, le 28 juillet.

Émission de cendres le 28 juillet 2020, au niveau du cratère sud. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

L'image ci-dessus montre clairement deux détails intéressants :

- la dynamique de l'émission de cendres est faible. Le panache formé n'est pas le fruit d'une intense dépressurisation, qui aurait créé une colonne de cendres avant que celles-ci ne se dispersent. Ici on voit clairement que le vent emporte directement les cendres à leur sortie du cratère. L'émission de cendres se fait donc à faible pression*.

- la teinte du panache tire franchement sur un brun qui est généralement le signe que les cendres sont faites majoritairement de roches altérées et moins ou pas de fragments de lave fraîche.

Un autre détail apparait lorsqu'on regarde du côté des infrarouges : sous le panache de cendres, dans la pente, on peut apercevoir un signal thermique peu important et très localisé. Vue la situatin, sous le panache, son interprétation reste évidemment délicate.

Un faible signal thermique est présent sous le panache de cendres, dans la pente du versant sud. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Un autre élément important pour proposer une plausible** explication à cette situation est donné dans l'image satellite suivante, prise le 02 août, sur laquelle on peut voir que l'activité dans le cratère sud est devenue inexistante. Seule un très faible signal thermique résiduel persiste. En outre il semble qu'autour de ce signal thermique, localisé à l'endroit du cratère sud, s'est mis en place ce qui ressemble à une activité fumerolienne concentrique au cratère.

Signal thermique résiduel et zone fumerolienne élargie autour du cratère sud le 02 août 2020. Images : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

L'ensemble peut éventuellement s'intégrer de manière cohérente dans une hypothèse où l'émission de cendres ne correspond pas à un pic d'activité mais à des modifications de la partie superficielle du système éruptif. Des épisodes d'affaissement de la zone du cratère sud par exemple pourraient expliquer à la fois l'émission de cendres brunes (roches altérées) et la présence du faible signal thermique dans la pente sud, pouvant être produit par à quelques retombées à faible température. Par ailleurs ce potentiel affaissement serait compatible avec la présence de fractures annulaires d'où s'échappe le gaz magmatique.

Mais bon, quoi que cohérent tout cela reste assez fragile me semble-t-il, et l'idéal reste à ce stade soit des images à très haute résolution (au moins pour confirmer/infirmer les fractures annulaires), et évidemment l'observation directe.

* pour être clair, "faible" ou "forte" pression décrit en réalité la différence de pression avec la pression atmosphérique, pas la pression réèlle de ce qui sort.

** plausible ne signifie pas qu'il s'agit de la réalité mais que les éléments disponibles peuvent être combinés pour produire une idée réaliste

Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Sarychev Peak, îles Kouriles/Russie, 1496 m

Depuis le mois d'avril le MIROVA détecte régulièrement de faibles signaux thermiques sur le Sarychev Peak. Peu fréquents et peu intenses ils pourraient au départ passer pour d'éventuels artefacts, mais comme cela dure, il est clair que ce n'est pas le cas.
Depuis au moins 2018 ce système volcanique semble dans un état de relative instabilité : de petites émissions de cendres avaient eu lieu à l'époque visiblement, et le SVERT avait élevé les niveaux d'alerte. L'instabilité fut très modeste en 2019, avec deux émissions de cendres repérées seulement, et un signal thermique faible dans le cratère. Et le MIROVA n'a plus détecté aucun signal thermique entre octobre 2019 et mars 2020, bien qu'il y en ait eu un persistant mais très très faible, compatible avec la présence de fumerolles à haute température.
Ce qui se passe depuis avril 2020 marque donc une recrudescence qui, certes, ne monte pas haut mais est là malgré tout.

Après une pause entre octobre 2019 et mars 2020, les signaux thermiques sont de retour au Sarychev Peak. Image : MIROVA


Alors évidemment le premier réflexe est de tenter de comprendre ce qu'il se passe, mais les seules données disponibles restent les images satellites, dont l'interprétation n'est pas forcément évidente et dont la lecture dépend directement  des conditions météo (et dans la zone géographique du Sarychev Peak, elles sont pas exactement faciles...). Mais si l'on compare une image prise en août 2019 avec un autre prise le 01 août 2020* il semble bien qu'il y a actuellement au fond du cratère une masse, qui pourrait correspondre à un petit dôme de lave en formation. Toutefois il faut bien avouer que cela n'est pas parfaitement clair, et nécessite plus de données pour aller plus loin.




Pour l'heure cette activité, qu'elle soit éruptive ou non, reste très faible, mais on ne sait jamais...

* pour avoir des ombres portées équivalentes, des conditions météo équivalentes et ainsi limiter les causes qui peuvent produire les différences entre les deux images.

Sources : MIROVA ; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

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