Sarychev Peak, dans l'archipel des îles Kouriles, fait partie de la longue liste des édifice volcanique éloignés, isolés, sans système de surveillance intégrée. Et donc, par défaut, les données satellites sont les plus pertinentes pour tenter de faire un suivi de ce qu'il s'y passe.
Et depuis peu, les signaux d'une activité plus intense semblent se multiplier.
Et le premier signal est la décision prise, le 11 janvier, par le KVERT d'élever le niveau d'alerte volcanique au jaune, ce qui n'était plus arrivé depuis 2019. Et cette décision, qui a été relayée dans la dernier bulletin du Global Volcanism Program, n'a évidemment pas été prise sur un coup de tête : les éléments qui fondent la décision proviennent des données spatiales.
Le MIROVA, tout d'abord (qui traite et affiche les données en provenance des satellites MODIS) , qui indique qu'après la période avril-octobre 2020, marquée par une présence persistance de faible émissions de chaleur, une période calme a eu lieu jusqu'en janvier 2021. Et depuis le 10 janvier 2021, le MIROVA détecte à nouveau des signaux, plus intenses que ceux de 2020.
Retour de signaux thermiques plus que significatifs au Sarychev Peak en janvier 2021. Image : MIROVA |
Cette émission de chaleur a été suffisamment intense pour être perceptible, le 13 janvier, à travers la couche nuageuse qui masquait alors le sommet : cela semblait déjà indiquer une activité intense, probablement éruptive.
Signal thermique intense perçu à travers la couche nuageuse. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus |
Mais pour autant, rien de tout cela ne permet d'apporter une réponse à la question la plus importante : que se passe-t-il?
Honnêtement, sans images plus claires, bien dégagées et avec une assez bonne résolution, il n'y aura pas de réponse immédiate. Mais en tout cas une chose est claire : c'est bien une activité éruptive qui se déroule, même si les modalités restent à définir.
Ce sont les images radar qui permettent effectivement d'arriver à cette conclusion, puisque l'atmosphère est transparente pour ce type de longueur d'onde. Et c'est donc du côté de SENTINEL 1 cette fois, que je me suis tourné pour voir ce que ça raconte.
Et ça raconte que le cratère se remplit Et même qu'au 15 janvier, il était prêt à déborder.
Remplissage progressif, quoiqu'assez rapide finalement, du cratère sommital. Images : SENTINEL 1 - ESA/Copernicus |
Alors clairement il y a, grosso modo, deux possibilité pour expliquer ce remplissage:
- soit c'est une émission de magma fluide et le remplissage correspond à une accumulation de scories et de coulées.
- soit c'est une émission de magma modérément visqueux qui forme un dôme de lave plutôt aplatit (une galette).
L’aspect évoque plutôt la seconde solution, et il faut savoir que par le passé de telles galettes ont été observées par ailleurs (cf le lien dans le commentaire de ce post de 2017), donc ça parait être la solution la plus probable*.
Sinon, il est intéressant de constater que:
- le VAAC de Tokyo n'a émis AUCUN bulletin depuis le début de cette crise : on peut donc déjà dire que l'éruption est essentiellement effusive et très peu voir pas explosive (VEI 0 ou 1).
- les données radar semblent indiquer que des modifications de morphologie au fond du cratère ont commencé dès mi ou fin novembre 2020, au moment où le MIROVA détectait un dernier signal thermique significatif avant la pause décrite plus haut. L'éruption aurait donc commencé dès novembre? Mais alors pourquoi ce "silence" au sur les données du MIROVA? Peut-être une couverture nuageuse trope dense et quotidienne....Les images MODIS quotidiennes montrent pourtant quelques journées, sinon belles, du moins avec une couverture nuageuse restreinte...
À moins que la première phase d'activité ait été plus discrète. Le démarrage de l'éruption à la Soufriere de Saint Vincent par exemple a été précédé par la formation d'un cryptodome, et la couverture de sédiments était tout à fait à même de bloquer le signal thermique. Mais honnêtement, imaginer une situation similaire au Sarychev reste une idée lancée à l'air, et je pense qu'on peut faire le deuil des détails de ce qu'il s'est passé entre novembre et janvier : tout est maintenant enseveli.
Et la suite?
Et bien si le remplissage se poursuit, un débordement pourrait avoir lieu et alors on pourrait assister, selon la viscosité du magma émis, à la formation d'une coulée de lave plus ou moins longue (si magma plutôt fluide), ou a des avalanches de blocs voir des écoulements pyroclastiques (si magma suffisamment visqueux).
Comme on dit : wait and see.
Mise à jour, 28 janvier, 08h10
Les détails demeurent inconnus du fait qu'une couverture nuageuse s'accroche sur l'île et bloque une majorité de signaux. Le 20 janvier SENTINEL 2 détectait encore un puissant signal thermique au sommet à travers une belle couche de nuage, signe que l'éruption était encore en cours à ce moment-là. De leur côté les données radar de SENTINEL 1 permettent de constater que le débordement a débuté dans la ravine Nord-Ouest, tout comme en 2017.
Le sommet est progressivement remplit, puis déborde dans la ravine nord-ouest. Images : SENTINEL 1 - ESA/Copernicus |
Les données radar ne permettent pas d'identifier concrètement le type de
remplissage : est-ce une coulée ou simplement une accumulation de
blocs, par exemple? Il faudra, pour cela, attendre une image claire avec des longueurs d'onde plus courtes (infrarouge, visible) que le radar.
Sources : MIROVA; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; SENTINEL 1 - ESA/Copernicus; MODIS/NASA
*la plus probable ne signifie pas que c'est la bonne, mais qu'on verra bien avec plus de données si on a vu bon ou si on s'est complètement plantés.
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