12 janvier 2020

Taal : alerte volcanique élevée à 3 (mis à jour x 4)

Le PHIVOLCS a édité un bulletin aujourd'hui spécifiant l'élévation du niveau d'alerte du Taal à 3 sur 5  ("magmatic unrest" dans leur protocole d'alerte). D'après les informations qu'ils donnent, ils soupçonnent qu'une intrusion magmatique perturbe le système hydrothermal en place, et pourrait éventuellement faire éruption : on peut donc déjà employer le terme "activité phréatique" plutôt qu'"activité hydrothermale" pour décrire la situation. Je rappel d'ores et déjà que la dernière éruption au niveau de ce système volcanique a eu lieu en 1977, il y a 43 ans, et que c'est la première fois, à la lecture du Global Volcanism Program, depuis cette période que l'alerte 3 est déclenchée : c'est donc une décision importante qui a été prise.
Cette instabilité du système hydrothermal, marquée par une sismicité importante notamment, se manifeste aussi en surface par la formation aujourd'hui d'un important panache, haut de plus de plus de 15 000 m d'après le VAAC de Tokyo (!!), qui se forme au niveau de l'île "volcano Island" qui trône dans le Lac Taal (lui-même instalé dans une vaste caldera. D'après les images qui circulent sur les réseaux sociaux, il semble riche en eau (teinte très claire) ce qui est cohérent, mais le PHIVOLCS précise qu'il y a des chutes de cendres sur le secteur sud-ouest du Taal. Évidemment, nul ne sait pour l'heure de quoi sont constituées ces cendres : est-ce 100% de particules de roches anciennes et altérées? Ou y a-t-il une fraction de lave neuve? Sans analyse, pas de réponse...ni de spéculation d'ailleurs, juste une question ouverte.




Cette activité reste pour l'heure modérée et n'affecte que la partie centrale du cône appelé Volcano Island. Et, bien entendu, personne ne peut savoir comment la situation va évoluer. Toutefois il faut préciser que les volcanologues vont très probablement être en veille permanente et accrue pendant un moment. La situation est en effet à risque élevé car il y a la conjonction:
- d'une densité de population assez importante sur les rives du lac Taal...
- que la présence de ce lac peut se traduire par la formation de tsunamis au cours des éruptions, en particulier par l'entrée rapide d'écoulements pyroclastiques dans l'eau par exemple.
- que la présence d'un système hydrothermal très étendu induit presque obligatoirement un contact entre eau et magma, ce qui a tendance à augmenter l'explosivité des éruptions.
- et que par conséquence, si l'explosivité est élevée, les chutes de cendres associées le sont aussi.

Les volcanologues du PHIVOLCS ont d'ailleurs déjà posé la recommandation d'évacuer par précautions les personnes les plus exposées sur les rives du lac, à Agoncillo et Laurel, communes les plus proches de Volcano Island.

Par ailleurs cette crise intervient intervient près de 43 ans après la fin de la dernière éruption. OR il se trouve que, sur les 500 dernières année, les éruptions au Taal sont classée en 4 périodes (A, B, C et D), dont les périodes de repos sont de:
- 60 ans entre A (cycle éruptif de 1550 à 1650) et B (cycle éruptif de 1700 à 1731)
- 16 ans entre B et C (cycle éruptif de 1748 à 1912)
- 52 ans entre C et D (cycle éruptif de 1950 à 1977)

La période de repos actuelle, qui atteint 43 ans, est donc tout à fait dans la "norme" des durées des périodes de repos entre les précédents cycles éruptifs.

Suis-je en train de dire qu'un nouveau cycle éruptif commence, là sous nos yeux?  Pour le moment, non car l'activité n'est décrite que comme phréatique. Mais à voir l'intensité de l'activité, l'altitude atteinte par le panache c'est évidemment une possibilité importante, car ce type de situation est tout à fait cohérent avec une activité phréatomagmatique.


Impressionnant panache de cendres et d'eau, vu depuis la plage de Puerto Galera, à une centaine de kilomètres au sud du Taal. Image : Seokjaneook via twitter

Raison pour laquelle il faudra suivre de près cette situation!!

Mise à jour, 11h31

Aller: quelques images en plus pour se faire une idée de l'ambiance sur place!

Éclairs intrapanache en fin de journée. Image : Brandenberg Milla,


Le panache vu d'avion.Image : nom du pilote non précisé....via wtitter

Développement du panache de cendres. Image : Himawari 8


De tout cela il faut retenir un autre risque naturel, particulièrement présent dans cette situation : les impacts de foudres. Les éclairs intrapanache se forment à cause de la friction des particules de cendres, et certaines déchargent peuvent se faire avec le sol. Or les personnes qui observent l'activité ne sont pas loin de la base du panache et peuvent donc être frappés par des impacts de foudre.

Vue la durée et l'ampleur de cette activité, j'ai peu de doutes quand au fait qu'il s'agisse bien d'une éruption, phréatomagmatique vue les caractéristiques du panache formé. Il se pourrait donc que l'on assiste à l'ouverture d'un nouveau cycle éruptif! Mais ça on ne le saura que dans les années qui viennent, car un cycle se caractérise généralement par plusieurs éruptions.

Mise à jour n° 2, 17h02

Le PHIVOLCS a élevé l'alerte volcanique d'un cran supplémentaire car l'activité reste intense et accompagnée d'une sismicité très forte. De nombreux éclairs zèbrent le panache de cendres et le spectacle est impressionnant!.
L'activité de l'aéroport de Manille, situé pile sous la trajectoire du panache de cendres et à une centaine de kilomètres au nord de l'édifice, est fortement perturbée (vols annulés) et l'évacuation de près de 6000 personnes, répartie dans les villages de Talisay, Balete, San Nicolas, Agoncillo et Laurel est planifiée et à débuté peu après le départ de l'éruption.


Mise à jour n°3, 18h39

Juste pour dire, parce que finalement c'est aussi important de le dire les volcanologues Philippins ont élevé le niveau d'alerte volcanique du Taal à 1 le 28 mars 2019. À l’époque la décision fut prise en raison de la mise en place d'une sismicité au-dessus de l'habituelle, avec certaines secousses ressenties par les populations proches, et d'une déformation qui s'est poursuivie jusqu’à l'éruption. Par ailleurs une hausse du CO2 diffusé à travers le sol a été constatée dès avril 2019 et surveillée par la suite. Le niveau d'alerte a été maintenu à 1 jusqu'au matin du 12 janvier 2020, puis le niveau est passé à 2 en début d'après-midi, puis presque tout de suite à 3, puis 4 en fin de journée.

Les mesures d'acidité du lac installé dan le cratère de Volcano Island (pas celui de la caldera) ont aussi indiqué une légère acidification et le niveau du lac lui-même a diminué légèrement depuis fin décembre, mais  la température de l'eau n'a pas varié de manière significative : il serait intéressant de voir si cette variation du niveau du lac est vraiment inhabituelle et, si oui, si elle peut être due aux déformations plutôt qu'à une évaporation par exemple.

Mais l'idéal serait d'avoir une visibilité sur l'évolution de ces paramètres sur plusieurs mois voire années, histoire de voir si elles sont vraiment significatives, et donc être de possibles précurseurs, ou non.

Mise à jour n°4, 13 janvier, 10h18

L'activité éruptive est décrite par le PHIVOLCS comme moins intense mais semble se poursuivre ce matin. Le bulletin mis  en ligne emploie le terme "fontaines de lave" mais je n'arrive pas à savoir si le terme est vraiment celui qu'il faut employer. Voilà l'un des documents du PHIVOLCS sur lequel le terme est employé : je vous laisse juger.



Peut-être le terme décrit-il la base des panaches de cendres qui, à très haute température, sont effectivement incandescents et ressemblent à des fontaines, mais je ne sais pas si cela correspond au fontaines de lave caractéristiques des éruptions de magma fluide. La question peut paraitre étrange, mais en réalité il s'agit de savoir concrètement comment le magma dégaze au cours de l'éruption, ce que l'on appèle le "régime du dégazage". Et les fontaines de lave typiques (Hawaï, Fournaise, Galapagos, etc) sont issus de régimes particulier dites "annulaire" et "dispersé". Quoi qu'il en soit le satellite SENTINEL 2 a effectivement détecté des signaux thermiques, qui indiquent probablement l'endroit où l'éruption a lieu, à savoir essentiellement dans le lac, dont on peut llégitimement se demander si il existe encore après les heures d'activité intense d'hier. Le PHIVOLCS décrit par ailleurs d'autres évents autour du site éruptif principal.

Signaux thermiques au niveau du principal site d'éruption. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Sources : PHIVOLCS ; VAAC de Tokyo; Youtube; Seokjaneook, via twitter; Merci à Sherine France pour le lien! Himawari 8; Daily Inquirer; SENTINEL 2

2 commentaires:

  1. c'est dommage qu'il y a pas de webcam en direct pour voir ce qu'il se passe

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  2. Au vu de certaines photos publiées sur le web, il semblerait que le volcan Taal soit bien en éruption.

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