Actuellement la situation est toujours assez stable, dans le sens où les activités en cours perdurent plus ou moins. Bref: rien de vraiment neuf à l'horizon (à part peut-être une exception), mais quelques détails tout de même, allons voir ça de plus près.
Etna, Italie, 3330 m
L'activité éruptive débutée il y a plus de 3 mois maintenant au sommet de l'Etna se poursuit. Elle a été moins intense ces derniers temps, après avoir été intense dans le Cône Nord-Est jusque fin octobre au moins, puis s'être poursuivie dans la Bocca Nuova tout le mois de novembre. Elle semble toutefois semble reprendre du poil de la bête ces derniers jours avec des lueurs plus fortes dans la Bocca Nuova, d'autres aussi qui émanent du fond de la Voragine et du Cône Nord-Est!
Les images satellites montrent bien la situation globale avec des températures extrêmement élevées au niveau de 3 bouches, et une zone plus allongée entre le fond de la Voragine et le fond de la Bocca Nuova.
La zone à très haute température qui s'étire entre Voragine et Bocca Nuova peut-être interprétée soit comme une coulée de lave issue de l'évent éruptif de la Voragine (la Bocca est plus en contrebas), soit comme un autre évent éruptif, sans coulée. Pour le coup, l'image n'est pas très claire. Mais Michele Mammino a pu accéder au sommet le 03 décembre et filmer la Voragine : il semble que ce sont bien plusieurs évents éruptifs, et qu'il n'y avait pas alors de coulées. Peut-être que la situation à changé depuis, mais en tout cas on ne sais pas pour le moment. Quoi qu'il en soit, toute cette activité explosive, faible mais du beau strombolien quand même, rempli progressivement le fond des différents cratères sus-cités de fragments scoriacés (des scories quoi).
C'est donc une nouvelle phase de cette éruption qui a débuté depuis peu et qui, peut-être, nous réservera de belles surprises.
Mise à jour, 07 décembre, 08h10
L'activité éruptive se poursuit dans plusieurs cratère et viens s’ajouter une activité strombolienne magnifique qui a débuté sur le Nouveau Cône Sud-Est. Elle a débuté soit en cours de journée hier (peut-être timidement dès hier matin), soit au cours de cette nuit mais en tout cas elle s'accentue est maintenant très soutenue. Les projections sont permanentes et arrosent toute la partie sommitale du Nouveau Cône Sud-Est, ce qui va se traduire par une modification progressive de ses dimensions.
Pour en revenir juste à l'activité éruptive dans le Cône Nord-Est en octobre dernier, en voilà un perçu: juste fantastique!
Mise à jour n° 2, 11h24
Juste pour vous dire qu'au niveau de la Bocca Nuova et de la Voragine a pu être détecté hier une coulée de lave, qui descendait de la Voragine pour plonger au fond de la Bocca.
Le satellite SENTINEL à pu la repérer grâces aux infrarouges émis, mais elle a aussi pu être directement observée lors d'un survol privé, comme l'indique l'INGV.
Sources: Michele Mammino; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Etnative, Deborah Longo; INGV
Nishinoshima, Japon, ~100 m
C'est la seule situation franchement nouvelle de ce post, mais elle n'est actuellement pas claire. Pour mémoire la dernière phase éruptive recensée au Nishinoshima remonte à juillet 2018, et ce fut une phase courte d'activité explosive et effusive. Après cela, calme plat.
Depuis fin juin-début juillet le MIROVA détecte de faibles signaux infrarouges, à une fréquence bien plus élevée que lors des mois précédents, ou de tels signaux étaient franchement accidentels.
À l'époque ça a éveillé ma curiosité mais:
- le JMA n'a rédigé aucun rapport sur la situation sur l'île alors qu'il est généralement très réactif
- rien de particulier n'est apparu sur les images satellites LANDSAT 8, notamment dans les infrarouges thermiques: pas de source de chaleur particulièrement importante sur l'île. SENTINEL 2 ne produit malheureusement pas d'images de la zone (LANDSAT 8 c'est une image tous les 15 jours, SENTINEL 2: une image tous les 5 jours), ce qui rend les images LANDSAT 8 peu interessante pour suivre l'évolution d'une telle situation.
- rien non plus de particulier au MODVOLC, autre algorithme de détection automatique des sources de chaleur, prédécesseur du MIROVA.
Bref: seul MIROVA semblait voir quelque chose, mais peut-être n'étais-ce pas d’origine volcanique? Parfois il arrive que la présence de nuages produise des artefacts, mais la fréquence des signaux détectés depuis juillet est telle que l'idée qu'il s'agisse d'artefacts pose soucis.
Bref : depuis des mois c'est donc le flou! Et sans donnée précise, concrète, et bien il n'y a tout simplement rien à dire.
Par contre vous aurez noté sur la droite du graphique MIROVA que depuis peu les signaux thermiques ont atteint une puissance significativement plus forte que tout ce qui a été détecté depuis plus d'un an.
Ces signaux sont aussi détectés par le MODVOLC au passage, et le JMA, qui a relevé la présence de tel signaux évidemment, à publié une série de bulletins indiquant qu'une possible activité éruptive est en cours.
Ce n'est qu'aujourd'hui que les garde-côtes Japonais ont pu se rendre sur place et confirmer qu'une activité éruptive a bien débuté. Elle est mixte (explosive-effusive), modérée et tout à fait similaire en intensité aux phases éruptives précédentes, (sauf la première où le débit de l'effusion était probablement bien supérieur aux phases suivantes). Les images montrent qu'un évent éruptif s'est ouvert à la base nord-est du cône principal (celui formé essentiellement au cours de la première phase éruptive de novembre 2013-décembre 2015, puis retouché par les phases postérieures), et c'est de là qu'est produite la coulée de lave, ou plutôt différeetnes fronts de coulées* qui part en direction de la côte (l'île est petite, la côte n'est donc jamais loin, de toutes manières).
Il semble par ailleurs qu'une petite activité explosive, peut-être du spattering, soit en cours sur cet évent, qui est tout à fait classique puisque le magma émis pour produire la coulée n'est pas totalement dégazé et quelques petites bulles claquent.
L'activité explosive principale, par contre, se déroule au niveau du cône principal, dont la forme et les dimensions vont, de facto, à nouveau évoluer avec la progressive accumulation des fragments projetés.
Pour l'heure c'est donc une activité modérée qui se déroule et nous allons maintenant la suivre dans les jours et semaines qui arrivent pour voir comment c'est finalement la forme de toute l'île qui va changer.
* ce que l'on appelle un champ de lave, ou un champ de coulées.
Sources: JMA; MIROVA; MODVOLC; gardes-côtes Japonais
Sabancaya, Pérou, 5967 m
L'éruption qui a débuté en 2016 se poursuit. Elle continue de produire des explosions relativement fortes, que l'on pourrait peut-être qualifier de vulcaniennes, à l'origine de panaches de cendres dont la hauteur atteint fréquemment les 3000 m . L'INGEMMET indique qu'il n'est pas rare qu'une partie de ces cendres (la fraction la plus fine) retombe jusqu'à une trentaine de kilomètres de l'édifice. Quand on lit par ailleurs qu'il y a une vingtaine d'explosions par jour, on peut se dire que ça fait quand même pas mal de cendres à force.
Toutefois ce n'est pas cette activité explosive, habituelle depuis le départ de l'éruption, qui m'incite à rédiger ce post, mais la croissance d'un dôme de lave surbaissé (une galette quoi) dans la bouche nord-ouest*.
Alors ce n'est pas une nouveauté en soit: on sait qu'une dôme est en croissance lente depuis février 2017 en réalité. Toutefois la croissance de cette masse de lave a toujours été compensé par sa destruction partielle par l'activité explosive.
On peut constater grâce à la séquence ci-dessus, tournée par les volcanologues Péruviens fin octobre, que le dégazage (les explosions) se fait à travers le dôme mais sans vraiment le détruire. C'est un processus à peu près similaire à ce qui a été observé au Santiaguito ou au Semeru par exemple.
Or cette année la croissance de ce dôme s'est "accélérée", et je met des guillemets pour empêcher, à la lecture du mot, d'imaginer quelque chose de rapide à notre échelle. Nonnononononon, oulà! Il lui a fallu plus de 5 mois pour remplir la bouche nord-ouest et atteindre ainsi un "diamètre"** de 230 m environ. Maintenant il va tranquillement déborder et remplir encore plus la bouche sud-est.
* Le cratère sommital initial, de forme simple, a été modifié par l'éruption en cours. Un autre cratère s'est formé juste à côté du premier, les deux ont rapidement fusionné mais l’éruption rempli progressivement le cratère initial et le fait disparaitre petit à petit. Le nouveau est le nord-ouest, l'initial est le sud-est.
** le dôme n'est pas circulaire mais ovale: 230 m c'est pour le grand axe, le petite axe c'est environ 200 m.
Sources: INGEMMET; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Nyiragongo, République Démocratique du Congo, 3470 m
Shérine France (merci à elle!) a fait passer des images montrant l'activité au Nyiragongo. Elles permettent de constater que l'évent secondaire est toujours actif, et même bien actif en ce moment : spattering soutenu (la taille du spatter cone est vraiment impressionnante du coup!) et coulées de lave fluide sont toujours au menu. Coulées qui s'étalent sur la plate forme éventrée par le toujours spectaculaire Pit Crater où continue de bouillonner le lac de magma.
Je me suis amusé du coup à comparer une vue prise en 2016 par l'Observatoire Volcanologique et une autre, faite par Yorgos Grego début décembre 2019 et partagée par Sherine France. En fait c'est carrément impressionnant puisque le niveau du plancher du cratère (ce qui est appelé la troisième terrasse) s'est élevé jusqu'à être quasiment de niveau avec la première plate-forme (appelée "deuxième terrasse"). Bref : le niveau du plancher, donc celui du lac de magma (qui est à peu près au même niveau que le plancher) s'est élevé de plusieurs dizaines de mètres!
Difficile de dire comment ce remplissage s'est fait : progressivement sur de longs mois ou vite sur un temps cours? Je n'ai pas de réponse claire à ce sujet mais j'ai de quoi penser, pour le moment en tout cas, que la deuxième solution pourrait être la bonne. Toutefois, je n'ai rien de suffisamment précis pour réellement valider l'une ou l'autre des possibilités. Si j'en sais plus, évidement vous serez informés!
Mise à jour, 07 décembre, 16h57
Le photographe Olivier Grunewald, qui connait particulièrement bien le Nyiragongo, a accepté de me faire passer (et je l'en remercie encore très chaleureusement) une image qu'il a prise depuis la première terrasse, celle sur laquelle on se pose en descendant du sommet.
De là, il a photographié en 2015 la seconde terrasse et sur l'image qu'il m'a faite passer on retrouve les structures (un réseau de fractures en l'occurence) que l'on aperçoit aussi sur l'image de Yorgos Grego.
L'axe de la prise de vue est à peu près le même, mais Yorgos Grego est plus de 100 m au-dessus et il y a donc une différence d'angle. Malgré tout, la comparaison des deux images est saisissante et l'on se rend encore mieux compte du remplissage du fond du cratère : les coulées sont, à certains endroits (entourés de pointillés), déjà au niveau de la seconde terrasse : cette dernière pourrait être partiellement recouverte dans un délai court. Par ailleurs, les dimensions du spatter-cône peuvent être estimées: environ 60 m de hauteur et à peu près la même chose pour le diamètre à la base: très gros spatter-cone donc!
Mise à jour, 09 décembre, 06h53
Bon, pas facile d'y voir clair quand à la chronologie de la réhausse de cette satanée plate-forme 3 qui, maintenant est à peur près de niveau avec la plate-forme 2 (peut-on alors encore parler de plate-forme 3 du coup?).
Je suis allé chercher quelques données satellites pour tenter de me faire une idée de cette évolution. Et contrairement à mon idée exposée plus haut (une évolution rapide, sur un temps cours) il semble au contraire que cette évolution se soit produite à la fois progressivement sur l'année et en partie rapidement.
Regardez donc le gif ci-dessous: il a été composé à partir d'image SENTINEL 1, qui émet et reçoit des ondes radar, qui ont l'inconvénient d'avoir une lisibilité complexe mais qui ont l'avantage de faire fi des nuages. À chaque fois que le satellite passe sur la zone, bêm! on a une image! Ça c'est bien!
Voilà ce que donne l'évolution de la plate-forme entre janvier te décembre 2019, accrochez-vous ça va relativement vite, et on voit la différence surtout à la fin, vous allez comprendre.
Bon il s'avère, en regardant cette séquence dans le détail, qu'elle met en évidence que le remplissage ne s'est pas fait de manière régulière.
Le niveau de la plate-forme n'a pas varié de manière significative entre janvier et mars, mais il s'élève rapidement en mars-avril. Cela correspond (merci à F.Balland, lecteur du blog qui m'a rappelé ça) à une période où de spectaculaires débordements du lac de magma ont été observés : le phénomène a donc probablement joué à un rôle non négligeable dans les changements qu'on constate maintenant!
Ensuite le niveau de la plate-forme ne varie plus de manière significative entre mai et septembre, puis il y a de nouveau une hausse assez importante entre octobre et actuellement.
Deux phases principales de hausse du niveau, qui correspondent, en toute logique, à des phase de hausse du débit de magma qui alimente le lac et l'évent secondaire. Pour information, je mesuis aussi fait une séquence qui commence en janvier 2017: le remplissage est très progressif jusqu'au premier à-coup de mars-avril de cette année.
Pour se donner une idée de la variation de niveau depuis août, une petite vidéo sur laquelle vous verrez (si vous faites pause à la seconde 38) les fractures qui ont servi de repère sur la comparaison d'images plus haut.
Étant donné qu'entre fin août et aujourd'hui la différence de niveau est d'environ 20m, que le diamètre du cratère bordé par la plate-forme 2 est d'environ 550 m, le volume comblé dans ce laps de temps est de l'ordre de:
pi x 250² x 20 = ~ 4 millions de m3,
auxquels on peut retirer le volume du lac de magma qui vaut approximativement:
pi x 100² x 20 = ~ 0,6 millions de m3
Le volume comblé est donc de l'ordre de 3.4 millions de m3. Mais SENTINEL 1 semble dire que ce volume a surtout été comblé entre octobre et actuellement, soit 2 mois environ, disons 70 jours,
À condition que cela soit vrai, le débit moyen sur la période serait de l'ordre de 50 000 m3 par jour, donc environ 2000 m3/heure (l'équivalent d'une petite piscine olympique, dont le volume est de 2500 m3).
Bon ça reste surtout un calcul pour jouer parce qu'entre les estimations à la grosse louche (une marmite probablement même) du volume comblé et celle de la durée de la période... mais je pense que l'ordre de grandeur est là.
Le niveau de remplissage actuel est visiblement similaire à celui qui a été observé au milieu des années 90, et qui a perduré jusqu'à l'éruption latérale de 2002. Avant l'éruption latérale de 1977, le niveau était encore bien plus élevé puisque le remplissage était environ 150 m sous la lèvre sud-est (le point d'observation privilégié), soit le niveau de la plate-forme 1! Il reste donc de la marge avant d'arriver à un tel niveau de remplissage.
La question qui se pose est évidente : est-ce que la situation e ncours préfigure une prochaine éruption latérale? Réponse difficile, car les causes de ces ruptures latérales sont complexes. L'activité des failles qui constituent le rift, sur lesquelles l'édifice est construit et qui induisent des fragilités dans sa structures, peuvent jouer un rôle.
Sources: Merci à Shérine France pour le partage des images de Yorgos Grego; Olivier Grunewald
Etna, Italie, 3330 m
L'activité éruptive débutée il y a plus de 3 mois maintenant au sommet de l'Etna se poursuit. Elle a été moins intense ces derniers temps, après avoir été intense dans le Cône Nord-Est jusque fin octobre au moins, puis s'être poursuivie dans la Bocca Nuova tout le mois de novembre. Elle semble toutefois semble reprendre du poil de la bête ces derniers jours avec des lueurs plus fortes dans la Bocca Nuova, d'autres aussi qui émanent du fond de la Voragine et du Cône Nord-Est!
Les images satellites montrent bien la situation globale avec des températures extrêmement élevées au niveau de 3 bouches, et une zone plus allongée entre le fond de la Voragine et le fond de la Bocca Nuova.
Multiple zones éruptives dispersées dans les trois principaux cratères sommitaux de l'Etna, le 04 décembre. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus |
La zone à très haute température qui s'étire entre Voragine et Bocca Nuova peut-être interprétée soit comme une coulée de lave issue de l'évent éruptif de la Voragine (la Bocca est plus en contrebas), soit comme un autre évent éruptif, sans coulée. Pour le coup, l'image n'est pas très claire. Mais Michele Mammino a pu accéder au sommet le 03 décembre et filmer la Voragine : il semble que ce sont bien plusieurs évents éruptifs, et qu'il n'y avait pas alors de coulées. Peut-être que la situation à changé depuis, mais en tout cas on ne sais pas pour le moment. Quoi qu'il en soit, toute cette activité explosive, faible mais du beau strombolien quand même, rempli progressivement le fond des différents cratères sus-cités de fragments scoriacés (des scories quoi).
C'est donc une nouvelle phase de cette éruption qui a débuté depuis peu et qui, peut-être, nous réservera de belles surprises.
Mise à jour, 07 décembre, 08h10
L'activité éruptive se poursuit dans plusieurs cratère et viens s’ajouter une activité strombolienne magnifique qui a débuté sur le Nouveau Cône Sud-Est. Elle a débuté soit en cours de journée hier (peut-être timidement dès hier matin), soit au cours de cette nuit mais en tout cas elle s'accentue est maintenant très soutenue. Les projections sont permanentes et arrosent toute la partie sommitale du Nouveau Cône Sud-Est, ce qui va se traduire par une modification progressive de ses dimensions.
L'activité strombolienne et ses projections au niveau du Nouveau Cône Sud-Est (à droite) cette nuit. Image : Deborah Longo, via Etnitive |
Pour en revenir juste à l'activité éruptive dans le Cône Nord-Est en octobre dernier, en voilà un perçu: juste fantastique!
Mise à jour n° 2, 11h24
Juste pour vous dire qu'au niveau de la Bocca Nuova et de la Voragine a pu être détecté hier une coulée de lave, qui descendait de la Voragine pour plonger au fond de la Bocca.
Le satellite SENTINEL à pu la repérer grâces aux infrarouges émis, mais elle a aussi pu être directement observée lors d'un survol privé, comme l'indique l'INGV.
La coulée de lave repérée grâce à la forte émission d'infrarouges. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus |
Sources: Michele Mammino; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Etnative, Deborah Longo; INGV
Nishinoshima, Japon, ~100 m
C'est la seule situation franchement nouvelle de ce post, mais elle n'est actuellement pas claire. Pour mémoire la dernière phase éruptive recensée au Nishinoshima remonte à juillet 2018, et ce fut une phase courte d'activité explosive et effusive. Après cela, calme plat.
Depuis fin juin-début juillet le MIROVA détecte de faibles signaux infrarouges, à une fréquence bien plus élevée que lors des mois précédents, ou de tels signaux étaient franchement accidentels.
Détection des signaux thermiques et d'artefacts au cours de l'année écoulée. Image: MIROVA |
À l'époque ça a éveillé ma curiosité mais:
- le JMA n'a rédigé aucun rapport sur la situation sur l'île alors qu'il est généralement très réactif
- rien de particulier n'est apparu sur les images satellites LANDSAT 8, notamment dans les infrarouges thermiques: pas de source de chaleur particulièrement importante sur l'île. SENTINEL 2 ne produit malheureusement pas d'images de la zone (LANDSAT 8 c'est une image tous les 15 jours, SENTINEL 2: une image tous les 5 jours), ce qui rend les images LANDSAT 8 peu interessante pour suivre l'évolution d'une telle situation.
- rien non plus de particulier au MODVOLC, autre algorithme de détection automatique des sources de chaleur, prédécesseur du MIROVA.
Bref: seul MIROVA semblait voir quelque chose, mais peut-être n'étais-ce pas d’origine volcanique? Parfois il arrive que la présence de nuages produise des artefacts, mais la fréquence des signaux détectés depuis juillet est telle que l'idée qu'il s'agisse d'artefacts pose soucis.
Bref : depuis des mois c'est donc le flou! Et sans donnée précise, concrète, et bien il n'y a tout simplement rien à dire.
Par contre vous aurez noté sur la droite du graphique MIROVA que depuis peu les signaux thermiques ont atteint une puissance significativement plus forte que tout ce qui a été détecté depuis plus d'un an.
Ces signaux sont aussi détectés par le MODVOLC au passage, et le JMA, qui a relevé la présence de tel signaux évidemment, à publié une série de bulletins indiquant qu'une possible activité éruptive est en cours.
Les seuls signaux thermiques relevés au cours des 4 derniers mois ont été produits à partir du 05 décembre 2019. Image : MODVOLC |
Ce n'est qu'aujourd'hui que les garde-côtes Japonais ont pu se rendre sur place et confirmer qu'une activité éruptive a bien débuté. Elle est mixte (explosive-effusive), modérée et tout à fait similaire en intensité aux phases éruptives précédentes, (sauf la première où le débit de l'effusion était probablement bien supérieur aux phases suivantes). Les images montrent qu'un évent éruptif s'est ouvert à la base nord-est du cône principal (celui formé essentiellement au cours de la première phase éruptive de novembre 2013-décembre 2015, puis retouché par les phases postérieures), et c'est de là qu'est produite la coulée de lave, ou plutôt différeetnes fronts de coulées* qui part en direction de la côte (l'île est petite, la côte n'est donc jamais loin, de toutes manières).
La situation vue par les garde-côtes Japonais lors de leur survol du 06 décembre. Image: gardes-côtes Japonais, via JMA |
Il semble par ailleurs qu'une petite activité explosive, peut-être du spattering, soit en cours sur cet évent, qui est tout à fait classique puisque le magma émis pour produire la coulée n'est pas totalement dégazé et quelques petites bulles claquent.
L'activité explosive principale, par contre, se déroule au niveau du cône principal, dont la forme et les dimensions vont, de facto, à nouveau évoluer avec la progressive accumulation des fragments projetés.
L'activité explosive sur le cône principal et le champ de lave, vus en infrarouges. Image : gardes-côtes Japonais, via JMA |
Pour l'heure c'est donc une activité modérée qui se déroule et nous allons maintenant la suivre dans les jours et semaines qui arrivent pour voir comment c'est finalement la forme de toute l'île qui va changer.
* ce que l'on appelle un champ de lave, ou un champ de coulées.
Sources: JMA; MIROVA; MODVOLC; gardes-côtes Japonais
Sabancaya, Pérou, 5967 m
L'éruption qui a débuté en 2016 se poursuit. Elle continue de produire des explosions relativement fortes, que l'on pourrait peut-être qualifier de vulcaniennes, à l'origine de panaches de cendres dont la hauteur atteint fréquemment les 3000 m . L'INGEMMET indique qu'il n'est pas rare qu'une partie de ces cendres (la fraction la plus fine) retombe jusqu'à une trentaine de kilomètres de l'édifice. Quand on lit par ailleurs qu'il y a une vingtaine d'explosions par jour, on peut se dire que ça fait quand même pas mal de cendres à force.
Toutefois ce n'est pas cette activité explosive, habituelle depuis le départ de l'éruption, qui m'incite à rédiger ce post, mais la croissance d'un dôme de lave surbaissé (une galette quoi) dans la bouche nord-ouest*.
Alors ce n'est pas une nouveauté en soit: on sait qu'une dôme est en croissance lente depuis février 2017 en réalité. Toutefois la croissance de cette masse de lave a toujours été compensé par sa destruction partielle par l'activité explosive.
On peut constater grâce à la séquence ci-dessus, tournée par les volcanologues Péruviens fin octobre, que le dégazage (les explosions) se fait à travers le dôme mais sans vraiment le détruire. C'est un processus à peu près similaire à ce qui a été observé au Santiaguito ou au Semeru par exemple.
Or cette année la croissance de ce dôme s'est "accélérée", et je met des guillemets pour empêcher, à la lecture du mot, d'imaginer quelque chose de rapide à notre échelle. Nonnononononon, oulà! Il lui a fallu plus de 5 mois pour remplir la bouche nord-ouest et atteindre ainsi un "diamètre"** de 230 m environ. Maintenant il va tranquillement déborder et remplir encore plus la bouche sud-est.
* Le cratère sommital initial, de forme simple, a été modifié par l'éruption en cours. Un autre cratère s'est formé juste à côté du premier, les deux ont rapidement fusionné mais l’éruption rempli progressivement le cratère initial et le fait disparaitre petit à petit. Le nouveau est le nord-ouest, l'initial est le sud-est.
** le dôme n'est pas circulaire mais ovale: 230 m c'est pour le grand axe, le petite axe c'est environ 200 m.
Sources: INGEMMET; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Nyiragongo, République Démocratique du Congo, 3470 m
Shérine France (merci à elle!) a fait passer des images montrant l'activité au Nyiragongo. Elles permettent de constater que l'évent secondaire est toujours actif, et même bien actif en ce moment : spattering soutenu (la taille du spatter cone est vraiment impressionnante du coup!) et coulées de lave fluide sont toujours au menu. Coulées qui s'étalent sur la plate forme éventrée par le toujours spectaculaire Pit Crater où continue de bouillonner le lac de magma.
Le spectaculaire spatter-cone, accumulation de fragments de lave soudés à chaud, et les coulées de lave émises simultanément. Image : Yorgos Grego, via Sherine France |
Je me suis amusé du coup à comparer une vue prise en 2016 par l'Observatoire Volcanologique et une autre, faite par Yorgos Grego début décembre 2019 et partagée par Sherine France. En fait c'est carrément impressionnant puisque le niveau du plancher du cratère (ce qui est appelé la troisième terrasse) s'est élevé jusqu'à être quasiment de niveau avec la première plate-forme (appelée "deuxième terrasse"). Bref : le niveau du plancher, donc celui du lac de magma (qui est à peu près au même niveau que le plancher) s'est élevé de plusieurs dizaines de mètres!
Comparaison d'images prisent en 2016 et en décembre 2019. Images : OVG/Yougos Grego |
Mise à jour, 07 décembre, 16h57
Le photographe Olivier Grunewald, qui connait particulièrement bien le Nyiragongo, a accepté de me faire passer (et je l'en remercie encore très chaleureusement) une image qu'il a prise depuis la première terrasse, celle sur laquelle on se pose en descendant du sommet.
De là, il a photographié en 2015 la seconde terrasse et sur l'image qu'il m'a faite passer on retrouve les structures (un réseau de fractures en l'occurence) que l'on aperçoit aussi sur l'image de Yorgos Grego.
L'axe de la prise de vue est à peu près le même, mais Yorgos Grego est plus de 100 m au-dessus et il y a donc une différence d'angle. Malgré tout, la comparaison des deux images est saisissante et l'on se rend encore mieux compte du remplissage du fond du cratère : les coulées sont, à certains endroits (entourés de pointillés), déjà au niveau de la seconde terrasse : cette dernière pourrait être partiellement recouverte dans un délai court. Par ailleurs, les dimensions du spatter-cône peuvent être estimées: environ 60 m de hauteur et à peu près la même chose pour le diamètre à la base: très gros spatter-cone donc!
Le remplissage du cratère est saisissant. Images: Olivier Grunewald / Yorgos Grego |
Mise à jour, 09 décembre, 06h53
Bon, pas facile d'y voir clair quand à la chronologie de la réhausse de cette satanée plate-forme 3 qui, maintenant est à peur près de niveau avec la plate-forme 2 (peut-on alors encore parler de plate-forme 3 du coup?).
Je suis allé chercher quelques données satellites pour tenter de me faire une idée de cette évolution. Et contrairement à mon idée exposée plus haut (une évolution rapide, sur un temps cours) il semble au contraire que cette évolution se soit produite à la fois progressivement sur l'année et en partie rapidement.
Regardez donc le gif ci-dessous: il a été composé à partir d'image SENTINEL 1, qui émet et reçoit des ondes radar, qui ont l'inconvénient d'avoir une lisibilité complexe mais qui ont l'avantage de faire fi des nuages. À chaque fois que le satellite passe sur la zone, bêm! on a une image! Ça c'est bien!
Voilà ce que donne l'évolution de la plate-forme entre janvier te décembre 2019, accrochez-vous ça va relativement vite, et on voit la différence surtout à la fin, vous allez comprendre.
Remplissage du cratère du Nyiragongo (ou dite autrement : hausse de niveau de la plate-forme 3) entre janvier et décembre 2019. Images: SENTINEL 1 - ESA/Copernicus |
Le niveau de la plate-forme n'a pas varié de manière significative entre janvier et mars, mais il s'élève rapidement en mars-avril. Cela correspond (merci à F.Balland, lecteur du blog qui m'a rappelé ça) à une période où de spectaculaires débordements du lac de magma ont été observés : le phénomène a donc probablement joué à un rôle non négligeable dans les changements qu'on constate maintenant!
Ensuite le niveau de la plate-forme ne varie plus de manière significative entre mai et septembre, puis il y a de nouveau une hausse assez importante entre octobre et actuellement.
Deux phases principales de hausse du niveau, qui correspondent, en toute logique, à des phase de hausse du débit de magma qui alimente le lac et l'évent secondaire. Pour information, je mesuis aussi fait une séquence qui commence en janvier 2017: le remplissage est très progressif jusqu'au premier à-coup de mars-avril de cette année.
Pour se donner une idée de la variation de niveau depuis août, une petite vidéo sur laquelle vous verrez (si vous faites pause à la seconde 38) les fractures qui ont servi de repère sur la comparaison d'images plus haut.
Étant donné qu'entre fin août et aujourd'hui la différence de niveau est d'environ 20m, que le diamètre du cratère bordé par la plate-forme 2 est d'environ 550 m, le volume comblé dans ce laps de temps est de l'ordre de:
pi x 250² x 20 = ~ 4 millions de m3,
auxquels on peut retirer le volume du lac de magma qui vaut approximativement:
pi x 100² x 20 = ~ 0,6 millions de m3
Le volume comblé est donc de l'ordre de 3.4 millions de m3. Mais SENTINEL 1 semble dire que ce volume a surtout été comblé entre octobre et actuellement, soit 2 mois environ, disons 70 jours,
À condition que cela soit vrai, le débit moyen sur la période serait de l'ordre de 50 000 m3 par jour, donc environ 2000 m3/heure (l'équivalent d'une petite piscine olympique, dont le volume est de 2500 m3).
Bon ça reste surtout un calcul pour jouer parce qu'entre les estimations à la grosse louche (une marmite probablement même) du volume comblé et celle de la durée de la période... mais je pense que l'ordre de grandeur est là.
Le niveau de remplissage actuel est visiblement similaire à celui qui a été observé au milieu des années 90, et qui a perduré jusqu'à l'éruption latérale de 2002. Avant l'éruption latérale de 1977, le niveau était encore bien plus élevé puisque le remplissage était environ 150 m sous la lèvre sud-est (le point d'observation privilégié), soit le niveau de la plate-forme 1! Il reste donc de la marge avant d'arriver à un tel niveau de remplissage.
La question qui se pose est évidente : est-ce que la situation e ncours préfigure une prochaine éruption latérale? Réponse difficile, car les causes de ces ruptures latérales sont complexes. L'activité des failles qui constituent le rift, sur lesquelles l'édifice est construit et qui induisent des fragilités dans sa structures, peuvent jouer un rôle.
Sources: Merci à Shérine France pour le partage des images de Yorgos Grego; Olivier Grunewald
Merci pour ces diverses nouvelles, toutes aussi intéressantes les unes que les autres ! ;)
RépondreSupprimerL'autre question que je me pose pour le Nyiragongo, c'est ce à quoi correspond cet évent secondaire au niveau de la structure interne de l'édifice ? Elle semble pérenne, car elle se réactive assez fréquemment... D'ailleurs, se réactive t-elle à chaque épisode d'activité ou maintient-elle une activité de fond ? En juin 2016, on avait malheureusement pas observé d'activité sur l'évent mis à part un certain dégazage, ce qui pourrait indiquer que lors des "pauses", le niveau magmatique est simplement trop profond à l'intérieur du spatter pour le voir...
As-tu d'autres éléments qui permettraient d'en savoir plus ?
Bonjour Ludo et CV,
RépondreSupprimerPour ma part en janvier 2018 dégazage de l'évent et petite lueur rouge au sommet
Sauf que quand nous étions allés sur la crête du cratère vers l'ouest nous avons découvert une coulée importante qui se jetais dans le lac (non visible depuis l'endroit où sont les abris) donc de l'évent sortait une coulée en tunnel que l'on ne pouvait remarquer depuis le point de vue habituel