12 avril 2019

Plein de petites choses sur les volcans Shiveluch, Manam, Kadovar, Tengger-Bromo, Agung, Klyuchevskoy et Nyiragongo

Shiveluch, Russie, 3283 m

Rien de vraiment totalement surprenant ne s'est produit ces derniers temps, le dernier moment fort étant, à mon sens, la fin paroxysmale de l'éruption du Piton de la Fournaise, tout à fait étonnante, décrite dans le bulletin mensuel de l'Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise. Mais toutefois, si vous me suivez sur twitter, vous savez déjà que plusieurs choses ont eu lieu ces derniers jours, notamment au Shiveluch.
L'activité éruptive sur cet édifice n'a pas connu de véritable modification depuis le post précédent le concernant. Elle reste essentiellement extrusive, c'est-à-dire marquée par l'émission d'un magma de viscosité modérée-forte (composition encore non précisée mais ça tourne souvent autour de l'andésite) qui, en sortant, couvre la surface des dômes de lave des éruptions précédentes et forme lui-même un nouveau dôme. Des portions généralement de faible volume s'effondrent quasiment en permanence et forment des avalanches de blocs (émiettement de la surface du dôme).

Parfois (mais ça reste assez rare pour cette éruption visiblement) les portions sont assez volumineuses pour générer des écoulements pyroclastiques.

Plus rarement encore, des explosions assez violentes se produisent, attestant d'une mise en pression temporaire de la colonne de magma en cours d'ascension.

C'est ce qui s'est produit le 10 avril à partir de 03h15 TU du matin lorsqu'une puissante activité explosive, dont la phase principale à durée plus d'une demie-heure environ, a généré un puissant panache de cendres, qui a atteint l'altitude de 10 km, similaire en taille à celui du 09 mars dernier donc.

Le panache de cendres émerge au-dessus des nuages. Image: KB-GS-RAS
Un vent important soufflant en altitude sur cette partie du globe au même moment, le panache a été rapidement "pris en charge", emporté dans le flot atmosphérique en direction du sud. 3 heures plus tard, vers 06h15 TU donc, lorsque l'alimentation du panache cesse et que sa queue se détache du Shiveluch, sa tête, elle, est à environ 250 km au sud et commence à survoler l'océan Pacifique.
Les données du satellite Himawari 8 permettent de suivre toute la séquence.

Dispersion vers le sud du panache de cendres du 10 avril. Images: Himawari8

Le niveau d'alerte aviation a été maintenu à l'orange (souvent il passe temporairement au rouge dans ce type de situation) par le KVERT, et l'éruption suit son cours.

Sources: KVERT; KB-GS-RAS; Himawari 8


Klyuchevskoy, Russie, 4835 m

Depuis la très importante éruption mixte (effusive-explosive) d'avril-novembre 2016, l'activité sur l'édifice est restée basse et marquée essentiellement par plusieurs épisodes d'émissions de cendres entre décembre 2016 et juin 2018 (où un panache de cendres assez important avait été produit). Toutefois aucune de ces émissions n'a pu être caractérisée comme liée à une activité éruptive stricto sensu (émission de magma à la surface du globe) et elles ont pu être causées par des réajustements des conduits suite à l'éruption de 2016, ou a des phases de surpression liées à la progressive cristallisation de la colonne de magma par exemple*.

Toutefois plus aucune activité n'avait été observée sur l'édifice depuis lors, et le niveau d'alerte avait été abaissé au vert en septembre 2018.

Mais de faibles émissions de cendres ont repris ces derniers jours, obligeant le KVERT à élever le niveau d'alerte au jaune. Là encore il ne s'agit vraisemblablement pas, pour l'heure, d'une activité éruptive, car les émissions de cendres restent faibles et ne sont pas accompagnées de hautes températures. 

Faibles émissions de cendres. Image: KB/GS/RAS


Mais comme la cause de cette instabilité n'est pas encore connue il est difficile de savoir si ces émissions de cendres sont temporaires et "accidentelles" ou si elles sont le précurseur d'une futur activité plus intense, potentiellement éruptive.

La situation est à suivre, bien entendu: le système volcanique du Klyuchevskoy est de loin le plus actif du Kamchatka, la totalité du stratocône (4000m de haut environ) ayant été édifié en l'espace ....de 6000 à 7000 ans seulement environ**!!!

* lorsque les cristaux se forment le gaz n'y entre entre pas: il se concentre dans la partie liquide du magma, qui est mis en pression.

** soit un laps de temps équivalent à celui qui nous sépare de la dernière éruption en France Métropolitaine, à l'origine du maar dans lequel s'est installé le Lac Pavin.

Sources: KVERT/KB-GS-RAS

Tengger, cône Bromo, Indonésie, 2329 m

L'activité (dont je ne sais pas si elle est éruptive ou non) qui a débuté en mars se sont poursuivies jusqu'à, au moins, le 11 avril...en fait jusqu'à ce que la webcam soit hors ligne. Sur la période mars-avril ces émissions de cendres ont connu des variations, avec même un arrêt de quelques jours début avril. Mais une fois de retour, elles ont été assez soutenues, alimentant un joli panache de cendres, lui-même source de chutes de cendres relativement abondantes dans la caldera....Et en dehors aussi, comme l'atteste l'état de la vitre qui protège la webcam. Par ailleurs le grondement lié à l'échappement des gaz pressurisés a pu être entendu dans un rayon de 5 km.


Forte émission de cendres, dont une partie recouvre le caisson de protection de la webcam. Image: PVMBG
Cette activité a diverses conséquences. La première est la perte de rentabilité des récoltes pour les personnes qui vivent de la production de fruits et légumes et qui vivent dans les secteurs touchés par les chutes de cendres. Fin mars par exemple des résidents du village de Ngadirejo ont du récolter le celeri en avance car les chutes de cendres ont commencé à altérer les plants, faisant baisser leur prix de vente. À certains endroit le dépôt dépasse le 3 cm d'épaisseur, ce qui peut commencer aussi à constituer une menace pour les toitures les plus fragiles.

L'autre conséquence (moins importante) concerne le tourisme: l'activité éruptive attire les touristes, mais elle est accompagnée d'une restriction d'accès, logique pour des questions de sécurité. Ainsi il est interdit d'approcher à moins d'1 km de la lèvre du cratère. Cette pression (les touristes veulent approcher mais la sécurité impose de ne pas le faire) amène à des transgressions: deux touristes Australiens se sont fait attraper dans la caldera après qu'ils soient allés au Bromo sans avoir payé le droit d'accès et ont accédé au sommet malgré l'interdiction d'accès.

La situation est donc préoccupante pour diverses raisons, en particulier pour l'économie localie de production de plantes comestibles.

A suivre!

Sources: PVMBG; Liputan6


Agung, Indonésie, 3142 m

Ce système volcanique reste lui aussi dans un état d'instabilité qui justifie le maintient de l'alerte volcanique à 3 par le PVMBG, et les restrictions d'accès au sommet qui vont avec.
Depuis la mi-mars plusieurs explosions ont eu lieu, les 15 et 28 mars, 04 et 11 avril notamment, générant à chaque fois des panaches de cendres hauts de 2000 m environ.

Activité explosive sur l'Agung le 04 avril. Notez les reeobmés de blocs sur le haut versant de l'édifice et le développement du panache de cendres. Image: PGA de Rendang

Ces phases explosives sont accompagnées de grondements bien audibles à proximité de l'édifice et des lueurs ont été observées  en même temps, témoignant des très hautes températures du matériau projeté. Une partie des fragments peu parfois retomber sur les pentes externes du cône, hors du cratère, témoignant d'une certaine force des explosions. Des chutes de cendres se produisent aussi sur les villages alentours, pouvant provoquer une gêne, mais les conséquences restent très limitées du fait de la faible quantité de cendres émises.



Tout comme pour Klyuchevskoy plus, le mécanisme à l'origine de cette activité explosive très peu fréquente, un peu aléatoire et généralement modérée, se pose. Est-ce du à la cristallisation du magma qui forme la plomberie? Est-ce lié à une réalimentation par du magma plus frais et riche en gaz?
Est-ce la conséquence de réajustements des contraintes de l'édifice? Le fait de n'avoir que les images de l'activité explosive n'aide pas à y voir clair, mais quoi qu'il en soit les images prisent par SENTINEL 2 et SENTINEL 1 semblent indiquer que la morphologie de la galette de lave qui occupe maintenant le fond du cratère n'a pas changé depuis le début de l'année: si extrusion il y a eu, elle est de faible volume et difficile à distinguer depuis l'espace...ou alors il n'y a pas eu d'autres phase d'extrusion.

Pas de modification visible de la galette de lave entre janvier et début avril 2019. Images: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Sources: PVMBG; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; PGS de Rendang; Official Inews


Manam, Papouasie Nouvelle-Guinée, 1807 m


Depuis le pic d'activité repéré début mars, l'activité semble être restée stable: pas (encore) de nouveau pic. Toutefois il est clair que l'activité éruptive se poursuit (elle est permanente depuis au moins une quinzaine d'années) au sommet et reste soutenue,  même si elle est difficile à caractériser. Si l'on se base sur la manière dont les paroxysmes ont eu lieu, avec la présence d'imposantes fontaines de lave et des coulées, il est possible d'acter que le magma émis est plutôt fluide, et on peut alors imaginer une activité strombolienne ou quelque chose d'approchant. Toutefois les images satellites pourraient aussi indiquer autre chose.

En effet les données récoltées le 10 avril par SENTINEL 2 montrent la présence d'un très fort signal thermique dans le cratère sud (il y a deux cratères actifs au sommet). Ce signal est bien visible sur les bandes 11 et 12 du satellite, qui correspondent à des capteurs sensibles aux infrarouges dont les longueurs d'ondes sont situées respectivement vers 1613 et 2202 nanomètres (infrarouge proche). Mais il se trouve que la source rayonne aussi dans l'infrarouge de la bande 8 (835 nanomètres, donc le très très proche infrarouge)...et qu'elle se voit aussi dans la bande 4, qui correspond à la longueur d'onde 664 nanomètres, longueur d'onde de la couleur rouge visible.


La source d'un rayonnement intense vue dans différentes longueurs d'onde du rouge au proche infrarouge. Images: SENTINEL2-ESA/Copernicus


"Et donc?", me direz-vous?
Et donc, pour le dire autrement, cela signifie que la température de cette source est sufisemment élevée pour produire un rayonnement dans le visible (longueur d'onde rouge), ce que l'on appelle aussi "incandescence", ce qui est synonyme de "très très hautes températures". Et cela restreint les possibilités d'interprétation pour cette source.

En effet sa forme ronde, coincée au fond d'un cratère, la présence de rayonnements thermiques et de rayonnement visible ne laisse de place que pour peu de possibilités: cette source peut s'interpréter comme un lac de lave (lac de magma), c'est-à-dire le sommet de la colonne de magma qui produit l'éruption. Cette colonne de magma qui, pour l'heure, semble garder une certaine stabilité mais qui, parfois, devient plus instable (raisons à déterminer) et produit les paroxysmes.

Cette observation, dans l'idéal, devrait être confirmée (ou pas) par des observations directes. Mais l'accès est très complexe, le risque élevé, à moins d'envoyer un drône par beau temps. Cela a été tenté il y a quelques semaines mais le résultat me semble moins intéressant que prévu, car ce n'était pas un drône stable, plutôt un avion, moins stable et moins facile à diriger.

Quoi qu'il en soit ce système volcanique reste éruptif: le magma continue d'arriver en surface ou, en tout cas, affleure au fond du cratère sans se déverser, pour le moment, à l'extérieur. La situation ressemble à ce que l'on peut trouver au Villarica, au Masaya ou, parfois sur Heard Island par exemple.

Source: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Kadovar, Papouasie Nouvelle-Guinée,  365 m

Depuis la mise en évidence du dôme de lave le mois dernier, peu d'informations précises sont parvenues, mais une chose est sûre: l'activité éruptive se poursuit. Elle se marque par des émissions de cendres, parfois suffisamment importantes pour être détectées par le VAAC de Darwin. Certaines ont pu être observées par satellite, qu'il s'agit de SENTINEL 2 ou MODIS. Les données SENTINEL 2 permettent de voir par ailleurs que le dôme reste le siège de hautes températures, qui se manifestent sur les images comme une multitude de "tâches".


Sur l'image ci-dessus, ces "tâches" peuvent être interprétées de deux manières, et j'avoue ne pas pouvoir trancher avec celle seule source d'information:
- une explosion, responsable du panache de cendres observé, a projeté des blocs chauds aux alentours du dôme.
- les tâches sont des évents de dégazage à haute température sur le dôme, et l'émission de cendres est plus passive, pas vraiment une explosion mais plutôt un ash venting ou quelque chose d'approchant.

Quoi qu'il en soit, tou cela indique que l'activité reste assez soutenue.

Nyiragongo, République Démocratique du Congo, 3470 m

Bon, là c'est plus un coup de coeur qu'une vraie info, mais déjà ilsemble que l'activité reste actuellement soutenue. Le lac de magma principal continue de connnaitre des phases de débordement si l'on en crois les images partagées sur les réseaux sociaux.


Donc la situation est tout à fait similaire à celle décrite dans le post du 23 mars dernieret mon coup de coeur correpond surtout à une image satellite, prise le 03 avril par SENTINEL 2. Elle permet de voir non seulement le lac de magma principal mais aussi l'activité effusive (coulée de lave) sur l'évent secondaire.
C'est la première fois, dans ma mémoire, que je vois une image satellite en assez haute résolution, même en très proche infrarouge (bande 8), qui montre aussi clairement la scène. D'habitude soit les nuages soit le panache de gaz masquent tout.

L'activité éruptive du Nyiragongo vue par satellite comme très très rarement. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

On peut noter par exemple que les débordements ont eu lieu essentiellement vers le nord, l'ouest et le sud: la partie est où se trouve l'évent secondaire n'a pas été recouverte de lave fraiche.
En conséquence, l'épaisseur des coulées accumulées lors des différents débordement constitue maintenant un obstacle aux coulées de lave qui sont produites par l'évent secondaire.
On en voit clairement une arriver contre le champ de lave des débordements et dévier vers le nord en le longeant. 

Pour le  dire autrement: il semble qu'il ne soit plus possible pour le moment aux coulées de lave issues de l'évent secondaire de plonger dans le lac principal.

Source: SENTINEl 2-ESA/Copernicus; Instagram

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