20 avril 2019

Un point sur l'activité du volcan Bagana (Papouasie Nouvelle-Guinée)

Cela fait plusieurs mois que je n'ai pas donné de nouvelles de cet édifice, et c'est normal: il y a toujours très peu d'informations disponibles et seules les images satellites sont à même de fournir des indices, qu'il faut interpréter. Toutefois je n'ai pas cessé de rester à l'affût d'images (suffisamment) libres de nuages afin de pouvoir faire un point, que voici.
L'histoire dont j'avais fait par en juillet dernier se poursuit donc, et reste sur le même mode. On peut considérer qu'à l'échelle de cette histoire, quelques centaines d'années donc, cette activité éruptive est continue et essentiellement extrusive.

Les données du MIROVA, dont l'avantage est d'utiliser les données MODIS qui sont quotidiennes (bon taux d'échantillonnage donc) permettent d'identifier des moments où l'activité semble plus intense, avec en particulier un pic d'émission thermique en août, différencié de celui de juillet qui clôturait le post précédent.

L'activité thermique du Bagana entre mai 2018 et avril 2019. Image: MIROVA


Les données captées par SENTINEL 2 à ce moment-là montrent effectivement un signal fort malgré la couche de nuages.

Étendu en direction du nord-ouest, et sur une distance qu'on peut évaluer à au moins 1000 m dans une pente forte, ce signal se manifeste par une zone située à environ 400 m sous le sommet où il est très intense (la source), puis une une série de petites zones réparties sur une surface large d'environ 180 000 m² en contrebas de ce signal fort. Une petite comparaison d'images entre novembre 2015 (sans nuages pour se repérer) et le 21 août 2018 où ces signaux sont visibles.


L'interprétation n'est pas évidente en raison des nuages, bien entendu. Mais comme la situation semble persister quelques jours plus tard sur l'image du 26 août on peut déduire que la source intense sous le sommet était toujours active ce qui ne colle pas avec un phénomène très court comme une avalanche de blocs par exemple. Je serais tenté d'aller vers un front de coulée visqueuse qui alimente des avalanches, une coulée qui (à priori) descend du sommet, longue d'environ 400 m en août 2018 et dont l’effritement dans la forte pente forme un dépôt marqué par de multiples signaux thermiques faibles.
Cela reste une interprétation mais il est clair que je ne sais pas précisément si c'est la réalité.

La situation semble se calmer entre septembre et décembre mais attention, elle ne fait que "sembler": la couche de nuages est traître et absorbe efficacement les infrarouges! Et les nuages, c'est pas ce qui manque dans le climat équatorial qui baigne ce volcan! Les données du MIROVA, bien qu'alimentées quotidiennement, ne montrent pas de signaux thermiques quotidiens alors que l'activité est quasi-permanente: arrêtés nets par les molécules d'eau en suspension dans l’atmosphère, et il manque donc beaucoup de données.
Du coup, sans une des images SENTINEL faite le 25 octobre 2018, je n'aurais prêté aucune attention particulière au petit pic d'octobre qui ne se démarque qu'assez peu finalement. Or il est clair qu'à ce moment-là, l'activité est intense car un signal thermique étendu dans le même secteur parvient à traverser en partie la masse de nuages.

Signal thermique intense sur le versant nord-ouest fin octobre. Image: SENTINEL2-ESA/Copernicus
Il se trouve à environ 900-1000 m du sommet, mais il est clair que toute tentative d'interprétation est inutile.

Il est intéressant de constater qu'un autre pic d'émission thermique, assez fort, est présent en décembre. Assez fort déjà parce que, cette fois, il y a quelques jours avec une couverture nuageuse réduite, mais aussi pour une autre raison.

Parmi ces jours-là, je retiens volontiers celui du 14 décembre, date à laquelle le satellite passe sur une zone quasiment dénuée de nuages, ce qui permet de constater la présence d'une source de chaleur allongée sur plus de 1000 m de long et large de 150 à 200 m environ (au plus large). Cette source (déjà en partie visible le 09 décembre) est intéressante car elle démarre au sommet de l'édifice et la frange émet un rayonnement infrarouge plus fort que la surface, surtout dans sa moitié amont. Plus en aval cette source émet bien moins de rayonnement thermique et il faut vraiment regarder de près pour voir quelques points un peu chauds.

Cela peut coller assez bien avec une nouvelle coulée de lave visqueuse, où la surface se refroidit (rayonnement thermique moins important) et les franges s'éboulent fréquemment pendant la progression et mettent à l'air libre la roche en fusion (signal thermique plus fort).

Signal thermique allongé qui n'est pas sans rappeler une coulée de lave visqueuse, phénomène habituel pendant cette éruption qui a débuté il y a plus de 400 ans. Image: SENTINEL2 - ESA/Copernicus

Dans le détail, on peut noter qu'en contrebas de cette potentielle coulée de lave il y a des changements, en particulier de nouveaux dépôts qui se superposent en partie à de la végétation et à des dépôts plus anciens. On peut par ailleurs noter des impacts étendus à proximité sur la végétation, qui peuvent être en lien avec de la chaleur, peut-être quelques écoulements pyroclastiques ("nuées ardentes") en lien avec la mise en place de cette coulée visqueuse.

Ces différences sont bien visibles si l'on prend pour comparaison une image prise en avril 2018 et l'autre fin décembre (pas tellement d'images sans nuages sur le secteur intéressant entre les 2...).

Il semble donc que le second semestre 2018 ait été agité, avec la mise en place de nouveaux dépôts, dont la nature n'est pas claire mais il peut s'agir aussi bien de coulées de boue et d'écoulements pyroclastiques. Le tout associée à la mise en place de vraisemblablement une (octobre-décembre) mais peut-être deux (août) coulées de lave visqueuse. Toute cette activité a affecté clairement le quart nord-ouest de l'édifice.

Depuis début janvier l'activité semble être bien plus calme: la quasi absence de signaux thermique ne pouvant être attribuée à la seule présence de nuages sur une période de plusieurs mois bien entendu.

Source: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; MIROVA

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