22 août 2019

Un point sur l'activité des volcans Tangkubanparahu, Erta Ale, Karangetang et Nyamulagira

Tangkubanparahu, Indonésie, 2084 m

L'activité débutée fin juillet reste soutenue, sans pour autant être intense, et reste exclusivement explosive. Elle n'impacte qu'une zone très limitée, essentiellement le cratère et la zone du parking qui accueil les visiteurs lorsqu'il n'y a pas d'activité particulière. On peut toutefois noter des variations.
En effet, depuis le départ de la crise et jusqu'au 15 août on pouvait aisément constater grâce à la webcam que l'activité produisait un jet de cendres mélangées à une grande quantité d'eau. Le panache était blanc-noir, caractéristique de ce mélange. L'eau dans ce cas est essentiellement issue du système hydrothermal, elle-même essentiellement issue des infiltrations d'eau de pluie, même si de l'eau provenant d'une source magmatique est probablement présente aussi.
Voilà une des nombreuses images qui montre cet jet noir-blanc.

Un panache de cendres et d'eau, caractéristique de l’interaction directe (phréatomagmatisme) ou non (phréatisme) entre du magma et de l'eau. Image: PVMBG
Mais depuis peu il y a des phases au cour desquelles l'activité n'a plus le même aspect: des émissions de cendres grises se maintiennent mais il peut y avoir très peu d'eau, et un panache quasiment absent.
Il faut être méfiant quand à l'interprétation de ces image, car l'eau se condense plus ou moins, cela dépend de la température et de la pression atmosphérique et une même activité peu apparaitre différente visuellement si l'eau parvient ou non à se condenser. Il est donc difficile d'être sûr à partir des seules images webcams (données visuelles indirectes) que ce changement observé es bien un changement d'activité, et non pas une modification due aux propriétés de l'atmosphère.

Mais voilà plutôt à quoi ressemblait l'activité le 19 août: il y a toujours un peu d'eau en mélange avec les cendres, mais le panache n'a plus du tout le même aspect.


Une émission de cendres qui semble "sèche" au matin du 19 août. Image: PVMBG

Dans l'après-midi du 19 août on voit un peu plus d'eau dans le panache, mais le gris domine. Image:PVMBG

Et à d'autres moments, comme le 22 août par exemple, le panache est (ou semble) plus riche en eau.

Jet de cendres et d'eau (vapeur au point de sortie qui, se condense en liquide formant la partie blanche plus en hauteur). image: PVMBG

L'activité reste globalement faible en intensité mais le système volcanique reste manifestement très perturbé. Cela fait maintenant plusieurs semaines que cela dure et il semble peu cohérent que cette activité soit purement hydrothermale (= le système hydrothermal s'est déstabilisé seul): l'idée qu'il s'agit au minimum d'une activité phréatique (= c'est la mise en place d'un peu de magma qui provoque l'instabilité du système hydrothermal), voire phréatomagmatique (= non seulement le magma déstabilise le système hydrothermal, mais en plus on en retrouve des traces sous forme de cendres dans les dépôts) semble maintenant plus cohérente mais il faut une analyse des cendres pour que les choses soient claires, la seule observation visuelle est insuffisante.

Les variations que l'on peut observer à la webcam sont difficiles à interpréter:
- il peut s'agir soit d'un "assèchement" du système, temporaire ou pas, du système hydrothermal du fait que l'eau est évacuée dans l'atmosphère par l'activité, auquel cas moins d'eau  = panaches plus "secs"
- soit l'activité ne change pas et il y a toujours autant d'eau, mais ce sont les variations de température, d’hygrométrie et de pression de l'atmosphère qui permettent à l'eau de se condenser plus ou moins et de devenir plus ou moins visible.


Quoi qu'il en soit, pour l'heure aucun signe d'émission de chaleur importante n'a pu être détectée.

Pas de signal thermique produit par l'activité. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


La situation est évidemment à suivre de près.

Sources : PVMBG; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Erta Ale, Ethiopie, 613 m

L'activité éruptive se maintient et reste essentiellement localisée sur la fracture ouverte sur le flanc sud en janvier 2017. Mais le débit continue globalement de baisser et le champ de lave ne parvient plus à s'étendre jusqu'au delta formé au cours des deux dernières années. La lave continue de progresser sous forme de coulées, mais bien plus en amont, à seulement 2500 m environ du point d'émission.

Deux fronts de coulées encore actifs: l'éruption latérale débutée en janvier 2017 se poursuit mais continue de faiblir. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
On peut aussi noter que le signal thermique produit au niveau du Pit Crater Sud est un peu plus intense, mais il est difficile de savoir si c'est une émission temporairement ou non plus forte. Là il faudra un suivi sur plusieurs semaines pour voir si une tendance  se dessine ou pas. La séquence ci-dessous a été mise en ligne il ya peu, mais n'est pas datée: difficile d'être sûr qu'elle montre ce qu'il se passe actuellement au fond du Pit Crater Sud, mais en tout cas cela doit y ressembler.



Source: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Nyamulagira, République Démocratique du Congo, 3058 m

L'éruption effusive, et légèrement explosive avec du spattering sur deux spatter-cones, se poursuit. Le Pit Crater continue de se remplir progressivement de coulées de lave qui s'accumulent les unes sur les autres, et dores et déjà la tâche de poussière décrite dans le post précédent, liée à un effondrement d'un bout de paroi,  a disparu, ensevelie sous la masse ignée. On peut aussi noter que les parois restent instables puisqu'un nouvel effondrement, de moindre dimensions que celui du mois de juillet, s'est produit et son éventuel dépôt est lui-aussi englouti sous les coulées.



C'est une éruption qui reste modeste et enfermée dans un Pit Crater, mais ce n'est pas tant ce qu'elle est maintenant qui justifie son suivi, c'est la manière dont elle peut potentiellement évoluer. Car la structure même du Nyamulagira est fragile: traversé par d'importantes zones de fractures, la colonne de magma que l'on voit actuellement arriver à la surface de la Terre (= éruption volcanique) peut se purger par ces fractures, hors du Pit Crater, sur les pentes externes. Or dans ce cas de figure, les coulées de lave formées peuvent atteindre des secteurs habités, même si la densité de population reste faible: des zones de culture et de pâturage peuvent être détruits. Rien ne dit que cela se produira cette fois-ci, mais c'est loin d'être une possibilité improbable et chacune des éruptions au Nyamulagira est accompagnée de cette potentialité.

Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Karangetang, Indonésie, 1784 m

Pas de changement significatif de l'activité. Elle reste essentiellement extrusive (la lave émise est relativment visqueuse visiblement) depuis fin juillet avec l'émission de lave sur le Cratère Sud. Elle se fait à faible débit ce qui produit, sur le versant ouest, une courte coulée qui s'effitre abondamment dans la pente, donnant de multiples avalanches de blocs incandescents. Ces blocs ne roulent pas très loin, et restent sur le haut versant, formant des amas de blocs chauds.

Les très hautes températures qui règnent en permanence sur le Cratère Nord font poser la question d'une activité éruptive. C'est difficile à dire: on dirait plutôt que la masse de lave formée après le pic d'activité de novembre 2018- février 2019 stagne et reste chaude, probablement traversée par des gaz à très très haute température (incandescence visible à l'oeil nu).


Une image satellite permet d'avoir une image globale de la situation ainsi qu'une échelle.

L'activité éruptive vue depuis l'espace le 12 août dernier. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
Pour le moment cette activité demeure suffisamment faible pour ne poser aucun problème mais si elle vient à s'intensifier, les zones habitées ne sont pas très loins et certaines pourraient être exposées rapidement à divers phénomènes volcaniques.
Le plus simple à gérer étant l'allongement de la coulée de lave (comme en février 2019) car sa progression est lente.
Des écoulements pyroclastiques peuvent aussi se former, en particulier à partir de la coulée qui esst instable dans la pente: dans ce cas les habitations peuvent être impactées très rapidement car ces écoulements sont très mobiles et la distance à parcourir est faible.
Et bien entendu il reste la possibilité de chutes de cendres un peu partout sur l'île en cas de mise en place d'une activité explosive soutenue, mais les zones impactées varieront selon le sens du vent et de l'intensité des explosions en particulier.

Tant que la stabilité n'est pas revenue sur ce système volcanique, la situation mérite d'être suivie.

Sources : SENTINEL 2-ESA/Copernicus; Siau Journey via instagram

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