1 août 2019

Le point sur l'activité des volcans Nyamulagira (mis à jour), Nevado del Ruiz et Villarrica

Nyamulagira, République Démocratique du Congo, 3058 m

L'activité éruptive se maintient après la phase de purge décrite dans un post précédent. Elle reste faible, essentiellement effusive même si la présence d'une petite activité explosive (spattering) ne peut être exlue à priori: il est rare qu'un magma émerge du sol de manière totalement effusive, et il y a bien toujours quelques bulles de gaz qui viennent éclater à la surface. Mais il est clair que la composante explosive de cette éruption est tout à fait secondaire.
Cette activité continu de se dérouler dans le Pit Crater sommital, et l'évent actif (le point de sortie du magma) reste localisé au pied de la paroi nord-est.
Par contre les dernières images satellites montrent quelques détails intéressants.
Tout d'abord, le fait que l’éruption se poursuit, et cela se traduit par un re-remplissage progressif du Pit Crater. Grâce à la comparaison d'image plus bas vous pourrez apprécierez la variation de niveau des coulées accumulées entre début et fin juillet.

Toutefois ce n'est pas ce qui a attiré mon attention sur la dernière image satellite.

En effet, lorsque les coulées de lave remplissent le Pit Crater, elles forment une croûte noire de lave en cours de refroidissement. Et ces coulées s'empilent les unes par-dessus les autres, et au cours du temps on ne voit qu'une surface assez plane de roche noire sur les images.
Or sur celle qui a été fait le 27 juillet on constate la présence, en plein milieu de la plate-forme, d'un "îlot" de roche de teinte différente, apparaissant jaune sombre sur la composition que j'ai choisie, qui n'est pas en couleurs naturelles* mais intègre des infrarouges proches (à la place du rouge).
Et j'utilise le mot "îlot" parce que cette tâche est totalement entourée de coulées de lave noire, mais comment expliquer sa présence maintenant, alors que rien de similaire n'était apparu auparavant?


Plusieurs possibilités pourraient être envisagées mais un ensemble de détails apporte, me semble-t-il, une réponse tout à fait satisfaisante. En effet, lorsqu'on regarde attentivement l'image on peut voir que:

- la teinte de l'ilot est similaire à celle des parois du Pit Crater, suggérant le fait qu'il s'agit du même matériau...

- ..sauf sur le rebord sud du Pit Crater, où la teinte est beaucoup plus vive.

- l'îlot a une forme ovale dont le grand axe est dans le prolongement de la tâche plus claire sus décrite.

Tout cela semble indiquer qu'un effondrement de paroi du Pit Crater s'est produit au cours du mois de juillet, à un moment indéterminé mais postérieur au 14 juillet puisqu’il n'existe pas sur l'image satellite prise à cette date par LANDSAT 8. Suite à cet effondrement, et parce que des coulées de lave continuent d'être produites, une partie des coulées est parvenue à encercler le dépôt, lui donnant l'aspect d'un ilot.




Et cette zone semble être fragile de manière récurrente depuis le début de la phase de purge du Pit Crater car à bien y regarder on voit nettement une petite tâche plus claire à cet endroit sur des images plus anciennes, notamment celle du 22 juin (voir ce post) ce qui pourrait s'interpréter comme de petits éboulements de temps à autres.
On peut donc aussi supposer que cet éboulement (ou cette série d'éboulements) est une conséquence de la purge, un peu à la manière de ce qu'il se passe dans les vallées glaciaires pendant et après le retrait des glaciers. Le remplissage du Pit Crater par les coulées a exercé sur les parois un pression importante, en fragilisant certaines parties, et le retrait rapide de cette masse de lave a libéré rapidement cette pression qui a permis aux zones fragilisées de se décrocher.

Cet îlot ne tardera pas à disparaitre sous les coulées si elles continuent à être produites.


* longueur d'onde bleue sur le canal bleu, longueur d'onde rouge sur la canal rouge et longueur d'onde verte sur le canal vert

* leurs caractéristiques optiques, due à leur texture, à la présence de dépôts, de minéraux produits par l'altération, font qu'il absorbent et renvoient différemment les longueurs d'onde (= les couleurs). Bref: leur couleur change par rapport à une lave fraîche!

Mise à jour, 02 août, 12h45

Shérine France, que je remercie, à dégotté sur facebook des images récentes faites au Nyamulagira par Sergio Maguna: elles montrent bien la cicatrice de l'effondrement et la tâche colorée, mais je m'interroge sur un détail qui m'oblige à corriger, préciser, ce que j'ai rédigé plus haut, car si mon hypothèse d'effondrement s'avère juste, ma description de l'image satellite elle, ne l'est pas tout à fait.

Dans mon histoire d'effondrement et de dépôt associé, un détail me posait problème. Un truc tout bête vous voyez: dans un effondrement de paroi sèche (pas boueux), les morceaux s'accumulent pour l'essentiel au pied de la paroi: l'épaisseur du dépôt est important au pied de la paroi, puis diminue rapidement avec la distance, formant un talus dont la pente est forte.
Or si le dépôt est épais au pied de la paroi, comment les coulées ont-elle pu passer justement au pied de la paroi? Pourquoi n'ont-elle pas d'abord recouvert le lobe, sensé être moins épais, plus facile à recouvrir?


Les images ci-dessous donnent la réponse à cette question et mettent en lumière la situation.


Vue générale du Pit Crater sommital du Nyamulagira. Image: Sergio Maguna

Vue cadrée sur la zone d'effondrement récente. Image: Sergio Maguna


On voit distinctement la cicatrice colorée laissée dans la paroi par l'effondrement et, au pied de la paroi, l'amoncellement de fragments issus de cet effondrement. On voit aussi les coulées de lave récentes, dont la surface lisse est de type "pahoehoe", et la tâche colorée. Or si l'on regarde bien la surface de cette tâche, elle est aussi lisse que les coulées pahoehoe, et non pas chaotique comme elle devrait l'être si elle était faite des fragments étalés de l'effondrement.

Il faut en conclure que cette tâche est faite de coulées pahoehoe, mais pourquoi elle-elle teintée alors?
Tout simplement parce que l'effondrement à produit un nuage de particules rougeâtres qui  s'est étalé sur le fond du cratère, empoussiérant les coulées pahoehoe récentes. Par la suite, les coulées de lave continuant d'êtres produites,  une partie d'entre elles a envahie les zones en creux, qui visiblement longent la paroi (ce qui indique que la partie centrale du plancher du Pit Crater, où se localise l'îlot, est surélevé, ce qui est intéressant). Et la majeure partie du dépôt de l’effondrement est bien situé au pied de la paroi, et ne s'est pas étalé en lobe, comme je l'avais supposé d'abord.

Bon, je peux toujours me dire que la couche de poussière fait aussi partie du dépôt et que, finalement, l'hypothèse de départ n'était pas si mauvaise, mais en toute honnêteté j'imaginai que le lobe était fait de fragments plus gros.




Source: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Sergio Maguna, via Favcebook et Shérine France

Nevado del Ruiz, Colombie, 5321 m

Depuis plusieurs jours maintenant les volcanologues du Service Géologique de Colombie (SGC) enregistrent des phases de trémor et ont pu constater la formation de panaches de cendres. Cette activité, que je ne préfère pas qualifier d'éruptive pour le moment puisqu'on ne connait pas la composition des cendres ("éruptive" si tout ou partie des cendres est faite de lave neuve) est modeste: peu de cendres, rapidement dispersées.

Une des nombreuses petites émissions de cendres détectées ces derniers jours. Image: SGC
Cette phase semble avoir débuté autour du 24 juillet.

Source: SGC

Villarrica, Chili, 2847 m


Le POVI signal que depuis plusieurs jours l'activité au Villarrica est en légère hausse, avec des quelques explosions stromboliennes assez fortes qui projettent lappilis et bombes jusqu’à une hauteur de 200 m environ.

Belle projection de bombe à une hauteur d'environ 200m, observée par une caméra thermique du POVI le 24 juillet dernier. Image: POVI
D'autres épisodes (parfois très courts) d'activité strombolienne un peu plus élevée que l'habituelle ont eu lieu cette année, en mai par exemple, et souvent ils s'inscrivent dans des variations "cycliques"* de l'activité. Certaines phases sont relativement soutenues et les projections retombent alors hors du cratère, et impactent la lèvre (où les touristes grimpent en été austral). Les volcanologues en retrouvent parfois à plusieurs centaines de mètres en contrebas.
La dernière phase paroxysmale sur cet édifice a eu lieu en mars 2015, et fut spectaculaire, comme à chaque fois!

La situation est à suivre, évidemment (au cas où).

* j'aime pas le terme, qui sous-entend une régularité alors que ce n'est pas le cas, c'est pour ça que je met les guillemets

Source: POVI

2 commentaires:

  1. Je trouve en ce moment qu'on ne s'ennuie pas avec toutes ces activités volcaniques :)

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    1. Bonjour. Il se passe toujours quelques chose quelques part, mais c'est vrai que ces derniers jours, c'est pas mal! :)
      CV

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