15 décembre 2018

Le point sur l'activité des volcans Nyamulagira, Veniaminof et Planchon-Peteroa (Mis à jour)

Planchon-Peteroa, Chili-Argentine, 3977 m

Ce système volcanique connait, depuis début 2016, une instabilité chronique de son système hydrothermal, que les volcanologues Chiliens interprètent comme le résultat de la présence d'une masse de magma qui se serait un peu approchée de la surface. C'est à cette époque-là que le niveau d'alerte a été passé au jaune, et n'a pas été revu à la baisse depuis.
Depuis plusieurs semaines maintenant, et pour tenter d'être peut-être un peu plus précis depuis début octobre, cette activité qui était jusqu'alors essentiellement interne (sismicité anormale) a commencé à se manifester à l'extérieur de l'édifice. Je parle ici des (à priori) premières émissions de cendres de cette crise. Elles ont été faibles, rares et très discrètes au cours du mois d'octobre, mais un cap semble avoir été franchi début novembre avec une émission de cendres assez soutenue pour qu'elle créé un mini-buzz sur les réseaux sociaux.

Et bien que des volcanologues aient décrit alors une éruption dans leur communication sur les réseaux sociaux, il me semble pour ma part que le mot n'était pas (et n'est toujours pas) adapté. Le mot "éruption" décrit par définition du magma qui sort, or rien ne dit que du magma neuf était présent dans les émissions de cendres. L'activité était volcanique, oui, mais pas éruptive stricto sensu, probablement phréatique* en l'occurence (si l'on part de l'idée que toute la crise repose sur la mise en place d'une masse de magma), comme l'activité de 2011-2011**. D'autres émissions de cendres, pas très fortes ont eu lieu depuis lors, dont une (la plus intense de cette crise pour le moment), le 14 décembre à 9h57 (heure locale; TU -3)). 



Cette activité volcanique non-éruptive (à priori, et pour le moment) est couplée à une très très faible émission de chaleur, parfois (rarement même) détectée depuis le mois d'octobre par le MIROVA notamment. Ces zones de chaleur sont compatibles avec la position des zones d'où le gaz à haute température s'échappe.

Bref: pour l'heure la situation n'est pas critique mais reste très sérieusement surveillé. Bien qu'aucune activité éruptive n'ait débuté, il est clair que le système volcanique du Planchon-Peteroa est instable, et encore plus depuis le mois d'octobre 2018 qu'au cours des 2 années précédentes. L'activité reste malgré tout assez faible pour justifier le maintient du niveau d'alerte volcanique à 2 (jaune) par le SERNAGEOMIN.

* le phréatisme n'est pas une activité éruptive au sens strict puisqu'il n'y a pas de magma émis....
** totalement phréatique (dépôts étudiés) mais malgré tout décrite comme "éruptive", à l'encontre même de ce qu'est une éruption, donc...Ne cherchez pas:la volcanologie est pleine de contradictions! Et c'est pas la seule science dans ce cas je pense.

Mise à jour, 16 décembre, 11h46

Dans la première partie de ce post j'ai fait la distinction entre l'activité éruptive strico sensu (mot fabriqué et employé pour décrire le magma qui arrive à la surface du globe) et l'activité phréatique, non éruptive, qui peut générer des cendres, mais constituées alors de roches généralement anciennes et altérées.
Il n'est pas impossible, bien que pour l'heure rien ne soit sûr et que les détails manquent, que l'activité phréatique puisse avoir laissé la place à une activité éruptive. Attention: ce n'est qu'une possibilité, mais voilà le détail qui me pousse à faire cette mise à jour et si cela devait s'avérer juste, il faudrait probablement la caractériser comme "phréatomagmatique" (cendres = particules de roches anciennes + particule de magma neuf)  plutôt que purement magmatique (cendres = 100% de particules faites de magma neuf

En regardant les images prisent cette nuit par les différentes webcams qui pointent sur l'édifice, j'ai pu constater à plusieurs reprises (mais pas fréquemment) la présence de lueurs. Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer dans d'autres posts par le passé (récemment avec le post sur Lascar) que ces lueurs sont des infrarouges (chaleur, lumière non visible). Ils sont captés par la webcam, qui les transcrits en pixels blancs sur l'image. Il ne s'agit pas d'incandescence (lumière visible) mais bel et bien du signe que parmi l'ensemble de ce qui est éjecté, une partie est plutôt à haute température.

Mais attention à l'interprétation: un système hydrothermal peut être à très haute température, et celui-ci d'autant plus qu'il semble avoir reçu des calories supplémentaires depuis début 2016 via la mise en place d'une masse de magma (dont les caractéristiques restent indéterminées pour le moment). Ces hautes température ne sont donc pas la preuve que du magma est émis, et que l'activité est devenue éruptive. Au mieux, et c'est l'objet de cette mise à jour, peut-on avoir en tête que c'est une possibilité, et que la situation mérite d'êtres suivies de près.

L'émission de cendres se poursuit aujourd'hui et continue d'alimenter un panache qui ne pose pas de problèmes particuliers (pas assez important, populations relativement éloignées).

Sources: SERNAGEOMIN; MIROVA; Diario Uno San Rafael

Nyamulagira, République Démocratique du Congo, 3058 m


L'activité éruptive qui a débuté au mois d'avril se poursuit. J'avais fait passer via Twitter au début du mois d'octobre une photo de l'activité, qui permettait d'avoir quelques détails et compléter les observation forcément partielles des données satellites.
On y voyait le Pit Crater bien rempli par l'accumulation des coulées de lave, ainsi que des saptter-cône et même un petit lac de lave.


La situation dans le Pit Crater du Nyamulagira début octobre 2018. Image: MONUSCO-OVG
Cette situation a forcément évolué depuis (évents actifs à des endroits différents par exemple) même si on peut supposer, au vue des données satellites, qu'elle est restée du même calibre et est globalement similaire.

À noter tout de même que cette éruption a hoqueté au cours de la seconde quinzaine du mois de novembre (signalé via twitter là encore): plus d'activité en cours le 24 novembre en particulier. Sur l'image ci-dessous (gauche), on voit les coulées récentes et les évents encore chauds mais sans émission de lave. Quelques jours plus tard (à droite, 29 novembre) l'activité éruptive était repartie de plus belle.



Depuis lors il semble que cette éruption ne se soit pas arrêtée mais seules les données satellites, indirectes, permettent de le savoir, sans donner accès aux détails essentiels. Un tout de même: l'évent le plus actif, source de la plus grosse émission de chaleur, se trouve maintenant près de la bordure sud du Pit Crater, alors qu'il s'était déplacé vers la bordure nord entre juin et septembre.

Sources: MONUSCO - OVG; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Veniaminof, États-Unis, 2507 m

Là encore l'activité éruptive, plutôt stable dans l'ensemble si l'on excepte le court épisode d'intense émission de cendres fin novembre, a connu des hauts et des bas ces derniers jours (elle a hoqueté pour reprendre un vocabulaire pas scientifique pour un rond). Les coulées de lave ont en effet été alimentées sans perte importante de débit peut-être jusqu'au 6 décembre, moment où l'Alaska Volcano Observatory (AVO) a enregistré une instabilité de la sismicité, qui s'est mise à augmenter puis diminuer puis augmenter. Quelques jours plus tard, le 10 décembre, les coulées n'étaient visiblement plus alimentées (info faite passer par twitter).



L'AVO a maintenu l'alerte au même niveau (Orange/Watch) et bien lui en a pris puisque la sismicité est repartie à la hausse le 13 décembre, et le MIROVA a recommencé à détecter une très forte émissions infrarouge. La présence de nouvelles coulées de lave n'est pas avérée mais les données permettent de supposer leur exister. Il faudra attendre des images satellites pour le savoir à coup sûr mais dores et déjà les images de la webcam installée à Perryville (~35 km de distance de l'évent actif) montrent une forte activité de fontaine de lave, très intense.et à elle seule susceptible d'expliquer les fortes émissions infrarouge.

Fontaine de lave observée depuis Perryville. Image: FAA

Sources: SENTINEL2-ESA/Copernicus; FAA; AVO/USGS

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire