3 août 2025

Activité plutôt soutenue aux volcans Kirishima, Langila et Krasheninnikov (mis à jour x3)

Krasheninnikov, Russie, 1816 m (mis à jour x3)

C'est la surprise de ce début du mois d'août : après une quiescence de 475 ans, la dernière éruption remontant à l'an 1550 (environ), ce système volcanique a manifesté une activité le 02 août 2025 à partir de 17h30 TU environ (soit le 03 août à 05h30 heure locale). Peu de détails sont disponibles pour l'heure mais l'essentiel peut être résumé comme suit : forte émission de cendres.

Mais une fois qu'on a dit ça, reste à caractériser plus en détail cette activité. Tout d'abord les données satellites ont permis de suivre l'évolution du panache de cendres. Il émerge sur les données à 17h30 TU environ et se disperse rapidement vers l'est. L'altitude maximale atteinte par ce panache a été évaluée par le VAAC de Tokyo à 6000m environ. La hauteur du panache est donc d'environ 4000m puisqu'il est produit par un évent situé vers 1600 m d'altitude, dans le cratère sommital du stratocône nord (le plus récent, édifié au cours des 6500 dernières années et qui ne porte pas le point culminant du massif, situé sur le statocône sud). 


 

Des images aériennes ont été réalisées le 03 août. Elles montrent, outre la localisation de l'évent, un panache d'une teinte très claire indiquant qu'il est relativement peu chargé en particules solides. Ceci explique bien sa rapide dispersion et l'on peut dire que l’émission de cendres est forte sans être d'une exceptionnelle intensité. Une question doit aussi rester en tête : quelle est la composition des cendres de ce panache? Pour l'heure impossible à dire, mais la teinte du panache pourrait suggérer qu'il s'agit de particules de magma juvénile (pour de la roche altérée et réduite en poudre par le dégazage il n'est pas rare que la couleur tire vers le brun), mais ce n'est pas une approche très discriminante (ni vraiment sérieuse pour tout dire) et seule une analyse, à minima visuelle (déjà à la bino si la cendres est pas trop fine), et idéalement géochimique peut amener des éléments de réponse.

 

Le panache de cendres le 03 août 2025. En arrière plan le volcan Kikhpinych. Image : Artem Sheldovitsky

La question concernant le type de cendres est fondamentale car si elles sont composées, même en partie seulement, de magma juvénile alors on peux caractériser cette séquence en employant le terme "éruption". Par contre si les cendres sont composées de roches anciennes et altérées alors on part plutôt soit sur une activité phréatique soit sur une activité hydrothermale intense.

Sous cette discrimination "processus directement magmatique VS processus indirectement magmatique" qui peux paraitre anecdotique se cache une autre question : y a-t-il un lien avec le puissant séisme de magnitude 8.8 du 30 juillet, dont l'épicentre n'était qu'à environ 300 km au sud? Il est évident que cette question se pose mais, toutefois, on ne peux exclure qu'il s'agisse d'une coïncidence. Il serait en effet plus aisé d'imaginer que la secousse puisse être à l'origine d'une instabilité temporaire d'un système hydrothermal (et puisse donc être à l’origine d'un processus non directement magmatique), les liens entre forte secousse sismique et éruption étant moins fréquents.

Ces questions-là restent ouvertes et j'ai hâte de voir si des chercheurs pourront nous apporter des éclairages.

 

mise à jour 1;  07/08; 06h01

Des images prises, soit le 03 soit le 04 août, par Natalia Akbirova montrent qu'outre l'évent principal dans le cratère nord, source principal du panache de cendres au début de l'activité, deux autres évents avec une activité nettement plus modeste et formant un parfait alignement avec l'évent principal, étaient aussi actif dans la pente du versant nord. De l'évent le plus amont ne s'échappait que du gaz tandis que que de l'évent aval, plus actif, pouvait s'échapper un peu de cendres mais, pour autant que les images permettent de le voir, pas d'émission de lave sous forme de coulée ou de dôme au moment des prises de vue sur ce secteur.

Panache de gaz depuis un évent localisé assez bas sur le versant nord du stratovolcan. Image : Natalia Akbirova

Émission de cendres depuis l'évent aval de la fracture mise en place sur le versant nord. Image : Natalia Akbirova.

 

Par ailleurs les données du MODVOLC (MIROVA n'ayant pas encore le Krasheninnikov dans sa base de données) montrent la présence de signaux thermiques les 02-03-04 et 05 août. Leur localisation les situe dans le cratère (secteur de l'évent principal) le 02/08 puis dans le secteur du versant nord (évents secondaires) les autres jours. Ces signaux thermiques, assez forts pour être prise en compte par l'algorithme MODVOLC, suggèrent que cette activité volcanique a bien été une éruption, c'est à dire une émission de magma à la surface de la Terre, et pas seulement une activité phréatique, voire hydrothermale, intense. Toutefois, pour le moment, impossible de dire si ces hautes températures sont liées au panache ou si il y a eu formation de coulées de lave ou de dômes de lave.

Signaux thermiques regroupés sur le versant nord de l'édifice le 05/08. Image : MODVOLC/HIGP

 

Mise à jour 2; 07/08/2025 ; 21h20

Les données SENTINEL 2 du 06/08 suggèrent qu'une coulée de lave se met en place depuis le versant nord, probablement depuis la fracture éruptive photographiée par Natalia Akbirova. Si l'interprétation du signal thermique détecté est effectivement celle d'une coulée alors elle mesurait hier environ 1400m de long et se déplaçait en direction du nord-nord-ouest. Le secteur étant couvert de nuages depuis le début de cette séquence éruptive j'ai placé l'image SENTINEL 2, où le signal thermique parvient à passer partiellement les nuages, sur une image SENTINEL 1 (radar) pour la topographie.  On a donc, quoi qu'il arrive, la confirmation que ce qui a débuté le 02/08 est bien une activité éruptive car aucune processus hydrothermal ou phréatique n'est à même de produit un tel signal thermique.

Probable coulée de lave sur le versant nord du Krasheninnikov. Image : SENTINEL1&2 - ESA/Copernicus

 

 Mise à jour 3 ; 09/08 17h12

De nouvelles données satellites acquises par SENTINEL 2 permettent de confirmer la présence d'une activité éruptive. Elle se manifeste par la mise en place de deux volumineuses coulées de lave qui émergent d'une fracture éruptive longue de 1000 m, orientée à peu près nord-sud qui tranche littéralement en 2 le cratère sommitale, depuis le versant sud jusqu'aux évent nord photographiés par Natalia Akbirova.

La moins active, probablement produite en premier, est longue de 2500m environ et son front large de 500m environ. La seconde , qui déborde du cratère sommital sur le versant est, est plus difficile à décrire parce que des nuages masquent la scène. Mais elle clairement plus alimentée que la première. SA relation avec la fracture éruptive est moins claire et il faudra attendre des images plus dégagées pour espérer mieux comprendre ce qu'il se passe concrètement. 

Mise en place de deux coulées de lave très importantes. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

On peux noter que la coulée est franchit successivement deux rebords, celui du cratère du cône sommital et le rebord d'un cratère plus ancien, qui est presque totalement remplit par le cône sommital (un jeu de poupées Russes en quelque sorte). Cela se voit parfaitement grâce aux émissions d'infrarouges thermiques qui sont plus fortes au niveau de ces ruptures de pentes, qui provoquent une augmentation de la vitesse de la coulée, ce qui déchire la carapace de surface qui est déjà un peu refroidie et permet au cœur de la coulée, plus chaud, d'affleurer à nouveau.

Les rebords des deux cratères, actuel et plus ancien, constituent des ruptures de pente au niveau desquelles la coulée de lave est accélère ce qui déchire sa surface en cours de refroidissement et met le cœur de la coulée, plus chaud, à l'affleurement, d'où un rayonnement thermique localement plus intense. Image :SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Sources : Himawari 8; VAAC de Tokyo;  Artem Sheldovitsky; Natalia Akbirova; MODVOLC/HIGP; SENTINEL 1&2-ESA/Copernicus

 

Langila, Papouasie Nouvelle-Guinée, 1330 m 

 

Ce rapide post sert de suite à celui du mois de mars 2025, dans lequel je décrivais des modifications de l'activité qui faisaient penser à celles observées en 2016-2017. L'activité sur ce système volcanique a encore évolué récemment avec, comme en 2016-2017, la mise en place d'une coulée de lave depuis l'évent éruptif ouest (le "cratère 3") depuis une date située autour du 29/07. Pour le moment elle est courte et alimentée à faible débit puisqu'au 31/07 elle ne mesurait qu'environ 260 m et se dirigeait vers l'ouest, tout comme en 2016-2017. Elle semble être produite par un débordement de magma au niveau du cratère 3, ce qui suggère qu'il y a, dans ce cratère, un petit lac de magma.

Courte coulée de lave depuis le "cratère 3", à gauche. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Notez que l'intensité globale de cette activité éruptive reste faible.

 

Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Kirishima, Japon, 1700m

Je suis totalement  passé à côté de ça, alors que je suis sûr que d'autres l'ont déjà décrit : une activité éruptive, plutôt soutenue, a eu lieu depuis le cratère Shinmoedake fin juin et début juillet. La zone a été souvent chargée à cette période et les images satellites sont bien nuageuses.  Toutefois on voit clairement des cendres se disperser en direction de l'ouest et du sud-ouest sur les images des 29/06 et, de manière encore plus soutenues, du 04/07.

 

Émission soutenue de cendres depuis le cratère Shinmoedake, le 04/07/2025. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Des alertes avaient été émises au cours du mois de juin, accompagnées des restrictions d'accès habituels, suite à des modifications dans la mesure des émissions de So2 (non détecté le 15 mai et 4000tonnes/jour relevés le 23 juin), de la sismicité et des déformations mesurées. Cette activité est restée globalement à une intensité globalement modérée et les faibles signaux thermique détectés (aucune émission thermique sur l'image satellite du 06/07) permettent de suggérer qu'il n'y a pas eu de coulées ni de dôme produit. Toutefois cela reste encore à préciser car les nuages, souvent présents, absorbent les rayonnements thermiques et empêchent aussi les observations directes.

Un dépôt clair; long de 475 m pars du rebord nord-est du cratère Shinmoedake et s'étire sur le versant nord-est : il ressemble (à priori) à un petit dépôt d'écoulement pyroclastique de faible ampleur mais c'est difficile à dire et la photo ci-dessous, extraite d'un rapport du JMA, n'aide pas à l'interprétation. D'ailleurs le rapport ne mentionne qu'un dépôt de cendres, en précisant qu'il est à une température plus élevée que le terrain alentours, sans évoquer un quelconque mécanisme de mise en place de ce dépôt.

 

Dépôt de cendres clair sur le versant nord-est. Image: JMA
 

Il semble que cette phase d'activité ne soit pas complètement terminée puisque le VAAC de Tokyo continue de relever la présence de petites émissions de cendres, que semblent montrer les images webcams.

Petite émission de gaz et cendres au soir du 03 août 2025. Image : JMA

 

 Sources : JMA; VAAC de Tokyo; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

 

2 commentaires:

  1. Merci à vous pour tous ces détails ! Très heureux de vous voir reprendre du service !

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  2. Bonjour, et merci à vous pour ce commentaire! Je n'ai malheureusement pas le temps, à cause de mon travail actuel en grande partie, d'être aussi "productif" qu'auparavant mais je ne lâche pas le fil des événements, que je suis toujours de très près :). Bonne journée à vous en tout cas!

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