16 octobre 2022

Point d'actualité : volcans Stromboli, Piton de la Fournaise, Home Reef, Tinakula, Erebus, Nishinoshima, Kadovar

 Et bien il s'en passe des choses en ce moment, et de tout : du spectaculaire comme du discret! Je fait donc un post pour faire surtout un point sur l'essentiel des activités éruptives qui ont marqué ces dernières semaines... qu'elles aient été impressionnantes ou non. Et on commence par...

Stromboli, Italie, 924 m

Évidemment : c'est la situation éruptive qui a clairement marqué l'actualité ces derniers temps.Bon l'activité commentait à devenir globalement un peu plus intense que la normale après la mi-septembre avec, en particulier la survenue de quelques explosions fortes au niveau du Cône Nord-Est (29 septembre par exemple)  et des courtes phases d'effusion (4 octobre par exemple) toujours à partir du Cône Nord-Est. C'est d'ailleurs à partir du 04 octobre que l'activité commence à être décrite comme "élevée" par le LGS (Laboratorio Geofisica Sperimentale).

C'est le 09 octobre, autour de 07h20 (TU +2) que la situation devient plus impressionnante avec le percement d'un dyke (filon magmatique) sur le haut versant nord-ouest du Cône Sud-Est . La conséquence immédiate et la destruction d'une partie de ce cône, déstabilisé par cette intrusion. Déstabilisation qui se traduit par la mise en place d'un important écoulement pyroclastique, composé des fragments de cône et probablement de fragments de magma neuf, qui descend rapidement à la mer et, une fois arrivé en mer, a poursuivit sa course sur l'eau sur environ 450-500 m. Cette arrivée massive de roche peut être une des causes d'un petit tsunami (amplitude 2 cm environ).

L'écoulement pyroclastique dans la Sciara del Fuoco peu après le percement du dyke. Image : INGV

 
L'écoulement pyroclastique dans la Sciara del Fuoco peu après qu'il soit arrivé en mer (le front de l'écoulement est déjà dispersé dans l'eau). Image : LGS


Simultanément le magma fluide s'écoule dans la pente et une coulée arrive en mer vers 09h15 (TU +2). 

Cet ensemble d'événements va produire des modifications importantes:

- de la morphologie du Cône Nord-Est à cause de l’effondrement (comme ce qui s'était passé en juillet dernier)

Une partie du Cône Nord-Est éventrée, source du premier écoulement pyroclastique . Images : LGS

 

- du tracé de côte avec la formation d'une petite "baie" à l'endroit où l'écoulement pyroclastique est arrivé et d'un delta là où la coulée est arrivée.

Tracé de côte modifié. Image : LGS

La baie est due au fait que l'écoulement pyroclastique, qui devait être relativement dense (chargé en particule) à pu déstabiliser l'accumulation de dépôts, qui sont récents, produit les cendres et blocs qui arrivent de l'activité explosive sommitale. "Récents" induisant qu'il en sont pas stables, non soudés : le passage de l'écoulement les a déstabilisé ce qui a pu être aussi une autre cause de la production du tsunami (pour le moment on ne sait pas si une portion sous-marine de la Sciara a, ou non, été déstabilisée). C'est peu après ces événements qu'une image satellite permet de voir la scène dans globalité.


Image satellite qui montre l'intense rayonnement thermique, passant à travers le panache de gaz et cendres produit par l'eau évaporé au contact de la coulée. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

C'est à partir de la petite baie qu'une érosion régressive très intense se met en place et commence à produire une ravine très marquée qui, rapidement, va canaliser la coulée de lave et remonter jusqu'à la zone sommitale. Cette érosion est probablement dûe non seulement au fait que les dépôts sont instables (instabilité intrinsèque du à leur faible cohésion) mais aussi parce que la coulée de lave frotte sur leur surface et accentue leur déstabilisation.

Changement spectaculaire de la morphologie de la Sciara del Fuoco avec l'ouverture d'une imposante ravine (sur l'image de gauche la coulée est la langue noire dans la ravine). Images :s INGV & Giuseppe Tonzuso

 

 

 

À partir de là la situation va mettre du temps à se stabiliser puisqu’il y aura des écoulements pyroclastiques assez fréquents (mais avec une fréquence de moins en moins importante)  jusqu'au 12 octobre. Ces écoulements ont une origine complexe : à la fois l'instabilité des dépôts, la coulée qui, elle aussi, est instable puisque, descendant la Sciara del Fuoco, elle cascade littéralement dans la ravine et en accentue donc l'instabilité. Nul doute que les dépôts de ces écoulements sont un joyeux mélange de fragments anciens (les dépôts) et récents (la coulée).

Pendant toute cette phase l'activité explosive sommitale s'est poursuivie avec, au niveau du point d'émission de la coulée, du spattering soutenu, qui continue actuellement.

L'activité reste donc actuellement à un niveau élevé bien que l'effusion s'atténue progressivement.

Sources : INGV; LGS; Giuseppe Tonzuso; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Piton de la Fournaise, France, 2632 m

C'est une belle éruption qui a eu lieu du 19 septembre au 5 octobre marquée par la construction d'un beau cône, d'environ 30 m de hauteur au pied du versant sud-ouest du Dolomieu et d'un champ de coulées couvrant environ 2 km². Éruption tout à fait classique sur la forme avec l'émission d'un magma très fluide,  une activité explosive modeste qui a construit le cône, et une effusion assez abondante avec des débit estimés par lOVPF entre 2 et 20 m3/s (le débit n'est jamais stable et connait des pics et des moment plus calmes).

La séquence éruptive peut toutefois être vue comme répartie en trois périodes basées sur le tracé du trémor:

- une première du 19 au 21 septembre avec  le trémor intense au tout début de l'éruption puis que s'atténue rapidement.

- une seconde du 21 au 28 septembre avec un trémor qui augmente et se stabilise

- une troisième période du 28 au 05 octobre marquée par une nouvelle hausse du trémor et sa stabilisation jusqu'à la fin de l’éruption (il est devenu moins stable peu avant la fin).


Tracé du trémor sur la totalité de l'éruption, extrait du bulletin du 05 octobre 8h30 (peu avant la fin de l'éruption). Image: IPGP/OVPF

Le passage entre chaque phase peut être due à une hausse du débit, une intensification de l'activité. 

Ainsi le taux de croissance du cône lors de la phase 1 a été très faible,et le passage en phase 2 est marqué par une accélération assez importante de ce taux de croissance. Au cours de cette seconde période le cône voit sa forme globale se stabiliser même si, dans le détails il reste une structure fragile : des porions s'effondrent mais sont reconstruite par l'accumulation des fragments projetés. Ainsi, la morphologie générale acquise entre le 21 et le 24 septembre ne conait pas de modification importante jusqu’au passage à la période 3.

La morphologie du cône évolue relativement vite au début de période 2 (21 au 24 septembre) puis ne varie plus vraiment jusqu'à la fin de la période 2 (29 septembre). Images : IPGP/OVPF


Le passage entre les période 2 et 3 est marquée par une phase de destruction partielle très importante  du cône, dans la nuit du 29 au 30 septembre, vers 15h30 TU. Destruction sans commune mesure avec les petits bouts de cône qui se décrochaient parfois lors de la période 2. Non : la période 3 est marquée par une intensification spectaculaire de l'activité et une modification totale et extrêmement rapide de la morphologie du cône qui, d'un cône régulier et assez pointu (cratère nettement plus petit que la base) prend rapidement la forme d'un chaudron (cratère à peine moins large que la base). Voilà le changement en images, entre le 29 et le 30 septembre, ~24 h d'intervalle.

L'entrée en période 3 est marquée par un changement complet de la morphologie du cône, suite à une séquence de destruction très intense et spectaculaire. Images : OVPF/IPGP


Par la suite, la morphologie globale du cône ne va plus fondamentalement varier : il reste un "chaudron" sauf qu'il devient plus large et plus haut. Son édification n'a pas été simple: toute structure produite par accumulation, surtout une accumulation rapide, est instable et de nombreux effondrements, parfois importants, ont eu lieu lors de la période 3. Mais l'intensité de l'activité a été telle qu'elle a, à chaque fois, reconstruit très rapidement la structure, lui permettant même de gagner en hauteur et largeur.  Lorsque l'éruption prend fin le cône fait environ 30 m de hauteur pour une grosse centaine de mètres de diamètre à la base.


Morphologie définitive du nouveau cône peu après la fin de l’éruption. Image : OVPF/IPGP

L'ensemble de la séquence éruptive, en particulier la construction du cône, est résumé par un time-lapse de l'OVPF, que voici.




Quand au champs de lave, il met un peu de temps à se refroidir ce qui permet, grâce aux rayonnements infrarouges produits, d'en visualiser l'extension et la morphologie sur les images satellites. Son volume final n'a pas été communiqué (du moins je ne l'ai pas vu dans les bulletins), mais les volcanologues ont précisé début octobre qu'entre le 19 et le 30 septembre, entre 2,6 et 5,4 millions de m3 de lave avaient été produits par l'éruption.

Le champ de lave rayonne en infrarouge et je l'ai superposé avec les données en longueur d'onde visibles (rouge/vert/bleu pour composer les couleurs naturelles) prisent au même moment. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


 Sources : OVPF/IPGP; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Nishinoshima, Japon ~200 m

Autre grosse surprise de ces dernières semaines : le retour d'une activité intense au Nishinoshima qui, depuis 2013, est entré dans une phase d'activité globalement plus soutenue (par rapport aux décennies précédentes).

Cette nouvelle séquence a débuté le 28 septembre par d'intense émissions de cendres qui ont empoussiéré jusqu'au 11 octobre (plus d'émissions de cendres le 12) une large portion de l'océan pacifique, jusqu’aux îles Ogasawara. À la base du panache une incandescence assez forte était présente, ne laissant aucun doute sur la nature à minima magmatique de l'activité. "À minima" car vue l'intensité de l'activité il ne peut être à priori exclu que cette activité fut phréatomagmatique ce qui ne pourrait être confirmé que par l'analyse des dépôts.

 

Le panache de cendres lors de la première journée d'activité. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Le panache de cendres lors de la dernière journée d'activité, signal thermique bien détecté à la base de la colonne de cendres. SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Aucune coulée de lave mis en place lors de cette séquence aussi intense que "courte". Il ne semble pas non plus y avoir eu de modification majeure de la morphologie du cône construit au  cours des phases précédentes. La question qui peut, éventuellement, venir à l'esprit est de savoir si une partie de l'activité a été sous-marine ou non. Et là, mis à par une bathymétrie, ça sera difficile de répondre mais puisqu'à part une vaste tâche colorée autour de l'île, semblant émerger des zones côtières, il n'y a pas eu d'autres phénomène hors de l'île, la réponse qui semble pour le moment la plus probable est "non".


Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Kadovar, Papouasie-Nouvelle Guinée, 365 m

La dernière fois que j'ai évoqué la situation au Kadovar, c'était en août 2021. Depuis je n'ai pas cessé de suivre la situation là-bas avec, toujours, le seul outils qui permette de le faire : les données satellites. Systématiquement, les observations n'ont permis de voir que:

- de très faibles signaux thermiques au niveau du dôme sommital, compatibles avec l'émission de gaz à relativement haute température.

- un panache de gaz, essentiellement composé d'eau a en juger par sa couleur blanche, mais avec sans nul doute d'autres gaz et en particulier du SO2 puisqu'une fois l'eau redevenue vapeur (invisible) dan l'atmosphère le très léger panache résiduel est bleuté.

- des modifications de teinte des dépôts du versant est, parfois plus foncés, parfois plus clairs, teintes rarement uniformes sur ces dépôts(certaines portions claires, d'autres foncées; la fois d'après d'autres zones claires et d'autres foncées, pas au même endroit).

À noter toutefois que, concernant les variations de teintes, j'ai pu repérer au moins une exception : l'image du 20 mars 2022 permet de voir une teinte claire uniforme non seulement sur l'ensemble des dépôts du versant est mais aussi sur le dôme côtier, les ravines qui descendent les versants nord-est et sud et le cratère où s'est édifié le dôme sommital lorsque l'éruption en débuté (janvier 2018). Ceci suggère que peu avant il y avait eu une émission de cendres relativement soutenue (pas non plus la grosse folie vue la surface impactée).


Teinte uniformément claire sur les versant est, sud et même le dôme côtier. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Toutefois ce sont deux autres observations qui me permettent de conclure que l'activité éruptive se poursuit, toujours à un rythme faible, similaire à celui décrit en août 2021:

- le tracé des côtes évolue au cours du temps et, entre mars et octobre 2022 plusieurs zones ont légèrement gagné sur la mer. Il y a donc une émission de lave au sommet (croissance du dôme) et son effritement dans la pente alimente en débris qui s'accumulent et modifient le trait de côte.



- L'autre observation vient de la comparaison des images du sommet prisent entre février et octobre 2022 : si on en fait un gif animé, on voit clairement que la croissance du dôme (masse rocailleuse qui tranche avec les parties lisses [dépôts de cendres] qui recouvrent le sommet) se poursuit. L'accumulation progressive des dépôts liés à l’effritement permanent de ce dôme est aussi clairement visible par le fait que des crêtes présentes dans la pente du versant est disparaissent progressivement, ensevelies.

Extrusion sommitale, ensevelissement progressif des crêtes dans la pente est et modification du tracé de côte. Images : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus.


Conclusion : l'éruption n'est pas terminée. Elle est essentiellement extrusive et à très faible débit et l'une des questions qui se pose est la suivante : est-ce que le talus de débris accumulés depuis 2018 dans la pente est est assez stable? Et notamment sa partie sous-marine, impossible à voir et dont on ne peut pas connaitre l'évolution morphologique.


Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Et en bref:

- Tinakula, îles Salomon, 851 m

Une activité éruptive permanente mais globalement faible se poursuit. La couverture nuageuse reste importante sur le sommet et ne laisse que très peu de fenêtre d'observations. Mais l'une des plus récentes permettait de voir un faible signal thermique dans la pente de la cicatrice nord-ouest. Ce signal  semble trop faible pour qu'il puisse être attribué à une coulée active. Mais il peut s’agir soit d'une petite coulée récente en cours de refroidissement, soit d'un dépôt d'avalanche de blocs mis en place peu de temps avant le passage du satellite.


Signal thermique allongé dans la pente. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

- Home Reef, îles Tonga, altitude non déterminée

L'éruption qui avait commencé début septembre s'est poursuivie en toute discrétion jusqu'à la fin septembre. Le dernier signal thermique détecté, déjà extrêmement faible (lave en cours de refroidissement) remonte au 04 octobre. Depuis plus rien : la masse de lave formée par l'éruption, qui est restée exclusivement effusive (extrusive pour être précis) est en cours de refroidissement. Sa forme est légèrement ovale avec un petit axe long d'environ 255 m (orienté  ~ Nord-Sud) et un grand axe (~E-O) d'à peu près 275 m. La question qui se pose? L'île résistera-t-elle longtemps à l’assaut des vagues?

La petite île des Tonga, en cors de refroidissent. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Erebus, Antarctique, 3794 m

Du fait que la Terre est (globalement) sphérique (si si, j'vous jure) et que son axe polaire est incliné, Erebus est hors de porté de la plupart des satellites de début mars à début octobre donc un suivi forcément plus compliqué. Mais son retour récent dans le champ de vision des satellites permet de constater que l'éruption permanente, sous forme d'un petit lac de magma (dont la composition est celle d'une phonolite si je ne m'abuse) se poursuit actuellement, sans changement avec la situation observée fin février 2022.


Le petit lac de magma se distingue bien en infrarouge (bande 8) mais rayonne trop peu dans le rouge. image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Une vue générale du massif (parce que je trouve ça beau) avec le signal thermique du lac de magma vu avec la bande 12. Image :SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


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