2018 commence fort: première activité historique du volcan Kadovar!

Kadovar est un un volcan partiellement immergé (une île volcanique si vous préférez) situé en Papouasie Nouvelle-Guinée, dans l'archipel des Shouten Island, en Mer de Bismarck. Il se trouve à l'ouest d'une autre île volcanique Papoue, plus connue, le Manam, mais près d'autres îles volcaniques moins connues, Bam et Blup Blup (si si vous avez bien lu).
C'est un stratovolcan dont la base se trouve à plus de 1100 m de profondeur, probablement recouverte des sédiments déversés en masse par le fleuve Sepik, dont l'embouchure ne se trouve qu'à 25 km, pile en face de Kadovar. Son sommet dépasse à peine de l'eau: son point culminant se trouve à 365 m d'altitude seulement. Au milieu des années 70 et début des années 80 des décolorations d'eau près des côtes sud et nord avaient été observées, en lien avec des émissions de fumerolles à haute température, mais aucune autre activité n'a été observée ou décrite sur l'île

Elle est très végétalisée mais on peut distinguer facilement une ancienne cicatrice laissée par une avalanche de débris ouverte vers le sud, comblée en grande partie par un dôme de lave. Son diamètre n'est que de 1500m environ, et elle est habitée par environ un demi-millier de personnes. Le détail concernant les dimensions de l'île est important car il pose tout de suite la question du sort des habitants: voilà une situation où le risque volcanique est particulièrement élevé.

La presse Papoue indique que des émissions de cendres ont commencé au sommet du volcan au cours de la journée du 05 janvier. L'image MODIS prise hier montre en effet la présence d'un panache relativement important. Les images prisent depuis montrent que plusieurs évents sont apparus, à proximité de la limite Est dôme-caldera d'avalanche.

Une photo de la situation prise d'avion aujourd'hui. Image: Samaritan Aviation

Et cette activité à connu un second pic puisque vers 02h00 TU aujourd'hui (donc vers 12h00 heure locale) des émissions de cendres assez fortes ont été repérées par le staff  du VAAC de Darwin, sur la base d'images prisent par Himawari 8. Cette activité était bien visibles aussi sur les images prisent par MODIS au moment du passage des deux satellites TERRA et AQUA.

Le panache de cendres repéré par le VAAC de Darwin. Image: MODIS/NASA

Le panache de cendres repéré par le VAAC de Darwin, en fausses couleurs. Image: Himawari 8

Des images faites lors du même survol* que celui de la première photo montrent que les émissions de cendres peuvent être soutenues sur l'un des évents (le plus à l'est visiblement), alors qu'une simple émission de gaz riche en "vapeur d'eau" (panache blanc) est présente sur l'évent le plus à l'ouest. Cette caractéristique pourrait indiquer que l'activité en cours est phréatique ou phréatomagmatique.

Deux évents principaux se distinguent sur l'image: près du bord gauche, un panache contenant très peu de cendres, de teinte blanche; et l'évent principal d'où sort un panache plus sombre, riche en cendres. Image: Samaritan Aviation

Pour le moment aucun signal thermique n'est associé à cette activité: si le magma arrive en surface, c'est uniquement sous la forme de cendres à trop faible température. Il n'y a pour l'heure ni dôme ni coulée de lave, bref: aucune source de chaleur intense. Par contre on voit bien sur les photos que la végétation est déjà fortement touchée. C'est à se demander si lors de la première phase de faibles écoulements pyroclastiques ne se sont pas produits: les arbres semble effeuillés voire ébranchés, mais pas couchés au sol.

Concernant la population: tout le monde a été évacué par bateau vers les îles voisines et les autorités commencent à tenter d'organiser des secours. Nul ne sait comment les jours/semaines qui arrivent vont être vécues par les habitants, ni même s'ils pourront retourner sur l'île (cf: la situation des personnes évacuées de Manam depuis 13 ans) mais en tout cas il ne semble pas y avoir de blessé. Et pourtant les conséquences auraient pu facilement être dramatiques:

- une activité éruptive qui démarre sur un volcan sans appareil de surveillance

- une logistique d’évacuation rendue plus complexe par le fait qu'il s'agit d'une île

- une population qui vit forcément très près du site de l'éruption: vue l'a taille de l'île chaque habitant était forcément en permanence à moins d'un kilomètre de l'éruption.

- une activité éruptive passée qui semble avoir été basée sur des magmas visqueux, preuve en est de la présence du dôme sommital. Or ces magmas sont responsable de la majeure partie des éruptions violentes.

Vous voyez que tout aurait pu mal se passer, mais l'éruption a débuté modérément, les évacuations ont pu être organisées facilement et du coup tout se termine bien: ouf! 

Au passage: à partir de maintenant, puisque l'île a été évacuée, il n'y a plus de risques sur l'île même ** puisqu'il n'y a plus personne qui s'y trouve. Mais d'autres zone à risques perdurent se :

- le ciel à proximité de l'île: les émissions de cendres peuvent en effet poser des problème pour l'aviation si elles deviennent trop intenses.

- les côtes de Papouasie, toutes proches, car il n'est jamais impossible que l'activité, si elle devient plus intense, puisse générer de volumineux écoulements pyroclastiques ou, pire, rendre une partie de l'ancien dôme instable, ce qui pourrait générer des tsunamis modérés***.

Reste à voir maintenant comment cette activité va évoluer.****

* probablement le même survol car les images montrent le même type d'avion

** pour mémoire le risque = Alea (= phénomène)  x Occupation humaine  x  Vulnérabilité

*** Attention, je suis pas Mme Irma: je suis pas en train de dire que ça va arriver! Je rappelle juste que c'est possible

**** peut-être va-t-elle forcir dans les jours-semaines qui arrivent, nul ne le sait

Sources: VAAC de Darwin; Himawari 8; MODIS/NASA; Samaritan Aviation et merci à Shérine France pour le partage des images !