Que se passe-t-il sur le volcan Ioto (Iwo-Jima, Japon)? (Mis à jour)

Cette île, célèbre surtout pour avoir l'un des théâtres d'affrontements de la guerre du Pacifique, est volcanique et c'est un système relativement actif puisque visiblement une partie de l'île a été soulevée d'environ 40 m depuis l'année de sa découverte en 1779 (par Cook). Il n'est pas rare que des explosions phréatiques surviennent, le plus souvent près de la côte, que se soit sur la terre ferme ou en mer, jamais très loin.

Autour de l'île la bathymétrie révèle un plateau à très faible profondeur, peut-être la trace d'une caldera d'environ 7-8 km de grand axe. La partie émergée en cours de soulèvement pourrait alors être vu comme un dôme résurgent.

Bathymetrie et topographie du volcan Ioto. Image : JCG

 

Pour ce qui est de l'activité récente, j'avais eu l'occasion sur twitter de rapporter la survenue d'une activité phréatique sur la plage de la côte nord, le 24 novembre 2021. Les images d'une série de cratères d'explosions avaient été transmises par la Japan Maritime Self-Defense Force et ils étaient parfaitement visibles sur des images satellites.

Grosse émission de "vapeur"* depuis les tous jeunes cratères d'explosion, côte nord d'Iwo Jima. Image : JMSDF

Comparaison d'images satellites entre  début novembre 2021 et juin 2022. Images : LANDSAT 8/9 - NASA/USGS et SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 Toutefois ce sont des événements plus récent qui m’incitent à me demander ce qu'il se passe là-bas.

En effet une nouvelle phase d'activité a débuté dans la première quinzaine de juillet, activité que j'avais pu détecter par une image SENTINEL 2, transmise via twitter. Cette activité était alors entièrement sous-marine et produisait une tâche colorée relativement importante.

 

Nouvelle zone de dégazage près de la côte sud de l'île. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Vue la configuration de la bathymétrie à cet endroit, à savoir un plateau à très faible profondeur, il est fort peu probable que cette activité ait été éruptive. À si faible profondeur une intéraction eau-magma n'aurait pas manqué de se manifester de manière plus violente, avec force projections, probablement un panache de cendres, vraisemblablement quelques déferlantes basales, bref toute la panoplie du phréatomagmatisme.

Or depuis la détection de cette tâche colorée, aucune de ces manifestations n'a été décrite. Les seules images qui nous sont parvenues jusqu'à présent montrent des bouffées formant des panaches riches en eau. Et bien que cela ne se voit pas clairement sur ces images il y fort à parier que l'émission de ces panaches soit accompagnée de puissants remouds.

Depuis peu, à l'endroit de cette activité**, une curieuse tâche circulaire est visible sur les images satellites. J'aurais au départ pensé à la zone de remouds que je viens d'évoquer mais il n'y a pas de panache blanc sur cette image. Or, avec une résolution de 10m/pixels en visible (longueurs d'ondes rouge, vert, bleu), le panache aurait été assez grand pour être perceptible sur l'image. Ceci dit, la faiblesse de cet argument ne me permet pas d'exclure la possibilité que cette tâche soit un remouds.

Drôle de tâche au large de la côte sud. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Une autre hypothèse serait la formation d'une île à proximité de la côte. Mais cette île, si c'en est une, ne peux être de nature volcanique : pas d'émission de magma pour le moment (sinon on aurait des manifestations phréatomagmatiques). Si c'est une île je penche plutôt (mais ce n'est qu'un à priori) pour une accumulation de boue remobilisée par le puissant dégazage et accumulée autour de l'évent. Un cône de boue dont le sommet aurait émergé.

Bon, là non plus je n'ai pas vraiment d'argument pour étayer l'hypothèse "île" et seule une image très haute résolution voir carrément une observation directe pourrait apporter du grain à moudre. Et c'est le fait que j'ai peu d'arguments pour expliquer cette structure circulaire qui justifie le titre que j'ai choisi.

Situation à suivre donc.

Mise à jour, 07 août 2022; 18h21

La situation reste peu claire pour le moment, en raison du fait que la seule source régulière de données est l'imagerie satellitaire, dont la limite reste la résolution.

 L'avantage par contre est qu’elle couvre de nombreuses longueurs d'ondes et il se trouve que sur les données récoltées le 04 août, on peut constater qu'une structure circulaire (dont la nature reste à préciser) large d'environ 40 m (3x moins que sur l'image du 30 juillet) reste présente mais, surprise, qu'il y a aussi des sources d'infrarouge relativement intenses. Les points d'émission des infrarouges ne correspondent pas à la structure circulaire mais se trouvent à proximité là où, à priori, on ne voit que de l'eau.

Cette émission d'infrarouge est donc particulièrement surprenante et pour l'heure une interprétation de leur origine est hasardeuse.

La structure circulaire (petite tâche sombre entouré d'une anneau clair) est toujours présente mais accompagnée de source de rayonnements thermiques dont l'origine n'est pas encore établie. Image :  SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Par contre, surpris par cette source de rayonnement thermique, absente sur l’image du 30 juillet, j'ai repris des images plus anciennes. Or il se trouve qu'un faible signal thermique était déjà présent sur l'image du 15 juillet, avant que la structure circulaire ne fasse son apparition sur les images. Bref : le mystère s'épaissit .

Signal thermique : les points les plus chauds (rouges) sont organisés en cercle. Toutefois la structure circulaire observée sur l'image du 30 juillet se trouve à environ 80m à l'ouest (de centre à centre) de ces signaux. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Sources : LANDSAT 8/9 - NASA/USGS et SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; JCG; JMSDF;

* la vapeur d'eau un gaz transparent, invisible : le panache blanc est fait d'eau liquide sous forme de microscopiques gouttes)

** en fait environ 55 m séparent le centre de la zone de remouds sur l'image du 15 juillet et le centre de la tâche circulaire blanche le 30 juillet.