25 décembre 2021

Un point sur l'activité aux volcans Krisuvik, Piton de la Fournaise et Hunga Tonga Hunga Ha'apai

 Piton de la Fournaise, France,  2632 m

Après la fin de la précédente éruption (09 avril - 24 mai 2021), les bulletins de l'Observatoire volcanologique ont rapidement fait état d’une remise en pression progressive du réservoir superficiel, via l'analyse des taux de CO2 (s'échappant à grande profondeur d'un magma en cours de remontée et diffusé à travers le sol) et par les mesures de déformation et de sismicité. C'est après deux tentatives ratées, dont:

- une marquée par une importante crise sismique le 18 octobre sous le versant nord-est du Dolomieu et sous la Plaine des Osmondes et

- une autre plus faible le 17 novembre,

 que le magma a pu finalement fracturer la roche au-dessus du réservoir superficiel et parvenir à la surface.

C'est dans la nuit du 21 au 22 décembre que cette nouvelle traversée de la croûte a eu lieu, à partir de 01h15 du matin (heure locale). Il n'aura pas fallu longtemps pour le magma parcours la distance réservoir-superficiel - surface puisque le trémor, témoin du départ de éruption, apparait sur les sismomètres vers 03h30 (heure locale). Malheureusement, encore une fois, les nuages sont venus jouer les perturbateurs d'observation en masquant la scène.

Et pourtant, ça a dû être un sacré spectacle car, lorsque les nuages se déchirent un peu, c'est un alignement de 4 fractures éruptives, long d'environ 700 m de long, déchirant la base du Dolomieu entre, en amont le Cratère Rivals et, en aval  un secteur situé entre le Cratère Cornu et le Cratère Thérésien Cadet. Rapidement, dans les heures qui suivent, l'activité décline sur la partie amont et se stabilise sur al portion de fracture la plus en aval.


Évolution de l'activité entre le matin et le soir du 22 décembre : extinction de la partie amont. Images : OVPF/IPGP


Cette éruption est tout à fait classique dans son dynamisme et son déroulement : l'activité de fontaine de lave édifice un cône de fragments agglomérés à chaud (spatter-cone) et un champ de coulées de lave est en cours d'édification au sud-est du Dolomieu. La partie la plus en aval de ce champ de lave atteint l'altitude de 1800 m mais le débit étant relativement faible (entre 2 et 15 m3/s précise l'observatoire). Un système de tunnels de lave s'est mis en place juste en contrebas du cône en cours de construction.

On peut noter que les images des webcams de brusques débordements de lave près du cône peut-être le signes de variations de débits qui, parfois, mettent le système de tunnels en pression et provoquent des fuites. Ces phases semblent à peu près correspondre, au moins temporellement et au moins en partie, aux pics de trémor parfois enregistrés  par l'observatoire. Le dernier (pour le moment) bulletin émis suggère que ces pics de trémor peuvent aussi être être le résultats de phases de démantèlement du spatter-cone, à même de libérer brusquement une partie de la "flaque" de magma présente au niveau du point d'émission, dans le cratère du spatter-cône et d'augmenter pour un temps le débit de l'éruption.

Pour l'heure l'activité reste globalement modérée et relativement stable.

Source : OVPF/IPGP


Krysuvik-Trölladyngja, Islande, 379m

Depuis la fin de l'activité éruptive en septembre 2021, la situation sur la péninsule de Reykjanes est restée plutôt calme. Mais depuis le 21 décembre une nouvelle et très intense crise sismique a débuté, sur le réseau de fractures qui définit, à la surface de la Terre, le système volcanique de Krysuvik-Trölladyngja. Sur les plus de 12 000 secousses enregistrées plusieurs ont dépassé la magnitude 4 : cette crise est d'une intensité similaire à celle qui a précédé l'éruption de mars-septembre 2021. J'ai fait un collage de deux graphique de l'IMO couvrant une bonne partie de la crise sismique, du 23 au 25 décembre [ne regardez pas les couleurs : ils passent normalement du rouge (= plus récent) au bleu (= plus ancien), mais comme j'ai collé 2 graphiques à deux dates différentes, la première poche de points jaunes devrait être en bleu).

Intense crise sismique sur le système volcanique Krysuvik-Trölladyngja entre les 23 et 25 décembre 2021. Images  : IMO

La plupart de ces secousse sont superficielles (mois de 10 km de profondeur ce qui explique que les secousses plus forts (mag 4.2 et 4.9) aient été ressenties dans tout le quart sud-ouest de l'île. Cette activité sismique intense, due à une fracturation, est accompagnée d'une déformation (une inflation) loin d'être négligeable, enregistrée par plusieurs stations GPS. Celles qui réagissent le plus fortement actuellement sont les stations proches de la zone de sismicité, à savoir les stations LIKS, FAFC; KRIV,SENG (sur l'image ci-dessous), avec certains déplacements qui atteignent déjà plusieurs centimètres.  Sur l'image j'ai ajouté des flèches qui montrent GROSSO MODO les mouvements des stations en latitude et longitude mais pas en altitude. Par ailleurs ces flèches sont présentes à titre indicatif : leur dimensions ne reflètent en rien l'intensité du déplacement qu'elles ont subit depuis le début de la crise. Elle est à comparer avec la carte de localisation des secousses juste en dessous

Carte de localisation des stations GPS et le mouvement approximatif de plusieurs d'entre elles depuis le début de la crise sismique. Image: IMO; modif Culture Volcan

Localisation géographique des secousses de la nouvelle crise. On peut noter une zone principale, cohérente avec la zone en déformation détectée par les GPS, et une zone secondaire, aux portes de la ville de Grindavik. Image : Map.is

Tout cela est interprété par les volcanologues Islandais comme une nouvelle phase d'intrusion magmatique dans le même réseau de fractures que pour l'éruption de mars-septembre 2021. Pour autant ils précisent que la survenue d'une nouvelle éruption n'est pas du tout une certitude à ce stade mais il est évidemment impossible d'écarter cette possibilité non plus. L'alerte aviation a donc été à nouveau élevée à l'orange, puisque même si le scénario le plus probable est celui d'une éruption d'intensité similaire à celle de mars-septembre (VEI ente 0 et 1, donc très faible explosivité) l'aéroport international n'est pas loin (environ 17 km à vol d'oiseau).

Situation à suivre de près évidemment.

Sources : IMO; Map.is


Hunga Tonga Hunga Ha'apai, Archipel des îles Tonga, 149 m

Une activité éruptive surtseyenne intermittente se poursuit et un peut voir de temps à autre, sur les images du satellite Himawari 8, une gros panache riche en eau s'élever dans l'atmosphère.

Cette activité a rapidement édifié un nouveau cône au pentes très faibles, caractéristique de ce type d'éruption et mis en place par l'accumulation des cendres contenues dans les "base surges", sorte d'écoulements pyroclastiques un peu particulier qui se forme lorsque le panache riche en eau et en cendres s’effondre (voir les premières secondes de la vidéo youtube de l'éruption de 2009 sur ce même édifice;

Cet cône a été imagé dès le second jour d'éruption par le satellite haute résolution MAXAR.


Le nouveau cône édifié par l'accumulation de cendres déposé par les "base surges". Image : MAXAR, le 22 décembre 2021

Alors attention, quand j'écris "cône", faut pas imaginer un cône de scories genre Chaîne des Puys, La Palma etc. Nonnonnon ! Là, le cône est produit par l’accumulation des cendres déposées par les "base surges" successifs, des nuages chargés d'eau et de cendres qui, après chaque explosion, s'écoulent à la surface de l'eau sur des distances plus ou moins importantes. Le cône est ainsi formé par l'accumulation de "feuillets" (grosso modo une explosion -> un "feuillet")  de cendres plus ou moins agglomérées (es granules ainsi formés étant appelés lapillis accrétions) et sa pente est de facto très faible, contrairement à un cône de scories, produit  par l'accumulation de fragments secs, projetés et qui s'accumulent (la pente se stabilise alors autour de 30-35 ° environ). 

L'évent de cette éruption n'est pas exactement le même que celui de l'éruption précédente fin 2014-début 2015. Il est situé légèrement au nord-est en conséquence de quoi le nouveau cône ne recouvre que partiellement les restes du cône de l'éruption de 2014-2015 qui, de son côté, était en cours de destruction sous l'effet des vagues.

Changement de la morphologie de l'édifice volcanique Hunga Tonga Hunga Ha'Apai avec l'ajout d'un vaste cône surbaissé. Images : SENTINEL 1 - ESA/Copernicus

Quand au radeau de ponces issu de la phase principale de l'éruption, le premier jour, il se disperse tranquillement vers l'ouest, au gré du courant océanique.

Le radeau de ponce en cours de dispersion. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Pour le moment aucune indication ne permet de savoir quel type de magma (fluide (basique) ou plus visqueux (plus acide)) est çà l'origine de cette activité.

Sources : MAXAR; SENTINEL 1&2 - ESA/Copernicus


Et à l'occasion de ce post, je vous souhaite à toutes et tous d'excellentes fêtes de fin d'année!

3 commentaires:

  1. Salut CV,

    Merci pour ces actualités.

    Concernant Reykjanes, on peut se demander si cette nouvelle phase (et éventuellement cette nouvelle éruption) est indépendante de la première ? Or, cette sismicité est en majorité situé sur le dyke formé avant l'éruption. Et il me semble que les séismes sont situés aux alentours de 6 km de profondeur, comme lors de l'essaim sismique de fin septembre - début octobre... alors qu'avant l'éruption, la sismicité avait commencé de manière bien plus profonde si je me souviens bien. En clair, est-ce la même intrusion qui se réactive pour, si le magma sort quelque part, une nouvelle phase de cette éruption ?

    Par ailleurs, avant cet essaim sismique, il me semble avoir vu des cartes de déformation montrant une légère inflation du secteur entre fin septembre et début décembre : était-ce le signe de la poursuite de l'éruption de manière intrusive, sous la forme d'un sill par exemple ?

    Je me doute que tu n'as pas forcément les réponses à ces questions ouvertes, mais je suis preneur de ton avis !

    En attendant, joyeuses fêtes à toi également !

    RépondreSupprimer
  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  3. Bonsoir. Cela bouge également au Costa Rica 2 volcans et au Vanuatu aussi Yasur & AMBAE. Egalement le MANAM EN PNG mais pas de photo vidéo.

    https://www.crhoy.com/nacionales/video-agua-acida-y-caliente-del-volcan-rincon-de-la-vieja-llega-a-rios-y-mata-peces/#:~:text=L%27%C3%A9v%C3%A9nement%20colosse%20s%27est,Sin%20Fronteras%20(VSF

    https://www.crhoy.com/nacionales/video-volcan-turrialba-registra-2-erupciones-en-menos-de-5-horas/#:~:text=Le%20volcan%20Turrialba%20a%20enregistr%C3%A9%202%20%C3%A9ruptions%20en%20moins%20de%205%20heures%20durant%20ce%20mardi%2028%20d%C3%A9cembre%20%2C%20selon%20un%20bilan%20de%20l%27Observatoire%20volcanologique%20et%20sismologique%20du%20Costa%20Rica%20(Ovsicori)%20rattach%C3%A9%20%C3%A0%20l%27Universit%C3%A9%20nationale%20(UNA

    RépondreSupprimer