28 août 2021

Le point sur l'activité aux volcans Chirinkotan, Great Sitkin, Pagan, Nishinoshima et Nyamulagira

Chirinkotan, Russie, Iles Kouriles, 724 m

Depuis le début du mois d'août le VAAC de Tokyo indique relever la présence de cendres émises par ce système volcanique, qui est donc entré dans une nouvelle phase d'instabilité après quelques années de calme (la dernière crise s'est déroulée de 2013 à 2017, de manière intermittente).

Un coup d'oeil aux images satellites suggère que la situation a commencé à changer en surface au cours du mois de juin avec le retour d'une petite activité fumerolienne dans la zone sommitale, après une précédente phase plus tôt dans l'année en mars/avril. Ce dégazage s'accentue au cours du mois de juillet, bien qu'il reste globalement à un niveau modeste. C'est à cette période que le MIROVA enregistre une série très groupée de signaux thermiques : je ne serais pas étonné que ces signaux soient en lien avec le dégazage mais, sur les données SENTINEL 2, qui couvrent pourtant très bien les infrarouges, aucun signal thermique clair n'est détecté.

Signaux thermiques relevés par le MIROVA entre août 2020 et août 2021. Image : MIROVA

Ce n'est que début août que le SVERT a modifié les niveaux d'alerte (jaune pour l'aviation en particulier) avec la détection des premières émissions de cendres, faibles. A partir du 10 août le niveau d'alerte aviation a été élevé à l'orange en raison d'une hausse de la fréquence des émissions de cendres. et certaines d'entre elles (14, 15, 16 et 18 août) ont été plus intenses, la plus forte ayant eu lieu le 18 août avec un panache qui s'est élevé jusqu'à 5000m d'altitude environ.

Le panache de cendres du 18 août vu depuis l'espace. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

La quasi absence de signaux thermiques semble indiquer que le magma n'affleure pas à la surface mais la prudence reste de mise avec l'interprétation : les nuages sont souvent présents sur la zone.

L'activité reste globalement modeste bien que, pour l'heure, il n'y ait pas d'observation directe de ce qu'il s'y passe.

 

Sources : MIROVA; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Great Sitkin, Etats-Unis, Iles Aléoutiennes, 1740 m

Suite à l'activité explosive observée fin mai, le système volcanique était toujours décrit comme instable par l'Alaska Volcano Observatory. Mais c'est à la fin du mois de juillet que l'activité a commencé a être décrite comme éruptive avec l'observation, dans le cratère ouvert au sommet, d'un nouveau dôme de lave.

Le nouveau dôme de lave dans les premiers jours de sa formation. Image : GeoEye1 et Matt Loewen via AVO

Depuis lors l'activité éruptive reste modérée et (à ce qu'il semble) uniquement extrusive (= formation d'un dôme de lave) avec  un taux qui semble modéré aussi......tout comme la viscosité du magma en cours d'éruption (dont j'aimerais connaitre la composition) à en croire la morphologie de ce dôme de lave, dit "surbaissé", à savoir plus large que haut.

Le dôme de lave surbaissé au soir du 06 août. Image : Dave Ward, via AVO

Du fait de cette viscosité modérée la morphologie du dôme a, courant août, évolué avec la formation de deux lobes en direction de l'ouest et du sud-sud-ouest. Bref: le dôme s'étale.


Croissance du dôme observée en imagerie radar spatial. Images : SENTINEL 1 - ESA/Copernicus


Pour l'heure cette activité ne semble pas connaitre de modifications mais du fait que les bords du dôme s'approchent des pentes plus abruptes, il ne serait pas étonnant de voir le dôme s'étirer dans la pente. Il deviendrait defacto un dôme-coulée dont la stabilité pourrait être moins importante et ainsi donner des avalanches de blocs voire des écoulements pyroclastiques. Par ailleurs, comme pour Saint Vincent et les Grenadines, il ne peut être exclu que l'activité change de style et devienne plus explosive et, avec le trafic aérien important dans le secteur des Aléoutiennes, cela pourrait poser des problèmes.

En tout cas, au 26 août, le dôme restait encore confiné au sommet.

Le dôme de lave surbaissé au sommet du Great Sitkin, le 26 août 2021. Image : SENTINEL 2-ESA/Copernicus

Situation à suivre évidemment.

Sources : SENTINEL 1 & 2-ESA/Copernicus; AVO

Nyamulagira, République Démocratique du Congo, 3058m

Le post précédent concernant cet édifice avait été publié début mai et indiquait que l'activité éruptive avait pris fin. La pause n'aura été sommes toutes que de courte durée puisque le MIROVA a de nouveau détecté des signaux thermiques à partir du mois de juin, signant le retour d'une activité éruptive dans le Pit Crater sommital.



Par la suite l'activité s'est poursuivie, toujours globalement assez modeste et essentiellement effusive (accumulation de coulées) ayant pour conséquence un nouveau remplissage progressif du Pit Crater avec probablement une faible activité explosive de type spattering (projection de lambeaux à faible hauteur qui retombent mous au sol). Cette activité a de nouveau connu une courte pause entre mi-juillet et début août si l'on en croit les données MIROVA et une image SENTINEL 2 prise le  05 août le confirme. Sur cette image, seul un léger dégazage à haute température est perçu, à la base de la paroi sud du pit crater.


Le calme règne dans le pit crater ce 5 août 2021. Image :SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Dans d'autres longueurs d'ondes, permettant une meilleur résolution, cette image du 05 août permet aussi de se souvenir que les parois dru pit crater sont instables : on y voit en effet une belle cicatrice d'avalanche de blocs sur la paroi sud, et le dépôt associé qui recouvre les coulées récentes (juin-juillet 2021), ainsi que le panache de dégazage cite au-dessus.



J'écris "courte pause" car l'activité éruptive a repris de plus belle le 14 août (détection de signaux thermiques intenses par le satellite Suomi NPP), toujours avec le même dynamisme à priori (effusion avec pour conséquence le remplissage du pit crater par les coulées et probablement une faible activité explosive de type spattering au niveau du point d'éruption). Cette activité reste toutefois très modeste et le remplissage du pit crater est assez lent.

L'activité repérée grâce à son rayonnement thermique intense, le 25 août. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


 Sources : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus ;  MIROVA


Nishinoshima, Japon, ~100m

Nouveau post sur Nishinoshima alors que, pour l'heure, aucune activité éruptive n'a été détecté. Et si j’écris "aucune activité éruptive", c'est aussi pour inclure l’événement du 14 août, décrit dans un post précédent.

Car en ce 14 août l’importance du panache de cendres pouvait laisser penser à une potentielle reprise d'activité mais un détail m'avait surpris : la mise en place immédiate, synchrone au panache de cendres, d'une tâche colorée importante autour de l'île. Ça ne m'a pas paru logique à priori car souvent cela est le signe d'une activité sous-marine ou d'une entrée de coulée de lave en mer, la tâche étant produite par des réactions chimiques entre les composés en provenance du magma et l'eau. Or une coulée de lave entrant en mer aussi rapidement aurai signifié au gros débit...et aucun signal thermique n'était détecté à ce moment-là.

 

Importante tâche colorée autour de l'île le 14 août 2021, synchrone à la formation du panache de cendres. Image : MODIS/NASA

 

À priori pas compatible avec une entrée de coulée en mer donc.

Aussi, après avoir constaté que cette phase d'émission de cendres avait été certes assez intense mais aussi très courte, une autre possibilité a commencé à se faire jour. Je me suis en particulier souvenu d'un post qui faisait état d'une crainte liée à la croissance de l'île et à sa topographie sous-marine (le détail dans ce post de 2014), à savoir l'instabilité de la zone côtière de la nouvelle île.

Il m'a fallu faire preuve de patience pour tester l'idée d'un effondrement d'une partie de la plate-forme côtière (qui était une accumulation de coulées émises lors des récentes phases éruptives), car les données satellites en bonne résolution sont rares sur le secteur, mais une comparaison d'images LANDSAT 8 faites le 23 juillet et le 24 août permet effectivement de constater une différence sur la côte sud, voire ci-dessous. Il est important de noter que, par chance, deux images satellites exploitables (peu de nuages pour masquer la scène) faites peu avant et peu après le 14 août permettent de réduire presque à 0 le rôle de l'érosion comme facteur principal dans le changement de morphologie de la côte.


Il semble donc que la tâche colorée et la formation du panache de cendres trouvent leur origine dans un effondrement de la plate-forme côtière. Mais j'ai un souci avec le panache de cendres....

Car, lorsque je regarde la position du panache sur les images des deux satellites MODIS (TERRA et AQUA), espacées de quelques heures, l'origine du panache ne semble pas être la même.... Sur la première image (TERRA) le panache semble trouver son origine au niveau du cratère du cône, mais sur la seconde, son origine semble se trouver plus à l'ouest, à vous de juger avec la comparaison ci-dessous, sachant que j'ai vérifié la position des panaches avec les versions géoréférencées de ces images.



Alors comment expliquer un tel décalage qui, si j'en crois les données satellites géoréférencées, est d'environ 1 km?!

Bon alors, pour tout dire, c'est pas tellement facile de se faire une idée avec aussi peu d'infos.. Mais bon on peut imaginer que si la plate-forme commence à lentement bouger, des infiltrations d'eau se font jusqu’à proximité du dyke (la cheminée) de la dernière phase éruptive, qui est encore chaud (des fumerolles persistent dans le cratère avant le 14 août). Ce type d'infiltration peut expliquer éventuellement le panache émis au niveau du cratère du cône.

Puis lorsque le bout de plate-forme cède, le panache est produit plutôt sur la côte ou même au large, avec l’interaction sous-marine des fragments chauds de la plate-forme qui s'effondre, voir peut-être même des poches de roche encore à plusieurs centaines de degrés piégés dans la plate-forme à quelques dizaines de mètres sous la surface....

Bref : ceste séquence du 14 août avait l'air d'être mineure, mais elle semble plus complexe qu'il n'y parait, et donc bien plus interessante! D'autant plus que depuis lors les signaux thermiques restent persistants sur l'île d'après le MIROVA.

Signaux thermiques détectés sur l'île. Image : MIROVA


Sources : LANDSAT8-NASA/USGS ; MODIS/NASA; MIROVA


Pagan, Archipel des Mariannes du Nord, 570 m

Ça faisait un moment que Pagan n'avait pas fait parler de lui (juin 2013) mais depuis la fin du mois de juillet les insulaires ont fait état de secousses sismiques ressenties sur l'île. Plus tard, probablement un peu avant le 15 août, un panache de gaz a commencé à être produit par le système volcanique, panache qui se maintient à l'heure actuel.

Le panache de gaz observé par satellite le 21 août .Image : LANDSAT 8 - NASA/USGS

L'image ci-dessus a été prise le 21 août, date à partir de laquelle des signaux thermiques faibles ont commencé à être détectées par le satellite Suomi NPP, probablement en lien avec l'émission de gaz à plus haute température.

Signaux thermiques détectés le 21 août, le panache de gaz est visible sur la gauche. Image : MODIS/NASA & Suomi NPP (VIIRS)
 

Pour le moment aucune activité éruptive n'a démarré mais il semble que le système volcanique soit très instable et une éruption à court-moyen terme est une possibilité à prendre en compte.

Sources : NMI/USGS ; MODIS/NASA ; LANDSAT 8 - NASA/USGS

2 commentaires:

  1. Bonsoir, pour le décalage des panaches du Nishinoshima, est-ce que cela ne pourrais pas provenir d'une photo satellite prise d'oblique (Droite), et l'autre plus verticale (Gauche)? Le panache monte verticalement, puis prend les vents d'altitude.....
    Merci beaucoup pour ce blog !!
    Hervé

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    1. Bonsoir Wasp26. C'est effectivement possible même si je n'arrive plus à accéder au site pour scruter plus avant (quand même un kilomètre de décalage malgré tout). Par contre, pour les vents d'altitude, c'est vraisemblablement non car le panache est resté à basse altitude. Par ailleurs, si il était décalé par un vent d'altitude en direction de l'ouest il s'étirerait aussi vers l'ouest, or il part plein nord. Bonne soirée (moi je viens de passer un bon moment avec l'Etna, paroxysme fantastique) :)

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