22 août 2014

Et à part le Bardarbunga (Bárðarbunga) ? Fuego, Sangeang Api, Ubinas et Nishino Shima restent actifs

Ce n'est pas parce qu'une bonne partie de l'Europe regarde en direction de l'Islande qu'il ne se passe rien ailleurs.
Bon, rien d'aussi excitant c'est clair! Mais allons au moins prendre quelques nouvelles de deux-trois situations.

Fuego, Guatemala, 3763 m

Le volcan reste actuellement dans  une phase décrite comme assez forte. Les explosions sont assez intenses et forment des panaches de cendres d'environ 1000 m de hauteur. Régulièrement les vitres
tremblent au passage des ondes de chocs dans les villages proches (La Morelia, Panimaché).
Pas de coulée de lave en ce moment mais le cratère sommital produit de temps en temps des éboulement incandescents.

Panache de cendres sur le volcan Fuego, 21 août 2014
Panache de cendres sur le volcan Fuego. Image: INSIVUMEH

Source: INSIVUMEH

Sangeang Api, Indonésie, 1949 m

Le guide Aris Yanto était sur l'île quelques semaines après le paroxysme qui s'était déroulé fin mai. Mi-juin, j'ai mis en ligne un post indiquant que les données satellites permettaient de voir qu'après l'explosion dont les images ont fait le tour du monde, le volcan avait commencé à produire une belle coulée de lave.
Je concluais ce post avec un "appel", à savoir que si quelqu'un allait sur l'île, il pouvait essayer de confirmer ou non la présence d'une telle coulée. Aris Yanto, guide et fondateur de Ndeso Adventure, s'est rendu sur place (rien à voir avec mon "appel", juste le hasard), probablement courant juin, et la photo qu'il a publié hier (faite sur les dépôts d'écoulement pyroclastique du 30 mai) montre clairement la présence d'une coulée de lave à l'arrière plan.

Coulée de lave du volcan Sangeang Api (Sangiang), juin 2014
La zone impactée par l'écoulement pyroclastique du 30 mai 2014. Image: Aris Yanto/Ndeso Adventure.
 
 Son image montre aussi deux ou trois détails intéressants:
- notez déjà que certaines touffes d'herbe sont vertes ou commencent à le redevenir. On les voit bien au premier plan de l'image.

- notez aussi que les touffes d'herbes sont brunes ou jaunes, mais pas calcinées.

- notez enfin que le dépôt est constitué de deux parties distinctes: celle où il y a des touffes d'herbe, face au photographe (notée "1") , et celle où il ne semble y avoir rien d'autre que des cendres ("2"). C'est au bord de la zone "2" que l'on trouve aussi toute une bande d'arbres brunis par une vague de chaleur. Sur les reliefs qui bordent la zone "1", une telle zone brune n'est pas si clairement visible.

Ces trois points incitent à conclure que l'écoulement pyroclastique le plus important du 30 mai (celui qui a parcouru 2 ou 3 km à la surface de l'eau) a produits deux parties distinctes et de températures différentes:
- la zone 2 est l'endroit où est passé la partie la plus dense et riche en cendres de l'écoulement pyroclastique. La présence des arbres brunis à proximité de son passage montre sa très haute température. Quand à l'absence de végétation elle peut avoir deux explications (qui ne sont pas opposées): elle est enfouie sous un épais dépôt de cendres et/ou elle a complètement brûlé.

-la zone 1 est probablement recouverte du dépôt d'un écoulement moins dense (anciennement on parlait de "pyroclastic surge" dans ce cas de figure). Moins canalisé, plus dilué, sa température est plus faible que le corps principal de l'écoulement pyroclastique raison pour laquelle la végétation n'a pas complètement disparu, et repousse même assez vite à partir de son système racinaire.

Source: Aris Yanto-Ndeso Adventure

Ubinas, Pérou, 5672 m

Une nouvelle explosion a secoué l'Ubinas à 15h37 (heure locale). Puissante, il s'agit pourtant d'un événement isolé dans le temps car le volcan n'avait plus montré de signe extérieur d'activité de cette nature depuis déjà fin juillet.
Jorge Andres Concha Calle, responsable de la communication au sein de l'Institut de Géophysique du Pérou, m'a fait parvenir (et je l'en remercie chaleureusement), le lien vers un time-lapse de l'événement, réalisé à partir des images de la webcam de l'IGP.



Rien d'autre ne s'est produit, ni avant, ni après.

Mise à jour 08h09

Le rapport mis en ligne par l'INGEMMET hier concernant l'Ubinas indique que l'explosion ci-dessous, puissante, a projeté des bombe et des blocs jusqu'à une distance de 2 km du cratère. Des chutes de cendres décrites comme importantes ont été subies par les villages de Querapi, Ubinas et Tonohaya.

Sources: IGP - Jorge Andres Concha Calle; INGEMMET


Nishino Shima, Japon, 38m (officiellement, probablement plus aujourd'hui)

On peut lire depuis plusieurs jours une info, relayée à l'identique par de très nombreux sites partout dans le monde, indiquant que la crainte d'un tsunami lié à la croissance de l'île est née chez les scientifiques japonais. Il est indiqué en effet que le volcan produit encore actuellement un volume de 200 000 m3 de lave sous forme de coulée, tous les jours. Depuis le mois de juin dernier elles alimentent surtout la côte est de l'île, qui a de ce fait rapidement grandit ces trois derniers mois. Or si toutes les actus qui parlent de cet événement indiquent ce nouveau risque, aucune n'explique pourquoi il est apparu dans l'esprit des scientifiques japonais. Du coup on a l'impression que c'est un peu comme par magie...or il n'en est rien et l'explication est très concrète.

Il est évoqué de concert que les plate-formes de lave produites par les îles volcaniques en éruption sont instables et peuvent s'effondrer en mer. C'est un phénomène que l'on peut en particulier observer à Hawaï lorsque les coulées parviennent à se jeter dans le Pacifique et édifient de telles plate-formes côtières.
Mais dans ce cas de figure il ne s'agit pas de l'instabilité supposée de la plate-forme déjà construite, mais plutôt de l'instabilité que sa partie côtière va acquérir sous peu.

Car on a tendance à l'oublier: le Nishino Shima n'est pas qu'une petite île en éruption depuis novembre dernier, et ainsi la plus jeune portion de terre émergée de notre planète, c'est avant tout un volcan largement sous-marin, aux pentes abruptes, qui domine le fond océanique de 2500 m. Comme pour  beaucoup de volcans de ce type, son sommet est tronqué par les vagues. Celles-ci érodent inlassablement, entre deux éruptions, la moindre parcelle de roche qui émerge pendant celles-ci, jusqu'à ne laisser qu'une plate-forme, comme si le volcan avait été décapité.
Le bord de la zone "limée" de l'édifice est donc sous-marine (invisible à l'oeil nu) et est marquée par un abrupt aplomb qui est le début de la pente naturelle du volcan, comprise entre 30 et 45 °. 

Or la plate-forme de coulée arrive en ce moment à la bordure de cette plate-forme et les coulées vont donc commencer à progresser sur le surplomb, situation des plus instables, et origine de la crainte des spécialistes japonais. Pour bien visualiser la situation il suffit de surimposer la carte topographique de l'île, partie sous-marin y compris, et la limite actuelle des coulées.

Topographie du volcan Nishino-Shima
Cette carte permet de voir le problème: les coulées (rouge) arrivent sur le rebord du plateau sous-marin produit par l'érosion des vagues. Image: JCG

En regardant cette carte topographique on comprend aussi pourquoi les coulées se sont concentrées sur la côte est plutôt que de continuer d'alimenter tous les versants: on note une légère déclivité de la topographie sous-marine, sur le plateau, vers le sud-est ce qui a orienté naturellement l'écoulement dans cette direction. Le problème c'est que juste en face de la partie qui risque d'être le siège d'instabilité chronique se trouvent les deux îles habitées (sur les 30) de l'archipel d'Ogasawara: l'"île père" (Chichijima), qui compte quelques 2000 âmes, et l'"île mère" (Hahajima). Les modélisations faites par les volcanologues indiquent qu'un effondrement d'un volume de 12 millions de m3 de lave produirait un tsunami capable d'arriver sur Chishijima en moins de 20 minutes. Reste à surveiller maintenant la progression de cette plate-forme pour voir si les conditions d'un tel effondrement seront ou non être réunies. Car si la lave s’effrite progressivement sur la pente sous-marine, le risque de tsunami est très faible. Si par contre la plate-forme parvient à créer un surplomb, un peu à la manière d'une congère de neige le long d'un crête en montagne, là le volume susceptible de se décrocher est plus important et "tsunamigène" (pas sûr que ça existe dans le dico...).

Sources: Phys.org; Asahi Shimbun, JCG

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