5 juin 2021

Un point d'actualité : volcans Great Sitkin, Shiveluch, Soufriere de Saint Vincent, et Krysuvik-Trölladyngja (mis à jour)

Great Sitkin, Etats-Unis, 1740 m

Depuis 2016 l'Alaska Volcano Observatory garde un oeil un peu plus ouvert sur Great Sitkin, système volcanique isolé, qui ne menace donc pas directement de populations humaines. Depuis cette année-là l'AVO a parfois dû élever temporairement le niveau d'alerte au jaune du fait de crises sismiques  et de la présence d'émissions de gaz. Parfois, comme en juin 2018, une petite activité explosive, peut-être hydrothermale voire phréatique, avait été repérée mais rien n'indiquait alors que du magma soit parvenu à la surface de la Terre*.

Le 25 mai 2021 l'AVO a fait de nouveau savoir qu'une émission de cendres avait été détectée à partir de 21h04 (heure locale), incitant l'organisme à élever l'alerte aviation au rouge. Cette activité explosive a généré un panache de cendres qui aurait atteint une altitude estimée à environ 5000 m, poussé vers l'est par des vents assez forts, et assez rapidement dispersé. Ça peut parait assez gros, mais vu depuis l'espace, ça ne l'ai plus vraiment.

Le panache de cendres détecté le 25 mai au soir (oups j'ai oublié une parenthèse sur l'image). Image : GOES17/NOAA

Des photos de l'événement ont pu être faites, d'un point de vue situé au large de la côte nord-est j'en suis à peu près sûr, depuis un navire de recherche (le Tiglax) par Lauren Flynn. Elles montrent un panache chargé de cendres, ce qui signifie que l'activité a été assez dynamique tout de même : ce ne fut pas juste une pétouille malgré tout. En regardant bien cette image, deux points attirés mon attention, même si il n'y a rien là d'exceptionnel vous allez voir:

- point 1 : la structure du panache montre la présence de deux lobes. Comme pour toute activité explosive, il n'y a pas eu une explosion unique mais une salve d'explosions. C'est normal, classique et souvent lorsqu'on dit "une explosion" le mot "une" décrit en fait une salve, une série.

- point 2 : sur la droite du panache (donc en direction du nord-ouest ou peut-être de l'ouest) on peut voir un peu de cendres près du sol (zone entourée). En voyant ça, ma première réaction a été "Ah! Petit écoulement pyroclastique!"

L'explosion du 25 mai dans les premières minutes de son développement. Image: Lauren Flynn, via AVO

Toutefois une image satellite assez dégagée a commencé à mettre le doute sur la survenue d'un tel écoulement, tout en fournissant quelques détails non visibles sur la photo.

Image satellite du sommet du Great Sitkin, le 30 mai 2021. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Sur cette image on voit que:

- sur le versant ouest ou nord-ouest il n'y a aucun dépôt particulier, juste un peu de cendres sur la neige. Cela semble donc indiquer qu'il n'y a pas eu d'écoulement pyroclastique et ce que l'on voit sur la photo serait donc plutôt la zone où l'explosion a eu lieu . Le panache, alors en train de se développer verticalement, serait emporté et déjà "décroché" du cratère où il s'est formé. Ce qui peut apparaitre pour un écoulement pyroclastique pourrait donc simplement être une "traîne de cendres", accrochée à la base du panache. Ce point là n'est pas clair mais voilà l'état de ma réflexion à ce sujet.

- sur le haut versant sud, un belle trace sombre, bien découpée sur la neige, est visible. Il s'agit d'une coulée de boue produite au moment de l’explosion. J'ignore si il s'agit de boue directement projetée par l'explosion et qui s'est étalée au sol ou si il s'agit d'une coulée de boue secondaire, c'est-à-dire formée avec:

a- d'abord l'explosion qui projette des cendres chaudes, puis...

b- ces cendres chaudes qui tombent sur la neige, donc ...

c- la neige qui fond sous l'effet de cette chaleur, et enfin...

d- les cendres déposées qui se mélangent à l'eau de fonte pour former la boue qui s'écoule.

Au moment où j'ai annoté cette image satellite, un doute subsistait sur la nature de cette trace sombre (coulée de boue ou coulée de lave), raison pour laquelle il a y un "?", mais depuis l'AVO a confirmé qu'il s'agit d'une coulée de boue.

Pour le moment cette phase explosive, peut-être la plus intense depuis 2016, est restée isolée ce qui suggère qu'il s'agit d'une activité soit phréatique soit hydrothermale, et qu'aucun magma n'a pour le moment atteint la surface de la Terre.

Des températures élevées, mais pas assez pour être compatibles avec la présence de lave, ont été détectées mais leur source est probablement la présence de gaz à très haute température, ce qui renforce l'idée que l'activité est plutôt phréatique (causée par la présence de magma à une profondeur relativement faible).

Sources : AVO; SENTINEL2-ESA/Copernicus; GOES/NOAA

* le Global Volcanism Program fait état d'une période éruptive (VEI 1) entre juin et aout 2018 mais il n'y a eu, dans cette période, que de très rares petites bouffées de cendres décrites comme "phréatiques" (donc pas d'émission de magma à la surface) dans les bulletins de l'Alaska Volcano Observatory. Le classement dans la liste "eruptive history" est donc probablement non adapté.

 

Shiveluch, Russie, 3283 m
 

Je vous fait là un poste très cours parce que cela fait maintenant plusieurs mois que l'activité éruptive, très majoritairement extrusive (= très peu explosive) est très fortement ralentie au Shiveluch, à tel point qu'en ce qui me concerne je l'ais considérée comme terminée. Surtout que sur les images de nuit, aucune trace de haute température n’était détectée. 

Mais peut-être aurez-vous noté que j'ai écrit "très fortement ralentie", ce qui implique qu'elle se poursuit. Je ne sais pas si vous vous souvenez que l'année dernière avait déjà été marquée par une activité très lente mais avec quelques explosions de temps en temps et , surtout, l'apparition à partir du mois d'avril, d'un nouveau dôme de lave, dont j'avais parlé dans un post publié en juin 2020. Ce dôme s'était révélé être, in fine, une aiguille de lave superbe, dite "en dos de baleine" et pour cela appelée "le Dauphin" par les volcanologues Russes. Une structure similaire avait été observée au Mont Saint Helens lors de son éruption de 2004-2008. Pour celles et ceux qui l'ont ratée, petite image de rattrapage.

Superbe dôme de lave (une dacite d'après les volcanologues Russes, qui indiquent qu'il s'agit là de la lave la plus acide (différenciée) émise depuis 1980 au Sheveluch). Image: Yuri Demyanchuk; IVS FEB RAS, faite le  28 septembre 2020.

Cette structure s'était progressivement dégradée, fracturée et émiettée jusqu'à sa quasi disparition. Mais progressivement, depuis le début de l'année, une aiguille se reforme progressivement et se voit parfaitement sur les images webcam (en l'absence de nuages, ce qui implique qu'il faut faire preuve de patience).

Croissance de l'aiguille de lave entre décembre 2020 et début mai 2021. Images: IVS-FEB-RAS

Pour l'heure donc cette éruption, débutée fin 2018 (après plusieurs semaines de signes précurseurs), se poursuit. Elle reste calme et plutôt sur le déclin pour le moment mais on ne sait jamais : la possibilité qu'une nouvelle masse de magma arrive et redonne de la vigueur n'est jamais à exclure totalement.

Affaire à suivre.


Sources: KVERT; IVS-FEB-RAS 


Krysuvik-Trölladyngja, Islande, 379 m

L'activité éruptive se poursuit sans changement de fond mais toujours avec quelques évolutions sur la forme.

Pas de changements sur le fond parce que les derniers résultats publiés par les volcanologues indiquent que le débit moyen de l'éruption reste le même depuis début mai, aux alentours de 12m3/s. Le volume émis au totale arrive maintenant vers les 55 millions de m3. Le mois de mai aura été marqué par le remplissage progressif  du plateau d'où partent les vallées Natthagi (au sud-ouest) et Merardalir (au nord-est et la mise en place, à la mi-mai, de barrages pour retarder le débordement de la lave dans la vallée Natthagi dont l'aval s'ouvre directement sur la route côtière. 


Cela n'a pas empêché la lave de franchir un de ces barrages quelques jours plus tard, le 22 mai, formant un champ de lave dans le fond de la vallée Natthagi. Pour l'heure le débit qui alimente cette vallée reste globalement faible, se fait en réalité par à coup (de petit débordements successifs depuis le plateau) et le champ de lave à plutôt tendance à s'épaissir dans sa partie amont, que de s'étendre en direction de la mer.

La lave déborde dans la vallée Natthagi le 22 mai. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Pour ce qui est de la vallée Merardalir, c'est un peu différent puisque les coulées n'ont jamais cessé de s'y déverser, là encore par venues successives. Ces à coups sont avant tout liés au fait qu'au niveau de la source (le spatter-cone n°7), l'activité elle-même se fait par à coup. Les débordements brusques de la colonne de magma génèrent ces coulées, dont une partie ruisselle dans les vallées alentours.

Toutefois cette activité n'avait pas permis à la lave de sortir de la vallée Merardalir courant mai. Là encore le champ de lave avait gagné avant tout en épaisseur mais cela a conduit, inévitablement, au débordement de la lave hors de la vallée Merardalir dès les premiers jours de juin. Et même si la vitesse de progression reste faible (faible débit à la source +  l'émission de lave est discontinue +  distance à parcourir), cette mise en place se poursuit très très lentement. 

Débordement de la lave hors de la vallée Meraraldir. Image : Almannavarnir

Côté spattering, au point d'éruption, la situation n'évolue pas en terme d'intensité puisque le débit moyen ne baisse pas. Par contre les fontaines ont progressivement baissé en vigueur et l'on ne voit plus maintenant ces incroyables jets verticaux ou obliques qui ont marqué les premiers temps de cette activité "en geyser". Cela peu paraitre paradoxal d'avoir d'un côté des paramètres éruptifs qui restent stables (débit etc) et des phénomènes (fontaine de lave) qui perdent en intensité.

Mais ça n'est pas particulièrement paradoxal lorsqu'on parvient à se souvenir que ce qui sort c'est du magma à environ 1200 °C. Ce magma qui remonte en permanence depuis des semaines use les roches avec lesquelles il est en contact. Il les use mécaniquement, par la pression exercée qui génère de petites fractures et par le frottement qui finit par arracher de petits fragments des roches traversés. Il les uses aussi thermiquement, car sur un petite épaisseur la température doit monter suffisamment pour ramollir les roches et permettre à des lambeaux d'être emportés dans le flux de magma jusqu'à la surface.

Or ces mécanismes, qui élargissent progressivement le dyke en profondeur, sont aussi présents au niveau du point de sortie. Si au départ la forme de l’évent était une fracture (donc plus long que large), ces mécanismes d'usure l'ont progressivement élargit jusqu'à ce que la largeur égale la longueur : la fracture est devenue une forme circulaire, et il est vraisemblable qu'au fur et à mesure le diamètre de cet évent circulaire ait continué de grandir. Or, à débit constant, un conduit plus large va permettre des fontaines moins hautes (comme quand on pince un tuyau d'arrosage: débit constant, mais puissance du jet plus fort si le bout est pincé, plus faible si il ne l'est pas). Cela pourrait être une explication pour la perte d'intensité des fontaines.

Dernier point qui vient de tomber : la production des coulées continue aussi de remplir progressivement le vallon de Geldingadalir. Or le point de vue principal de l'éruption, pour l'activité touristique, est un sommet situé entre le plateau (d'où se déverse les coulées dans Meraraldir et Nattaghi) et le vallon de Geldingadalir. Et pour rejoindre ce point de vue y a un col qui sépare la plateau du vallon de Geldingadalir. Or les coulées ont franchit ce col hier : le point de vue est devenu inaccessible.

Le petite col entre Geldingadalir (à gauche) et le plateau (à droite), recouvert par les coulées. Images : Kristin Jonsdottir


Bon, pour terminer, il est impossible que je ne partage pas avec vous la vidéo que le photographe Olivier Grunewald a produit lors de son séjour sur place, courant mai. Esthétiquement, c'est une merveille (opinion personnelle, j'essaie pas de vous orienter là :) ). En ce qui me concerne je l'ai vécu comme une poésie en images! Donc merci pour ce moment de poésie, Mr Grunewald!


 


Mise à jour, 05 juin, 21h10

Juste un petit truc à ajouter puisque ça a eu lieu aujourd'hui : le barrage ouest, édifié pour tenter de retenir les coulées a été submergé à son tour aujourd'hui, précisément à partir de 10h20 heure locale. Une nouvelle coulée a donc commencé à se mettre en place dans le fond de la vallée Nattahagi.

Le barrage, quelques heures après le début de la submersion par la lave: on ne le voit déjà quasiment plus. Image : Vedurstofa Islands

La nouvelle coulée descend au fond de la vallée Natthagi. Image : Vedurstofa Islands


Sources : Almannavarnir; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Université d'Islande;Kristin Jonsdottir; Olivier Grunewald; Vedurstofa Islands


Soufriere de Saint Vincent, Saint Vincent et les Grenadines, 1220 m

Alors là ça va aller vite parce que depuis le post précédent il ne s'est rien produit de plus. Pas d'autre explosion et une sismicité certes toujours au-dessus de la normale, mais moins importante tout de même. Je voulais juste corriger un point que j'ai abordé dans le post du 30 avril. J'avais interprété dans ce post la présence d'une masse arrondie dans le nouveau cratère comme étant un dôme de lave, sur la base à la fois de la forme, des dimensions et de la présence de hautes températures.

Et bien des images du sommet étant faites, il est clair qu'il ne s'agit pas d'un dôme de lave, mais d'un cryptodôme, la masse arrondie étant un bulge (bombement), dont j'ai déjà eu l'occasion de vous parler dans de précédents posts. Les hautes températures sont produites par la présence de gaz qui s'échappent de la petite poche de magma (cryptodome) qui produit le bulge et qui ne se trouve qu'à quelques dizaines de mètres sous la surface. Par contre cette masse de magma est maintenant statique, sa mise en place est terminée. C'est comme si un dôme s'était formé mais en soulevant la masse de cendres et de blocs accumulés dans le cratère après les explosions, sans parvenir à la percer.

La masse arrondie qui s’élève dans le fond du nouveau cratère est un bulge, un bombement de la couche de cendres et blocs produit par la mise en place d'une petite masse de magma à faible profondeur (un cryptodome). Image : auteur inconnu, via NEws 784

Voilà, je voulais juste corriger cette erreur d'interprétation de ma part!

Source : News 784

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