30 avril 2021

Un point sur l'activité aux volcans Soufriere de Saint Vincent, Krysuvik-Trölladyngja et Pacaya

 Soufrière Saint Vincent, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, 1220 m

Après la phase paroxysmale en début de mois, l'activité a progressivement décliné avec des explosions bien plus rares et moins intenses. Les dernières ont eu lieu les 18 et 22 avril et depuis la situation du côté de l'activité explosive est calme.

Mais cela ne signifie pas que tout soit stoppé. Déjà la sismicité, bien que moins importante, reste au-dessus de la normale ce qui indique que le système volcanique n'est pas encore stabilisé même si le processus est vraisemblablement en cours (et tant qu'une nouvelle source d'instabilité, comme une nouvelle arrivée de magma, ne débarque pas).

L'accès au sommet n'étant pas autorisé il n'y a pour l'heure aucune image directe de la situation là-haut mais les volcanologues ont constaté sur leurs relevés sismiques des signaux pouvant caractériser la formation d'un nouveau dôme.

Cela n'a pu être confirmé que grâce aux satellites, en particulier ceux émettant des ondes radar, qui permettent d'observer les changements de topographie.

Alos2, satellite Japonais, fut le premier à permettre cette observation grâce à une image   prise le 21 avril, sur laquelle on aperçoit, dans le nouveau cratère, une petite masse arrondie ressemblant à un dôme

Image radar du 21 avril : une petite masse arrondie est présente au fond du nouveau cratère. Image : Alos2/JAXA

Une autre image, acquise le 23 avril par SENTINEL 2, permettait de constater la présence, toujours au fond du nouveau cratère, d'une source de rayonnement thermique fort. Malheureusement, aucun autre détail n'étant visible, il n'était pas possible de savoir si ce signal était produit par de la lave à haute température (le dôme) ou simplement une zone de dégazage intense.... puisqu'entre temps un explosion avait eu lieu le 22 avril, ayant potentiellement fait disparaitre ce qui semblait être un dôme sur l'image ALOS2.

Il aura fallu attendre encore un peu et une image SENTINEL 1 prise le 24 avril pour voir à nouveau une masse arrondie au fond du cratère. 

Une nouvelle masse ronde semble se dessiner au fond du nouveau cratère. Images: SENTINEL 1 - ESA/Copernicus

 

Mais là encore la question de la lecture d'une image radar se pose : est-ce qu'on voit bien une masse arrondie ou est-ce un artefact? En superposant l'image radar du 24 avril avec l'image thermique SENTINEL 2 du 23 avril (donc pas d'explosion entre temps pour détruire quoi que ce soit dans le cratère), on peut voir que la zone à haute température correspond à ce qui semble être un dôme. Ces observations satellites couplées aux données sismiques semblent donc bien indiquer la croissance d'un dôme, sans permettre toutefois de fournir des informations comme le taux de croissance (le débit) par exemple.  Ainsi on ignore si ce dôme est toujours en croissance ou non par exemple

 


Il est classique, et même logique, qu'unetelle phase explosive soit suivie de la croissance d'un dôme, celui-ci ne pouvant rester en place qu'en l'absence d'explosion, par définition. Ce qui reste étonnant dans cette éruption, et qui en fait vraiment une éruption singulière dans le paysage de l'activité volcanique récente, c'est la formation d'un dôme pendant plusieurs mois avant la phase paroxysmale. Il sera donc intéressant de voir quels sont les points communs et différences entre les échantillons prélevés sur le dôme pré-paroxysme, et les échantillons de lave (sous forme de cendres probablement) des phases paroxysme et post-paroxysme. D'ailleurs pour cette phase, il serait utile (mais probablement difficile) d'échantillonner directement le nouveau dôme.

En attendant, les habitants de l'île respirent mieux, même si l'évacuation des cendres va encore prendre pas mal de temps et qu'un retour à la normale n'est pas pour tout de suite. Car cette évacuation se fait  en partie de manière non anthropique puisque de fortes pluies se déversent sur l'île, emportant les cendres jusqu'à la Mer des Caraïbes,sous la forme de coulées de boue (lahars). Ainsi, après les risques liés à l'activité explosive, ce sont maintenant les risques post-paroxysme qui prennent le relai et qui vont nécessiter pour les habitats un maintient du niveau de vigilance dans des secteurs très spécifiques, en particulier les zones côtières, puisque des fragments plus ou moins gros d'arbres flottent et mettent les embarcations de pêche en danger, et près des cours d'eau dans la zone impactée par les chutes de cendres et les écoulements pyroclastiques.

Sources: ALOS2/JAXA; SENTINEL1 & 2  - ESA/Copernicus


Pacaya, Guatemala, 2552 m

L'activité sur la fracture sud-ouest avait finit par se calmer, éloignant le risque pour les habitants d'El Patrocinio. Certains front de coulées avait finit par atteindre un distance très faible (quelques centaines  de mètres) des habitations mais sans constituer pour autant une menace directe. Cela peut paraitre paradoxal mais il faut garder en tête que la trajectoire d'une coulée de lave est guidée par la topographie locale. Or près d'El Patrocinio, cette topographie est très complexe et créé une barrière protectrice.

Enfin....."créait" une barrière protectrice puisque, par définition, certains creux sont maintenant plein de coulées....donc il ne sont plus creux....et si une nouvelle coulée arrive par dessus, elle aura moins de difficulté à s'approcher d'El Patrocinio.

Et justement une nouvelle fracture éruptive s'est ouverte le 29 avril au matin à 07h15 (heure locale), assez bas sur le versant nord du Cône Mac Kenney. 


 

Une fracture qui est la source d'une effusion à gros débit puisque des coulées large de 200m ont été décrite. Et au cours de la journée du 29 avril, la vitesse de progression de ces coulées (de texture aa) était élevée signe d'un débit important au niveau de la fracture.



L'ouverture d'une fracture dans la pente d'un édifice volcanique dont la structure est faite d'un amoncellement de fragments (cendres, lapillis, bombes, blocs) et de coulées, et dont la cohésion n'est de facto pas optimale , rajoute évidemment de l'instabilité. Celle-ci s'est probablement manifestée le 29 avril environ 15 minutes après l'ouverture de la fracture par l'apparition, sur les images de la webcam, d'importants panaches de cendres. L'épisode n'a pas duré longtemps et n'a donc probablement pas de lien avec un changement de dynamisme de l'activité éruptive, raison pour laquelle une zone devenue trop instable semble être une idée cohérente.



Le bulletin spécial émis par l'INSIVUMEH parle aussi d'une coulée de lave sur le versant sud-est, donc sur le versant opposé de celui où se trouve la fracture évoquée ci-dessus. Difficile de dire si cette couéle était déjà alimentée avant où si le dyke a percé sur les deux versants : j'essaierai d'en savoir plus dès que possible mais l'image SENTINEL 2 d'hier est malheureusement totalement couverte de nuages.

La question qui se pose est évidemment celle d'une nouvelle menace sur les zones habitées du secteur d'El Patrocinio. Et cette fois les simulations de coulée pour anticiper les trajectoires ne seront pas pertinentes...à moins que le modèle numérique de terrain qui sert de "support" à la simulation ait déjà pris en compte les changements de topographie liés à l'épisode effusif des semaines précédentes, qui n'était pas anodin.

Une situation à suivre de près.

Sources : CONRED; INSIVUMEH

Krysuvik-Trölladyngja, Islande, 379 m

L'activité éruptive se poursuit sur la fracture éruptive et la tendance qui avait été observée ces deux dernières semaines 'est accentuée: l'activité n'est maintenant plus concentrée que sur un seul évent, le n°7, situé dans la partie centrale. Et c'est une activité très soutenue avec des projections à plus de 100m de hauteur, un superbe spatter-cone à la croissance très rapide et une belle effusion qui se déverse sur le petit plateau qui borde au sud le vallon de Geldingadalir. 

L'activité sur l'évent 7 est maintenant superbe. Images : RUV (en haut) et MBL (en bas)
 
L'activité sur l'évent 7 et la coulée de lave produite. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Une partie de cette coulée avait commencé à se diriger vers le nord-est en descendant en direction de la vallée de Merardalir, déjà impactée par une coulée lors de l'ouverture de l'évent 2 mais il semble que cette portion ne soit plus active et la lave reste sur le petit plateau pour le moment.

L'état du champ de coulées au 28 avril. Image : IINH/Université d'Islande/NLSI/IMO


Les relevés faits depuis le 26 avril ne semblent pas indiquer de perte de débit au niveau de l'effusion, qui reste dans la moyenne avec une estimation à 6,3 m3/s au 26 avril. Mais même sans le débit, il suffit de regarder le courbe montrant l'évolution du volume : elle est rectiligne, ce qui indique un débit (la pente de la droite) constant. Ce débit s'est donc juste focalisé sur un seul évent.

Belle éruption, tranquille.


Sources : IMO; IINH/Université d'Islande/NLSI/IMO; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

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