24 juin 2021

Un point sur l'activité aux volcans Etna et Manam

 Etna, Italie, 3300 m (environ)

Bon, depuis le post précédent et ses quelques mises à jours (fin mai), l'activité à l'Etna n'a pas cessé, et ce n'est rien de le dire. La dernière mise à jour décrivait à grands traits le 20ème paroxysme, mais (reprise du travail 6j/7 oblige) voilà que le compte est maintenant porté à 40. Le manque de temps m'incite à faire passer des images et des infos pour tous ces paroxysmes via twitter, mais comme le schéma global reste le même, il n'y a pas eu grand chose à raconter de neuf, sinon que le spectacle est à chaque fois exceptionnel.

Le déroulé est pour l'essentiel le même pour cette seconde série (1ère série de paroxysmes (n°1 à 17)  du 18 février au 01 avril pour mémoire): une forte activité explosive de type "fontaine de lave" sur le Cône Sud-Est avec formation de courtes coulées de lave, généralement vers le sud. Ces coulées descendant directement du sommet du Cône Sud-Est, via une échancrure ouverte lors des paroxysmes de la première série. À noter que les paroxysmes n°21 à 30 (21 mai-04 juin) ont été moins intenses et assez rapprochés dans le temps, presque comme des "mini paroxysmes par à-coup".

À noter aussi qu'après le paroxysme n°33 (16 juin) une activité explosive intermittente s'est maintenue jusqu'au 17 juin fin d'après-midi sur le Cône Sud-Est, activité explosive sous la forme d'explosions individuelles, puissantes (quasi-vulcaniennes) produisant de grosses bouffées de cendres et lapillis rapidement dispersées. Comportement peu fréquent dans cette série de paroxysmes et qui mérite donc d'être souligné.   

Depuis mi-juin les paroxysmes semblent redevenir plus intenses et producteurs d'importants panaches de gaz et cendres (et lapilli aussi). Par ailleurs l'écart de temps entre ces paroxysmes plus violents, dus visiblement à la libération d'un plus grand volume de magma dans un temps toujours très court, semble aussi se raccourcir : parfois moins de 24 heures entre deux séquences d’impressionnantes fontaines de lave, comme en cette journée du 23 juin, qui a commencé aussi spectaculairement qu'elle a pris fin.

Un animal nocturne pourrait ne pas s'être rendu compte que l'activité s'est arrêtée quelques heures entre ces deux fontaines de lave. Images : Nicola Zappala

 

Un temps très court entre deux paroxysmes, ce n'est pas la première fois que cela arrive mais pour qu'autant d'énergie mécanique et thermique soient libérées avec si peu de temps de pause entre chaque séquence, cela pourrait suggérer qu'il y a récemment eu "recharge", avec un magma neuf, plus chaud, plus fluide et plus riche en gaz, de la partie superficielle du système volcanique, mais cela ne reste qu'une hypothèse.

À noter que depuis le paroxysme du 23 juin au matin (n° 38)  on voit à nouveau se former des coulées de lave en direction de l'est (Valle del Bove) Si celle 38ème paroxysme a été courte,  elle a été alimentée pendant presque toute la journée et son alimentation ne semble avoir cessé que peu de temps avant le n°39 (soir du 23 juin). Pour ce n°39 le démarrage de la coulée Est a été marquée par une petite phase d'instabilité du Cône Sud-Est à l'endroit où le magma est venu percer la surface du cône (formation d'une fracture éruptive visiblement, plutôt qu'un évent simple), formant ce qui ressemble à un petit écoulement pyroclastique.

Démarrage de la coulée est lors du 39ème paroxysme. Image : INGV

Cette coulée de lave a été bien alimentée puisque son front le plus avancé est parvenu à atteindre le font de la Valle del Bove, ce qui n'était plus arrivé depuis le paroxysme du 24 mars (n° 16).

Champ de lave est, avec de multiples fronts, du paroxysme n°39 (23 juin au soir). Image : INGV

Le 40ème paroxysme, quand à lui, a eu lieu en début d'après-midi le 24 juin en produisant, en plus d'un panache dont le sommet à atteint l'altitude de 10 km), une courte coulée de lave au sud pendant la phase paroxysmale ("syn-paroxysmale") et, pour une fois, le magma n'est parvenu à percer le flanc Est qu'environ 1 heure après le paroxysme ("post-paroxysmale") pour produire une coulée de lave en direction de l'Est très faiblement alimentée. Pour le coup, une coulée de lave post-paroxysme n'est pas un événement habituel du schéma que l'on voit depuis le début d'année, aussi il sera intéressant de garder un oeil sur ce genre de détails lors des prochains paroxysmes, si il y en a évidemment.

Sources : INGV; Nicola Zappala


Manam, Papouasie Nouvelle-Guinée, 1807 m

L'activité éruptive au Manam après les paroxysmes de 2019 reste permanente et toujours située au sommet. Début juin cette activité se déroulait encore dans les deux cratères sommitaux (cratère nord et cratère sud) mais depuis peu, l'activité semble plus intense dans le cratère sud. Cela reste une interprétation à laquelle je met un note de confiance moyenne parce que le sommet est fréquemment couvert de nuages ce qui rend évidemment toute interprétation de ce genre partielle et donc possiblement fausse.

Mais je me permet toutefois de l'évoquer c'est parce que depuis le 08 juin le MIROVA détecte plus de signaux thermiques, ce qui semble indiquer une activité accrue.

Activité thermique accrue depuis le 09 juin  = activité éruptive potentiellement plus soutenue. Image : MIROVA

 

En parallèle les images thermiques SENTINEL 2 se corrèlent avec les données MIROVA avec des indications d'activité accrue puisque:

- il y a eu plusieurs images avec des signaux thermiques forts sur le cratère sud (mais le nord est dans les nuages donc interprétation de ma situation incomplète, à prendre avec des pincettes).

Signal thermique intense (et partiellement diffusé par les nuages je pense) depuis le cratère sud. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

- l'image SENTINEL 2 prise le 23/06/2021 montre une émission de cendres soutenue et continue pendant plusieurs heures, à l'origine d'un panache dont la longueur peut-être estimée (sur l'image) à environ 20 km. Soyons clair : cela n'a rien d'une activité exceptionnellement intense mais, par contre, elle est peu habituelle pour ce système volcanique, sur lequel on observe plus souvent une activité strombolienne classique et pas tellement ce type d’émission de cendres.

Importante émission de cendres depuis le cratère sud du volcan Manam. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Je n'ai pas d'éléments permettant de me faire une idée claire sur ce qui se passe là-bas et peut-être que ce regain n'ira pas plus loin que ce qui a été détecté. Mais dans le doute autant surveiller et voir s'il ne s'agirait pas d'une phase préparatoire à de nouveaux paroxysmes similaires à ceux de 2015 et 2019. Ce que je ne souhaite pas : les populations de l'île ont déjà pas mal souffert des paroxysmes précédents.

Situation à suivre.

Sources : MIROVA; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

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