1 avril 2021

Un point sur l'activité aux volcans Pacaya (mis à jour) et Krysuvik-Trölladyngja (mis à jour x5)

 Krysuvik-Trölladyngja, Islande, 379 m

L'activité éruptive débutée le 19 mars se poursuit sur la fracture ouverte à travers l'ancien massif volcanique de Fagradalsfjall, dans le vallon Geldingadalir. Elle reste globalement stable et mixte : faiblement explosive (VEI 0 à 1) et modérément effusive, avec un débit estimé entre 5 et 7 m3/s.

La partie explosive de l'activité, sous la forme du tranquille éclatement de bulles de gaz au sommet de la colonne de magma, continue d'accumuler des fragments mous qui se soudent à chaud, constituant progressivement un duo de spatter-cônes.

Comme dit précédemment l'éruption reste stable ce qui revient à dire que d'un jour à l'autre peu de choses se passent: le vallon est progressivement comblé. Une simulation réalisée il ya une semaine, sur la base des données récoltée au cours des premiers jours de l'éruption (en particulier le débit, estimé déjà à ce moment-là vers 6m3/s) tentait d'anticiper la façon dont le vallon allait se remplir à 12  et 17 jours après le départ de l'éruption. À 12 jours, soit en date du 31 mars, le vallon était plein et commençait à déborder en direction du sud-est. À 17 jours, le vallon voisin commençait d'être envahie à son tour. Une image satellite bien dégagée a, par chance, pu être faite le 30 mars, ce qui permet une comparaison entre simulation et réalité : le résultat est pas mal du tout!


Reste à savoir maintenant si d'ici quelques jours pour voir la phase 2, à savoir la sortie des coulées du vallon par le petit col situé au sud-est.

D'après cette simulation, si le débit de l'effusion reste constant, vers 6 m3/s, le vallon voisin devrait commencé d'être recouvert de coulées. Ici la situation simulée 17 jours après le départ de l'éruption. Image : Vedurstofa

Il faut évidemment garder en tête que cette simulation ne serait plus valable si les conditions qui ont permis de la générer changeaient. Si le débit augmente ou ralentit de manière significative par exemple, ou si de nouvelle fractures s'ouvrent ailleurs, bien entendu.

Pour répondre aux questions posées dans les commentaires du post du 20 mars par Julien et Jean-Pierre:

- pour Julien : je n'ai pas d'avis particulier concernant l'évolution de l'éruption. Elle ne changera pas de style sauf si un événement permet à l’eau d’imbiber les réseaux de fractures où se trouve le dyke éruptif (on est pas loin de la côte, il y a des sources hydrothermales par loin etc..). Là on assisterais à des phases plus explosives. Mais sinon il semble que cette éruption restera essentiellement effusive. Dans le détail de l'édification du champ de coulée et des spatter-cone, je vais avoir l'occasion d'y revenir un peu plus loin.

- pour Jean-Pierre. Oui il semble que le magma soit primitif c'est-à-dire venant directement du manteau, entre 17 et 20 km de profondeur. Pour autant je suis fasciné par la faible intensité de cette éruption de magma primitif, qui sont souvent des magmas riches en gaz et dont les éruptions sont plus..."pêchues" dirons-nous. Alors par contre cette information a circulé mais sans qu'il y ait jamais de détails et, personnellement, j'aurais aimé avoir accès à plus d'infos techniques à ce sujet. Je pars donc du principe qu'il s'agit de résultats préliminaires, liés aux analyses réalisées régulièrement, mais j'attendrais des publications pour me faire une idée plus précise concernant ce magma, sa formation, son évolution et son déplacement à travers la croûte. Un fait intéressant en tout cas : la composition du magma émis n'a, pour le moment, pas montré de changement significatif.

Sur cette base "éruption de magma primitif" les volcanologues Islandais supposent que l'éruption pourrait durer longtemps, et se compter en mois voire années (mais ça ne reste qu'une possibilité). Ils estiment par ailleurs qu'il pourrait s'agir là de la première éruption d'un nouveau cycle sur le système volcanique de Krysuvik-Trölladyngja, après 800 ans de repos. Un cycle qui, si on suppose qu'il se déroule de manière similaire à ceux qui l'ont précédé, se marquera par des éruptions plutôt fréquentes (entre 1 et 10 ans de calme entre chaque et sur plusieurs siècles (la cycle précédent s'est déroulé entre 700 et 1400, là on serait partis jusqu'à l'an 2600-2700 environ sur la même base, ça met le vertige...) : de quoi modifier totalement le visage de la péninsule de Reykjanes et même, potentiellement, menacer à moyen-long terme une partie de la capitale, et la ville de Grindavik toute proche.

Pour en revenir à l'éruption elle-même vous aurez forcement constaté qu'elle constitue une attraction touristique de premier choix, et qu'il s'agit de la balade du dimanche pour les Islandais qui jouent au foot à proximité, font des barbecue sur les coulées (bon souvenir mais pas terrible ni pour le goût ni pour la santé). Ils se présentent maintenant avant le levé du jour, restent tard dans la nuit et les secouristes ont du travail pour aider les personnes qui se blessent, glissant sur la neige tassée par le passage de centaines et centaines de personnes chaque jour ou qui, simplement, n'ont pas anticipé la fatigue du trajet retour longtemps après le couché du soleil. Les autorités souhaitent ouvrir l'accès à partir de 9h00 du matin mais il y a déjà du monde qui se présente dès 8 heures: l'éruption est un grand succès, parce qu'elle a lieu à proximité de la zone la plus peuplée de l'île, sans qu'elle constitue un grave danger immédiat. Ce succès s'accompagne évidemment de soucis de circulation et il arrive que des bouchons se forment mais il semble que l'autodiscipline fonctionne pas mal pour régler ces situations dans le calme.

Une équipe de secouristes aux premières lueurs du jour le 31 mars. Image : Hreiðar Júlí­us­son/Mbl.is

Il s'agit aussi d'une extraordinaire opportunité pour les enseignants d'amener leurs élèves et faire la pédagogique face à l'éruption. Et bien qu'on ne comprenne pas tout d'une éruption juste en la regardant cela permet d'inscrire une notion d'échelle des phénomènes (souvent problématique, pour les enfants comme pour les adultes) et de faire travailler les sens (odorat en premier lieu évidemment!!!) en combinaison avec l'intellect, ce qui peut ancrer plus profondément une connaissance, former un socle plus solide, plus sûr pour progresser. Un intérêt pédagogique certain donc!

Mais attention!!!! Une éruption de cette nature, même de faible intensité, n'est pas sans dangers. Les autorités surveillent les niveaux de gaz toxiques (SO2 etc) et ferment l'accès si des seuils sont dépassés. Mais un risque plus direct, plus impactant existe aussi. Voilà une séquence que j'ai récupérée de la webcam, dans la nuit du 24 au 25 mars.


Il ne faut pas oublier que le champ de lave a commencé de se mettre en place sur une zone très humide (quelle zone ne l'est pas en Islande, du reste), avec un cours d'eau. Et une partie de cette eau s'est retrouvée piégée rapidement sous la coulée, provoquant la formation de bulles de vapeur qui sont venues exploser  à la surface de la coulée, projetant des fragments de lave encore liquide, jusqu'à plusieurs dizaines de mètres de distance. J'ai aussi l'impression que la trajectoire des fragments projetés est en rotation, comme si une sorte de mini-tornade passait sur la coulée, ce qui n'est pas illogique vu l'écart de température. Bref : ce phénomène ont constitué un risque potentiel pour les personnes en visite, mais s'est heureusement déroulée à un moment où il n'y avait personne.  Il a aussi été assez bref dans le temps et  maintenant que tout le fond de la vallée est couvert, peut-être qu'il ne se produira plus....mais la question se posera à nouveau lorsque les coulées arriverons dans les vallées voisines. 

L'autre événement marquant fut, au cours de la nuit du 27 au 28 mars, la destruction partielle et lente du "bi-spatter-cône". En effet, sur une durée d'environ 3 heures, toute une portion de la structure a commencé de lentement se décrocher, glisser et s'étaler en contrebas, égueulant de fait les deux spatter-cones.


Le "radeau" formé par la partie effondrée est depuis lentement emporté par les coulées, mais il dérive de manière extrêmement lente. Cet affaissement est assez logique et je pense ne pas avoir complètement tord si je l'attribue notamment à la conjonction de deux facteurs :

- le fait qu'il s'agisse de spatter-cone, c'est-à-dire de structures formées par l'agglutination de fragments mous, soudés. La partie interne de ces spatters doit rester à très haute température et, dans certaines zones, relativement ductile. Sous l'effet de la croissance, donc de la hausse de leur masse, de la structure, un écrasement de plus en plus important se met en place et pour les partuies plus ductiles, cela conduit à leur déformation et à leur fluage. Il n'est donc pas impossible que l'affaissement se soit produit lorsque les spatter sont arrivés à une taille /etou à une masse critique.

- la position de ces spatters, ou pour le dire autrement : le rôle du relief pré-éruptif. Car il ne faut pas oublier que la structure s'édifie sur une petite butte qui trônait sur le bord du vallon. Ils sont donc en croissance sur la pente de cette butte, et croitre sur une pente n'est pas vraiment un gage de stabilité, évidemment. La direction de l’affaissement est ainsi parallèle à celle de la pente (vers le nord-ouest à peu près).

Sauf événement exceptionnel, la prochaine étape interessante devrait être le débordement des coulées dans la vallée voisine.


Mise à jour, 02 avril, 12h22

Les analyses menées régulièrement sur les échantillons récoltés sur les coulées ne se font pas que sur les principaux constituant (éléments dit majeurs, comme SiO2 ou MgO etc) mais aussi sur des éléments en traces (concentrations extrêmement faibles), et en particulier les Terres Rares qui, dans le tableau de Mendeleïev vont du Lanthane au Lutecium. L'analyse de ces éléments chimiques permet de caractériser la source qui, dans le manteau, produit le magma que l'on voit émerger et se répandre à la surface de la Terre actuelle dans le vallon de Geldingadalir. Les informations transmises ne sont que partielles mais révèlent deux choses :

- comme pour les éléments majeurs, la composition du magma en Terre Rare ne varie pas de manière significative pour le moment: le magma que l'on voit sortir actuellement à la webcam a la même composition que le magma qui est sorti au cours des premières heures de l'éruption. Une homogénéité qui mérite d'être soulignée et qui corrobore le fait que ce magma arrive directement du manteau, sans avoir interagit  avec une poche de magma stagnante dans la croûte.

- cette composition en Terres Rares a été comparée à la composition des autres laves du système volcanique de Krysuvik-Trölladyngja et il se trouve qu'il est très significativement différent, en particulier appauvri en Terres Rares légères. Les volcanologues en concluent que la composition du manteau qui fournit ce magma est différente de la composition du manteau qui a produit les précédents magmas sur cette zone volcanique. 

 

Composition en Terres Rares des laves composant le système volcanique de Krysuvik-Trölladyngja. Image : UIS

Peut-être avez-vous déjà en tendu dire que l'Islande existe parce que la production de magma est plus grande dans la manteau qui se trouve à l'aplomb. Et cela en raison de la combinaison de deux processus , pour faire simple: le processus d'écartement de plaques tectoniques et un point chaud. Les deux processus formant du magma, le fait qu'ils se produisent localement au même endroit induit localement une plus grande production de magma dans la manteau, donc plus d'éruptions, donc une augmentation accrue de l'épaisseur de lave accumulée...donc, de facto, une croûte plus épaisse. C'est cette épaisseur accrue dont le sommet émerge des eaux de l'Atlantique et que l'on appelle "Islande". Et bien ces deux processus mettent en jeu des manteaux différents et donc produisent des basaltes de compositions différentes:

- le MORB (Middle Ocean Ridge Basalt) produit par un manteau superficiel

- l'OIB (Oceanic Island Basalt) qui garde les traces d'un manteau un peu plus profond.

 

Globalement , que ce soit pour cette éruption ou celles qui ont lieu il y a plusieurs centaines ou milliers d'années, le profil des Terres Rares ressemble plutôt à celui que l'on trouve pour le manteau de type MORB, et pour être plus précis, plutôt EMORB. Pour le dire autrement la production de ce magma pourrait être plus en lien avec l'ouverture océanique qu'avec le point chaud. Mais je préfèrerais que des analyses par des gens plus sérieux que moi nous permette d'y voir plus clair sur ce point. Car si c'est bien un EMORB que l'on voit sortir à la webcam, alors cela signifie que cette petite éruption édifie une petite portion de plancher d'Océan Atlantique sous nos yeux. Et c'est éruption après éruption, sur des dizaines de millions d'années que ces petites éruptions produisent tout un plancher océanique.


Mise à jour n°2, 05 avril, 18h23

L'activité a finalement évolué aujourd’hui avec l'ouverture d'une nouvelle fracture éruptive vers 12h00 (heure locale) , dans le prolongement de la première et à environ 700 m au Nord-Est de cette dernière. Les autorités ont immédiatement évacué la zone le temps que la situation se stabilise.




Le champ de lave de Geldingadalir a droite, et la nouvelle coulée. Image :Vedurstofan

 

La nouvelle fracture fait environ 200 m de long et est séparée en 2 segments d'où le magma s'échappe:

- de manière faiblement explosive, avec une activité de spattering

- de manière plus effusive avec la formation notamment d'une belle coulée qui a,dès sa source, été canalisée par un petit talweig menant dans la vallée Merardalir, qu son front a déjà atteint d'ailleurs. 


Belle coulée bien canalisée par le talweig, qui débouche dans la vallée Merardalir. Image :
Vedurstofan


La webcam  étant pointée sur la nouvelle fracture il est difficile de dire si l'activité sur le site de
Geldingadalir a été modifiée par ce changement mais il sera intéressant de suivre l'évolution. En tout cas après 18 jours d'une activité stable, et d'une sismicité devenue très faible, la situation nous réserve des surprises! J'ai en particulier hâte de voir des résultat d'analyses de la lave émise sur cette nouvelle fracture. Et si j'ai peu de doutes qu'il s'agisse qu'il s'agit évidemement du même dyke, je me demande si cette nouvelle fracture:

- s'ouvre parce qu'une quantité de magma un peu plus importante arrive (plus de contraintes sur les roches, et la fracture s'élargit). Et dans ce cas-là, il serait intéressant de savoir si le magma arrivant a strictement la même composition que celui qui sortait jusqu'à présent.

- s'ouvre parce que rien n'a changé du côté du dyke, mais que la croûte était vraiment fragilisée (en lien avec l'intense crise sismique pré-éruptive) et qu'une seconde portion a fini par céder.

Si vous voulez un scénario où le magma joue un rôle "actif" (où il force son passage) et un autre où il aurait un rôle "plus passif" avec un dyke déjà là depuis 2-3 semaines et qui se contenterais de sortir si je puis dire.

Reste à expliquer la faible sismicité liée à tout ça (croûte déjà assez fracturée?) et l'absence de signal GPS, qui tendrait à s'accorder un peu plus avec le second scénario. Mais attendons l'avis de spécialistes Islandais pour savoir de quoi il retourne!

Pas de déformation notable depuis le début de l'éruption sur cette station SENG proche du site éruptif. Image : UIS

 

 

Mise à jour n°3, 07 avril, 08h56

L'éruption se poursuit et a de nouveau évolué cette nuit lorsque, quelques secondes après minuit, une troisième fracture éruptive s'est ouverte entre les deux précédentes, dans le même alignement. De cette nouvelle fracture, sur laquelle du spattering édifice une nouvelle série de saptter-cones, une coulée de lave a émergé, s’écoulant lentement en direction du champ de lave de Geldingadalir. La jonction a eu lieu vers 00h40 (heure locale).

 


 

Avant l'ouverte de cette troisième fracture les images indiquent que l’effusion sur la seconde fracture a rapidement diminué : il n' y a pour l'heure plus aucun front de coulée actif dans la plaine de Meradalir et il est possible que l'injection de magma entre les 2 premières fractures soit liée à cette baisse de débit.

L'activité reste globalement modeste et la question qui se pose maintenant est....où va s'ouvrir la 4ème fracture?


Mise à jour x4, 10 avril, 18h13

La réponse à la question ci-dessus a été donnée cette nuit, vers 03h00 du matin, par l 'éruption elle-même puisque la 4ème fracture s'est ouverte entre les fractures 2 et 3. L'activité sur ce 4ème évent est tout à fait similaire à ce qui se passe depuis le début: débit modeste avec une faible activité explosive (sapttering) et une effusion (coulée de lave). Une bonne partie des coulées produites arrivent d'ailleurs dans le petit vallon initial.

Les 4 évents alignés sur ce (pas terrible) montage d'images prisent par l'une des caméras en streaming. Images : RUV

Visiblement, comme pour les trois précédentes ouvertures d'évents éruptifs, il n'y a pas eu de signes précis  (pas de sismicité particulière annonçant la fracturation en surface). C'est la raison pour laquelle le secteur où les évents se sont ouverts est strictement interdit d'accès.

Mise à jour n°5, 13 avril, 21h13

L'activité, même si elle reste globalement peu intense, a continué d'évoluer aujourd'hui avec l'ouverture en cours de matinée de deux nouveaux évents le long de la fracture éruptive : le dyke n'a pas finit de déchirer la surface de la croûte terrestre on dirait!

L'évent n°5, dont l'ouverture a débuté vers 08h20 (heure locale) par l'apparition d'un panache de gaz à travers le champ de lave (le magma n'a commencé de sortir qu'à partir de 08h38) se localise entre le 1 et 3 et sur ce nouveau tronçon de la fracture deux bouches sont actives (disons 5 a et 5b par exemple.....Et je sens que ça va finir par devenir compliqué si on fait comme ça....bref).

L'évent numéro 6 (j'ai pas l'horaire exacte tout de suite) lui s'est ouvert entre le 3 et le 4 et semble aussi constitué de plusieurs bouches.

Localisation de tous les évents sur une image d'une webcam mbl. Image: mbl.is, via la volcanologue Thorbjorg Agustsdottir

Les dernières données publiées en ligne indiquent qu'au 12 avril (milieu de journée) le champ de lave constitué par ces multiples évent s'étendait sur 0.75 km² et représentait un volume de 10 millions de m3. Débit estimé le 10 avril à 4,7 m3/s, dans la moyenne mesurée depuis le début de l'éruption, et qui n'avait pas varié malgré l'ouverture des évents 3 et 4: il faudra voir si cela se poursuit malgré l'ouverture des évents 5 et 6. Si c'est le cas alors le débit total se répartit sur les différents évents. Il sera intéressant dès lors de voir comment évolue le champ de lave mais à priori, avec des débits faibles pour chaque bouche, il devrait y avoir surtout une hausse de l'épaisseur (par empilement successif des coulées) et peu ou pas d'extension latérale (faible hausse de la surface couverte par les coulées). Une sorte de mini volcan-bouclier quoi.

Il n'y a pas eu d'information récente concernant la composition de lave : la dernière remonte au 05 avril, avec l’analyse de la lave émise lors de l'ouverture de l'évent n°2: il n'y avait pas de différence de composition avec ce qui avait été analysé depuis le début de l'éruption. Même dyke, même composition, même source...tout pareil. Et il est fort possible que ça soit le cas aussi pour les autres évents mais on est jamais à l'abri d'une surprise!

Sources: Verdurstofa; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Hreiðar Júlí­us­son/Mbl.is; UIS, merci à Shérine France pour le lien vers la vidéo du drône.

 

Pacaya, Guatemala, 2552 m

L'activité au Pacaya reste nettement supérieure à ce qu'elle a pu être depuis sa reprise en 2015. Je vous avait parlé des séquences d'émissions abondantes de cendres et lapillis qui avaient lieu depuis le sommet du cône Mac Kenney, et donnaient lieu à des panache haut parfois de plus de 3000m ces dernières semaines. Ces phases ont souvent été accompagnées de formations de coulées de lave, le magma perçant à différents endroits du cône (stratocône même, pour ne pas confondre avec les édifices monogéniques). Ces émissions de cendres/lapillis se sont poursuivies jusque dans la nuit du samedi 20 au dimanche 21 mars, moment où une importante fissure éruptive s'est ouverte assez bas sur le versant nord-ouest, au niveau du col que Mac Kenney fait avec le Cerro Chino. De cette fracture a débuté une abondante effusion de lave relativement fluide, formant des coulées dont la texture est dite "aa", tandis que sur la fracture même s'édifie des spatter-cones (et oui, encore). 

Extension du champ de lave au 30 mars (un champ de mars, en quelque sorte*). Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
 

Le 24 mars cette coulée mesurait environ 2500m de long, progressant plus lentement une fois arrivée en contrebas de l'édifice, dans le secteur de la bourgade d'El Patrocinio. Toutefois ce secteur est en partie couvert de zone d'exploitation, notamment des fincas de Café. Et rapidement certaines portions de coulées ont commencé à détruite des plantations, avec au moins une maison qui semblait déjà inhabitée.


Les dégâts restent limités et en tout étant de cause, vue la topographie, la partie principale d'El Patrocinio ne craint rien même si la lave ne passe qu'à environ 1km de la zone principale d'habitation. Et pour cela il faut remercier l'avalanche de débris qui a eu lieu il y a environ 1000 ans et emporté une partir de l'édifice qui existait alors et dont, aujourd'hui, le cône Mac Kenney occupe la place.

Remercier une avalanche de débris semble...étrange. Mais le dépôt caractéristique que ce phénomène créé, parsemé de petites collines appelée "hummocks" (d'immenses morceaux de l'édifice effondré), est extrêmement chaotique et rend la progression des coulées très complexe. Ainsi une bonne partie d'El Patrocinio est protégée par un "rempart de hummocks". Par contre si les habitations ne sont pas en dangers vis à vis des coulées, elles peuvent l'être par les incendies que les coulées déclenchent et, là, la proximité est un problème : les autorités regardent de près la situation pour lancer d'éventuelles évacuations. La population peut en effet non seulement être mise en danger par les flammes mais aussi par les gaz de combustions et les particules.

Par contre il serait intéressant de pouvoir réaliser une simulation de la progression  des coulées pour savoir si la partie sud du village (San Jose el Rodeo), un peu délocalisée pourrait tout de même être touchée. En effet la topographie fait un sorte de petit col que les fronts pourraient peut-être franchir si cette phase effusive restait assez longtemps alimentée. De l'autre côté de ce col se trouvent quelques chemin et les habitations de San Jose. Mais pour savoir si cette éventualité est réaliste il faut une modalisation assez précise du terrain et un algorithme similaire à celui utilisé par les volcanologues Islandais pour la coulée. La dernière fois que ce secteur a été impacté par les coulées, c'était en 2014.

Cette phase effusive intense est à nouveau accompagnée depuis le 31 mars par d'abondantes émissions de cendres et lapillis depuis le sommet du Cône Mac Kenney. Non, vraiment il sera intéressant de voire quelles sont les conclusions des analyses de cette longue phase d'activité très soutenue, peu fréquente au Pacaya.

Dernier détails, puisque j'ai évoqué les avalanches de débris : la stabilité du Cône Mak Kenney reste un sujet très important. Des mesures radar faites entre 2010 et 2014 ont permis de mettre en évidence un lent et faible mouvement du flanc sud-ouest, malgré le fait qu'entre 2011 et 2013 il n'y avait aucune activité éruptive et aucune intrusion magmatique.  Le fait que le flanc bouge est en soi assez logique vue la situation du cône Mac Kenney mais le problème des avalanches de débris c'est qu'il faut pouvoir déterminer le moment où la rupture va démarrer : y aura-t-il une accélération du mouvement assez longtemps avant pour lancer les évacuations? Est-ce que les précurseurs seront assez clairs pour que la décision puisse être prise à temps? La zone impactée par une avalanche de débit serait immense, et ordonner l'évacuation de plus de 10 000 personnes (aujourd'hui, mais combien dans plusieurs siècles?) ne pourra pas se faire sans un faisceau assez clair d'indices. Et enfin, peut-être n'est-il pas nécessaire de paniquer : ce potentiel effondrement aura peut-être lieu dans plusieurs centaines ou milliers d'années...Mais il vaut mieux avoir cette potentialité en tête car l’instabilité est une des caractéristiques des édifices volcaniques, en particulier des stratocônes (ou stratovolcans, au choix).

* désolé, pas pu m'empêcher....

Mise à jour, 06 avril, 11h43

L'activité éruptive semble se poursuivre sur la fracture du versant sud-ouest, d'où se poursuit une effusion ave, pour conséquence, la formation du champ de lave vers El Patrocinio. Il semble par contre que l'extension de ce champ de lave soit maintenant ralentie, soit que le débit est moins important à la source, soit qu'une partie des coulées s'accumule sur les précédentes, ce qui augment plus le champ en épaisseur qu'en largeur. Ce point n'est pas très clair actuellement mais quoi qu'il arrive l'image satellite réalisée le 04 avril par SENTINEL 2 montre que c'était alors la partie amont (proche de la fissure) qui était la plus active, la partie la plus aval (qui a impacté les zones cultivées) semblant elle plus "calme" (image à comparer avec celle mise en début de post).


L'activité éruptive avec le nouveau champ de lave, le 04 avril. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Mais comme cette effusion se poursuit et que dans le secteur d'El Patrocinio et San Jose el Rodeo des fronts de coulées continuent de lentement progresser, les volcanologues ont cru bon ...de faire une simulation ! Des fois il suffit de demander :)

C'est une carte qui ne s’interprète pas comme "les coulées vont passer par là si il y a telle ou telle condition initiale", ce qui était le cas pour celle produit pour l'éruption de Krysuvik. Non, là la méthode utilisée est plutôt de dire: on vous prépare une carte avec tous les chemins possibles pour les coulées, mais en indiquant (par un code couleur) la probabilité qu'elles passent par chaque chemin. Ainsi pour les personnes qui doivent prendre des décisions, toutes les possibilités restent ouvertes mais elles réfléchissent en fonction d'une probabilité et peuvent donc moduler leur décision.

Carte de probabilité des voies susceptibles de canaliser l'écoulement de lave. Image : Danilo Juarros

Notez que l'auteur indique qu'il s'agit d'une carte préliminaire susceptible de changer (je me demande comment serait un résultat avec des données topographiques plus précises puisque là c'est du SRTM 30 m alors que pour Krysuvik c'est  2 m de résolution je crois) mais en tout cas, elle donne un élément de réponse à la question que je posait par rapport à San Jose el Rodeo : la probabilité est élevée (si les conditions d’effusion se maintiennent je suppose) que le col dont je parlait soit franchi, mais le cœur même de ce petit hameau ne semble pas directement menacé. Il n'en va pas de même pour le hameau d'El Caracol, au sud, qui se trouve sur une trajectoire où la probabilité que la lave s'écoule est aussi très élevée.

Pour le moment cette éruption n'a pas fait d'énormes dégât mais vous voyez qu'il vaut mieux anticiper, on sait jamais.

Sources : INSIVUMEH; CONRED; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; T13 noticias Guatemala; Noti7

17 commentaires:

  1. Salut CV !

    Encore une fois, que des infos intéressantes ! Merci !

    Concernant l’Islande, des analyses géochimiques assez complètes sont sorties (tu ne les as pas vu ?) et elles indiquent assez clairement un magma primitif sur la base du MgO et du TiO2. Ils évoquent également un zonage des cristaux qui semble indiquer un refroidissement du magma à au moins deux endroits : le dyke évidemment et une zone à 15 km, à la limite croûte/manteau… Est-ce un réservoir ? Le magma se serait stocké ici après les premiers essaims de séismes il y a deux ans ?

    Quoi qu’il en soit, j’ai été assez étonné du lien magma primitif > longue durée d’éruption, car il n’y a pas forcément de lien en fait à mon sens. J'ai du mal à saisir. Certes, l’éruption ne semble pas alimentée par un petit réservoir superficiel, mais rien ne dit non plus qu’il y a assez de magma pour dire que l’éruption va durer longtemps ! Bref, cela me surprend.

    Je suis aussi très étonné de la faiblesse de l’activité explosive au regard de ce magma primitif… Est-ce que le magma réussit à dégazer lors de sa remontée qui est, semble-t-il, relativement oblique (source désaxée par rapport à l'éruption) ? À moins que le magma en jeu depuis le début de l’éruption soit uniquement celui du dyke qui lui a dégazé lors de la phase de fracuration…

    Enfin, le phénomène identifié sur la vidéo (bien vu !) pourrait aussi être uniquement lié à un phénomène de « mini-tornade ». En effet, l’endroit en question a été recouvert au départ de l’éruption (premier weekend) : il serait donc étonnant qu’un phénomène de vaporisation de l’eau piégée par les coulées ait lieu que maintenant…

    En tout cas, je suis bien heureux que Reykjanes devienne probablement fréquemment active… On finira bien par ne plus être confiné ! 😉

    Merci encore pour les infos et bonne fin de journée,

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    1. Salut Ludovic!
      Alors pour répondre en quelques mots, je plussoie à pu près sur tout ce que tu as écrit. J'ai bien lu le premier rapport mais j'ai trouvé dommage qu'ils ne donnent pas une analyse globale de tous les oxydes. Le magma est certes très primitif mais le zonage des phénocristaux indique tout de même une phase de différenciation et j'aurais aimé avoir des détails là-dessus.
      J'avoue ne pas trop comprendre le lien potentiel évoqué entre durée de l'éruption et "primitivité du magma" mais je suppose qu'étant un magma très primitif il supposent une connexion directe au manteau et à la source profonde et donc à une zone d'alimentation dont le volume est important. Mais je reste étonné par la faiblesse du débit et la faible taille de la zone éruptive.

      Pour la mini tornade : bon, mini tornade seule pourquoi pas mais en fait on voit sur la vidéo qu'il y a d'abord des bulles de gaz qui viennent exploser à la surface. Par ailleurs la mini tornade aurait du arracher d'abord une croûte certes molle mais tout de même cohérente et très dense. CE qui se passe en fait , c'est que des bulles explosent, ouvrant une fenêtre de roche en fusion, et je soupçonne la tornade de se mettre en place presque tout de suite parce que la fenêtre est au bord du champ de lave, à l'interface entre l'air chauffé par le champ et l'air froid alentour. Et une fois que la tornade se met en place elle fait gicler la roche en fusion, et il y a des bulles continuent d’exploser par ailleurs.
      Quand à l'eau, je dois reconnaitre que tu n'a pas tord mais pour autant, le seul endroit où ces explosions ont été observées, c'est à l'aplomb de la zone humide. Par ailleurs, comme toute zone humide il faut j'imagine partir du principe qu'il y a une sorte de nappe phréatique capable d'alimenter cette zone humide. Donc oui l'eau de surface a été évaporée, ce qui n'empêcherai pas des infiltrations d'eau sous la coulée. Donc bien que ta remarque soit pertinente, je ne me permettrait pas d'exclure le rôle de l'eau dans cette affaire, il me faudra de l'argumentaire plus solide pour me faire changer d'avis :).
      Guillaume, dans le commentaire suivant,évoque la possibilité pour un lobe de coulée d'avoir emprisonné de l'air qui serait venu ensuite percer la surface. Pourquoi pas, et je ne doute pas que cela puisse se produire. Mais alors, pourquoi cela ne se produit-il pas plus souvent et surtout un peu partout sur le champ de lave, qui n'est fait que de lobes qui se recouvrent. Et là encore il faut bien constater que ce n'est qu'à l'aplomb de la zone la plus humide que ces bulles ont été observées. Moi je n'aurais pas de souci à éliminer l'eau de cet événement, mais clairement il me faudra du plus argumenté. Le rôle de l'eau reste une possibilité solide pour le moment, mais bon, j'ai bien conscience que ça ne veut pas dire que c'est la réalité.

      @+! CV

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    2. Merci pour ta réponse...

      Je suis toujours parti du principe (ce qui ne veut pas dire que je suis le vrai évidemment) que la chaleur inhérente au dyke ou à un champ de lave, de part la température qui associée, repousse les nappes phréatiques... Et on a très rarement des manifestations de surface qui permettraient de penser en ce sens. Or, si cela se vérifie, j'ai du mal à imaginer une nappe phréatique repoussée au départ de l'éruption, évaporée pour partie, revenir vers sa place initiale alors même que le champ de lave est toujours actif et très chaud...

      Bref, pas convaincu non plus ! ;)

      En tout cas, cette nouvelle fissure va donner un peu de piment à cette éruption bien jolie, mais qui d'un point de vue du dynamisme était assez monotone !

      @+ !

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    3. Non mais tu sais, ça ne veux pas dire que j'ai une idée juste de la dynamique de la nappe et de son interaction avec le dyke ou le champ de lave :). Il faut tenir compte des précipitations (fréquentes te abondantes en Islande) par exemple dans le ratio "ce que le magma évapore" VS "ce que les précipitations apportent". Ce n'est pas simple d'imaginer ce qu'il se passe en fait. Et sans échantillons analysés et même d'observations plus précises que celle faite à partir de quelques images de résolution moyenne (en pleine nuit) d'une webcam, ni toi ni moi n'aurons raison de toute manière :)
      @+
      CV

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  2. Bonjour et merci pour les détails.

    Pour les expulsion de gaz occasionnant souvent du "bullage" et même parfois des jets d'air avec création de vortex au plus fort. J'avais pensé à de l'air emprisonné par les vides créés par la solidification (solide plus dense et moins gros que le liquide contrairement à l'eau). Lorsque de la lave revient recouvrir une zone solidifiée, cet air chauffe et monte en pression puis se relâche lorsque le tout redevient assez mou. Même au milieu d'un lac de lave, on voit souvent des zones solides se créer puis se faire recouvrir.

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  3. Bon lundi de pâques à tous... et petit cadeau: lors d'un balayage du paysage vers la gauche des cônes actifs, la caméra ruv.is sur youtube montre une nouvelle activité effusive de la fracture!

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    1. Bonjour Jean-Michel. Merci d'avoir transmis le lien! :)
      CV

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  4. Tout bonnement incroyable de pouvoir assister à ça en quasi direct !

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  5. Il y a une seconde webcam qui pointe toujours vers Geldingadalir : https://www.youtube.com/watch?v=I1I-0PUhFmU

    L'activité y a bien baissé ce matin, même si c'est un poil plus intense ce soir. A noter que le niveau de la lave a bien baissé. On le voit mieux sur la première webcam, c'est allé assez vite ce matin, comme si il y avait eu une vidange.

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  6. Un petit reportage de la RUV (télé islandaise), on se rend un peu mieux compte de l'état des lieux
    https://www.ruv.is/frett/2021/04/05/thetta-getur-gerst-an-nokkurs-fyrirvara

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  7. Un survol de l'écoulement de la nouvelle fissure :
    https://icelandmonitor.mbl.is/news/news/2021/04/05/new_fissure_opens_in_fagradalsfjall_area_evacuated_/

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  8. La vidéo en direct de l'ouverture de la nouvelle fissure sur le site de la RUV :
    https://www.ruv.is/frett/2021/04/07/ny-sprunga-buin-ad-opnast

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  10. Il semblerait qu'il y ait eu encore 2 nouvelles fissures ouvertes du coté de Geldingadalir, de part et d'autres de la fissure n°3 si je ne me trompe pas, je pense entre hier soir et ce matin (interprétation toute personnelle basée sur ce live: https://www.youtube.com/watch?v=CqZKo2yim28 )

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  11. Salut, ce matin on assiste en direct à l'ouverture de nouelles fissures éruptives !
    https://www.youtube.com/watch?v=I1I-0PUhFmU

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  12. Bonjour,

    Très joli modèle 3D du site éruptif du 12 avril dernier: https://sketchfab.com/3d-models/geldingadalir-volcanic-eruption-12042021-fe5d8ed3944a466cb3d0606da36c4060?utm_medium=embed&utm_campaign=share-popup&utm_content=fe5d8ed3944a466cb3d0606da36c4060

    Bonne journée,
    MarcP

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