9 février 2021

Un point sur l'activité aux volcans Ibu, Pacaya (mis à jour) et Semisopochnoi

Volcan Ibu, Indonésie, 1325 m

L'activité au volcan Ibu est, depuis 1998, une activité mixte explosive/effusive. Le magma émis au cours de cette activité est plutôt visqueux et depuis qu'elle a débuté, elle a pu remplir très progressivement le cratère sommital. L'effusion (= formation de coulée de lave) n'est pas continue, mais se fait par phases successives, entrecoupées de plusieurs semaines/mois d'une activité surtout explosive. Je serais personnellement assez curieux de savoir si un partie de ce remplissage pourrait être dû à des petites intrusions, soulevant un peu la surface, mais je n'ai rien trouvé à ce propos.

Le post précédent concernant cette activité éruptive remonte à février 2020, et décrivait justement la mise en place d'une nouvelle coulée. Et bien cette effusion s'est poursuivie par la suite et même si elle semble avoir ralenti en milieu d'année 2020, je ne pense pas pouvoir dire, au vu des images satellites disponibles, qu'elle se soit totalement arrêtée.

Ainsi, entre avril et mai 2020, une petite partie de l'effusion a comblé un bout de cratère, juste au sud-ouest de la zone éruptive par exemple, mais le reste de l'effusion a continué d'impacter essentiellement la partie nord, du côté de l'exutoire du cratère.

L'effusion continue de remplir le cratère, m2 par m2. Images : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Mieux : les images prisent en début d'année 2021 montrent un changement un peu plus important, car il peut avoir un impact sur la suite de l'activité, pas en terme d'intensité de l'activité, mais de zonage de risques.

En effet, il est clair qu'une partie de la lave a commencé à couler sur la pente externe de l'édifice....mais pas en empruntant l'exutoire : elle a débordé directement de la lèvre nord-ouest!!

Débordement de lave sur le haut versant nord-ouest. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Ce débordement, visiblement toujours en cours mais peu actif au moment de l'image ci-dessus (10 janvier), avait débuté autour du 11 novembre 2020. C'est ce qu'indique en tout cas une autre image satellite prise à ce moment-là.

Le tout début du débordement. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

En quoi cela change la donne en terme de gestion de risques? Le changement n'est certes pas énorme et sur le court terme il n'a pas vraiment un risque accru, mais il vaut mieux gérer le risque sur le long terme (l'anticipation, quoi).  Mais mine de rien cet événement indique que la lave est maintenant de niveau avec la partie la plus basse de la lèvre cratèrique. Auparavant la mise en place des coulées de lave était contrainte par l'exutoire, qui l'obligeait couler plein nord. D'éventuelles avalanches de blocs ne pouvaient donc (potentiellement) impacter qu'une surface restreinte au pied du versant nord. Maintenant que le versant nord-ouest est aussi une voie possible, les prochaines coulées de lave pourront aussi l'emprunter et commencer à créer de petites avalanches sur le haut versant nord-ouest : la zone "impactable" par les coulées est ainsi élargie (le front de lave de la zone qui a débordé n'est qu'à environ 1800 m des premières zones de culture).

Autre chose : pour le moment l'activité reste très modeste. Les explosions ne sont pas fortes, ni fréquentes, et ne génèrent que de petites quantité des cendres. L'éruption ne produit aucun phénomène (aléa) de haute énergie (écoulement pyroclastique en premier lieu).

Panache de cendres du à une explosion ou un dégazage intense ("ash venting"). Image: Id-Magma

Mais cela ne signifie pas que ça sera toujours le cas. En 1998, lorsque le cratère était vide, un départ d'écoulement pyroclastique pouvait être contraint par l'exutoire et d'une manière générale la mise ne aplce d'un écoulement était gênée, modifiée, en partie bloquée, par les parois du cratères. Mais avec un cratère plein à ras-bord, des potentiels écoulements pyroclastiques peuvent se mettre en place dans un plus grande possibilité de directions : la surface "impactable" par les écoulements pyroclastique n'a cessé de croitre avec le remplissage de ces 20 années d'éruption. En raison de la forme du cratère (la lèvre sud est plus haute que la lèvre nord, ce qui se voit bien sur la photo ci-dessus), c'est toutefois le versant nord qui reste globalement le plus soumis aux aléas volcaniques (sauf les fortes chutes de cendres qui, elles, dépendent surtout du vent).

Mais bon, pour le moment, l'éruption ne change pas de style, ni d'intensité (en moyenne, puisqu'il y a vraisemblablement quelques variations).

Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Id-Magma


Semisopochnoi, États-Unis, 800 m

Depuis septembre 2018, le système volcanique Semisopochnoi est relativement instable. LE souci, c'est que les réseau de sismomètres qui permettait une surveillance plus fine de cette instabilité n'est plus fonctionnel et qu'il est donc difficile pour les volcanologues de l'Alaska Volcano Observatory de savoir ce qu'il s'y passe : le volcan est tout de même à plus de 2000 km d'Anchorage*.  Mais il ya les images satellites qui peuvent (un peu) aider. J'écris "un peu" parce qu'en l'occurence l'édifice est situé dans une zone au climat plutôt compliqué, marqué par une présence de nuages très importante. Et malgré la haute fréquences d'images disponibles, peu d'entre elles permettent de voir la surface.

Malgré tout, par chance, les volcanologues de l'Alaska Volcano Observatory ont pu repérer sur une image prise le 6 février par le satellite WorldView 3, un dépôt de cendres s'étirant depuis le cône actif Cerberus, en direction du nord. Ils ont alors pris la décision d'élever les niveaux d'alerte de deux crans, passant de "Unassignated" (sans niveau d'alerte) à jaune (pour l'aviation). Le but alors est plutôt d'augmenter le niveau de vigilance parce qu'en réalité rien n'indique, avec les données disponibles, qu'une activité éruptive n'ait démarré  (pas de signal thermique par exemple).

Le 08 février, les volcanologues décident d'augmenter encore d'un cran les niveaux d'alerte (orange pour l'aviation) parce que sur une autre image, LANDSAT 8 cette fois, un second dépôt de cendres est visible, confirmation de l'instabilité du système, que les volcanologues ne peuvent caractériser facilement du fait de l'absence de réseau de surveillance sur place (sismicité, déformations principalement). C'est aussi cette impossibilité qui les incite à être prudent et placer si rapidement le niveau d'alerte aussi haut, sans activité éruptive avérée : prudence et anticipation.

Les deux dépôts de cendres visibles le 07 février. Image : LANDSAT 8 - NASA/USGS

Situation à suivre de près, évidemment.

* à vol d'oiseau et si on part vers l'ouest, sachant que le Semisopochnoi est le système volcanique actif connu le plus...à l'est du globe, à seulement 15 km à l'ouest de l'antéméridien. L'autre système volcanique, peu connu et peu étudié car sous-marin, encore plus à l'est (à seulement 4 km de l'antéméridien), est le Cole (au nord de la Nouvelle-Zélande), dont on ne sait pas si c'est un système volcanique encore actif.

Sources: AVO; Landsat 8 - NASA/USGS


Pacaya, Guatemala, 2552 m

L'activité éruptive au Pacaya ne change pas de style (activité strombolienne avec mise en place de coulées de lave) mais a clairement changé d'intensité ces derniers jours.

Mais avant de rentrer dans les détails, je vais faire le lien avec le post précédent, rédigé en novembre 2020, histoire de contextualiser.

Dans ce post je décrivait l’ouverture d'une nouvelle fissure éruptive sur le versant ouest, d'où a été produit un champ de coulées de lave jusqu'en janvier. Un peu avant le 10 janvier cette effusion a cessé mais une nouvelle a débuté sur le versant sud-ouest, formant une belle langue de lave, longue de plus de 1000m. C'est cette phase effusive qui se poursuit actuellement et génère un nouveau champ de coulées.

Au sommet l'activité reste explosive, strombolienne et la morphologie du cratère change en permanence, formant de petits cônes, a posteriori détruits et remplacés par d'autres. Cette activité explosive est généralement modeste et c'est justement elle qui, depuis le 07 février, s'est intensifiée de manière très notable.

La principale signature de ce changement de régime éruptif est la formation, et le maintient, d'un panache de cendres et de lapilli depuis le cratère sommital du cône Mac Kenney, situation qui ne s'était pas encore produite depuis le début de cette phase éruptive*, en 2017. 

Les émissions de cendres assez abondantes ne sont pas fréquentes au Pacaya. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 
Le panache de cendres, long d'environ 65 km sur cette photo, est bien visible depuis la capitale Guatemala City ce 09 février 2021. Image : Sergio Osegueda, via CONRED

Et les explosions sont suffisamment intenses pour que des bombes percutent le sol à plus de 300 m de distance du sommet, le tout formant un spectacle magnifique...pour peu qu'on s'approche pas trop du sommet, évidemment. Mais il me semble que pour l'heure l'autorisation d'approcher n'est pas trop à l'ordre du jour de toutes manières.



Difficile de dire ce qui provoque ce changement de régime éruptif mais l'arrivée d'un magma plus jeune est une cause possible, mais ce n'est probablement pas la seule. Je serais curieux, par exemple, de savoir ce que les multiples effusions latérales des mois passés révèlent de la structure du cône Mac Kenney et si elles ont pu (et le cas échant  "comment") impacter cette structure.

Bon, en attendant, on pourra essayer de suivre cette activité via les quelques vidéos, photos qui circulent (étrangement peu je trouve, mais peut-être est-ce dû à la Covid 19?).

*phase qui n'est qu'une partie d'un cycle éruptif qui, lui, a débuté en 1961 après environ 200 ans d'inactivité.

Mise à jour, 10 février, 07h52

Juste une petite vidéo faite le 09 février qui montre mieux encore les émissions de cendres depuis le sommet du cône Mac Kenney. La colonne est belle, bien alimentée, dynamique : l'activité explosive est soutenue. Évidemment les villages alentours commencent à être couverts d'une fine couche de cendres, pas assez pour poser des soucis du type "toit qui s'effondre", mais probablement une gêne au quotidien (pollution des stocks d'eau potable, le linge étendu dehors, les problèmes oculaires, qualité de l'air impactée, etc).





Sources : INSIVUMEH; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Euronews; Sergio Osegueda, via CONRED

 

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1 commentaire:

  1. Merci pour ces mises à jour !

    Pour le Pacaya, les quelques photos nocturne que j'ai pu voir révèlent qu'il y a quelques frontales (et a fortiori des personnes ;) ) sous les coulées...
    Ce qui semble évident, c'est que l'édifice est relativement "fragile", en témoigne les nombreux évents effusifs sur les flancs du volcan ! C'est sans doute d'ailleurs une manière d'évacuer la pression, sans forcément trop impacter l'activité sommitale. Sauf là, depuis quelques jours...

    A+,

    Ludovic

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