17 novembre 2020

Un point sur l'activité éruptive aux volcans Pacaya et Stromboli (mis à jour)

Pacaya, Guatemala, 2552 m

Ces derniers mois ont été marqués par un maintient de l'activité éruptive au Pacaya au sommet du cône Mac Kenney. Depuis décembre 2017 de nombreuses coulées de lave se sont mises en place depuis le sommet mais aussi, depuis juin 2018, l'ouverture de plusieurs évents directement dans les flancs du Cône Mac Kenney. Évents d'où se sont également formées plusieurs coulées de lave. Le dernier percement de flanc en date avait débuté in octobre, le précédent le 20 octobre 2020 (dans le même secteur que l'évent ouvert fin 2018), et avant lui il y avait eu l'ouverture, en juillet 2020, d'une fracture éruptive à la base du versant nord du cône Mac Kenney (à environ 950 m du sommet). Bref : depuis plusieurs mois, une partie du magma parvient à se frayer régulièrement des passages latéraux, à travers le cône Mac Kenney, et ne sort pas qu'à son sommet.

Et cette série d’effusions latérales se poursuit avec, hier matin vers 03h00 (heure locale), ce qui a été décrit comme l'ouverture d'un nouvel évent à environ mi-pente du versant ouest-nord-ouest. Il a pu être observé, de loin par des campeurs qui passaient une belle nuit sous les étoiles, non loin du versant nord de l'édifice. Toutefois je relativise l'expression "ouverture d'un nouvel évent", car il est possible qu'il s'agisse en fait d'un regain d'activité sur l'évent ouvert fin octobre, mais cela reste un point à éclaircir.

 

Sur cette image on voit bien l'activité sommitale, mais elle semble seule. Image : David Rojas


Présence d'une incandescence à mi pente sur le versant ouest-nord-ouest. Image : David Rojas


Toutefois ce ne sont pas ces images qui me font rédiger ce post, mais d'autres images prisent plus tard, au cours de la matinée. Elles montrent le développement d'un panache de cendres, peu dynamique ce qui élimine une cause violemment explosive sans éliminer totalement la présence d'explosions.



Vues sous un autre angle (on reparlera de cet angle juste après), il semble qu'une bonne partie de la cause de ce panache soit la présence d'avalanches de blocs, d'ampleur limitée. Ces avalanches, si c'est bien de ce dont il s'agit, sont peut-être causées par l'élargissement de la nouvelle zone éruptive, ouverte dans une pente assez forte, ce qui est toujours source d'instabilité.


Une autre idée me traine en tête, mais pour laquelle je manque cruellement d'indices (images ou autres données) mais qui pourrait coller à la situation. Une idée qui me vient d'un constat : comment expliquer que plusieurs heures après le départ/regain de l'éruption latérale, il y ait encore autant d'avalanches? 

Ce type de situation se retrouve parfois lorsqu'il y a "bulging", comme ce fut le cas lors de l'éruption de 1995 au Cerro Negro, au mont-Saint Helens avant la phase paroxysmale de 1980, exemple le plus célèbre de bulging.

Le "bulg" (bombement) est un soulèvement de la surface du sol, une déformation qui, dans le volcanisme, est souvent (mais pas que) la conséquence d'une intrusion? À faible profondeur, cette intrusion prend parfois le nom de "cryptodôme" et sa formation soulève les strates volcaniques qui se trouve à son aplomb.

Je ne sais pas si c'est ce qui explique les avalanches observées au Pacaya plusieurs heures après l'ouverture du nouvel évent, mais disons que ça reste du domaine de l'envisageable en l'absence d'autres arguments et observations.

Par ailleurs d'autres images de ces avalanches montrent que certaines ont été assez volumineuses pour donner de petits écoulements pyroclastiques.



C'est avec ces images qu'il me semble que l'angle de prise de vue de l'avant-dernière vidéo parait potentiellement peu "sécure" car la distance qui sépare la personne qui film de l'évent n'est, si mes estimations ne sont pas fausses, que d'environ 1200 m ce qui, pour un écoulement pyroclastique même modeste, peut-être parcouru assez rapidement*.

Cet évent est visible sur l'image satellite SENTINEL 2 réalisée lors de son passage du 15 novembre, et c'est par comparaison avec une image prise le 31 octobre que je soupçonne que ce soit un regain d'activité plutôt qu'un nouvel évent.

La situation du 15 novembre obervée depuis l'espace. Image :SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Situation à suivre, bien entendu.

Sources: INSIVUMEH; CONRED; SENTINEL 2-ESA/Copernicus; David Rojas; Antonio Morales, Rodolfo Pineda et Jose Manuel Lopez Rivera (dont je ne sais pas si ils sont les auteurs des vidéos qu'ils publiées sur leur compte youtube).

* à peine 2 minutes pour un écoulement se déplaçant à 30 km/h par exemple


Stromboli, Italie, 926 m

Il est impossible de ne pas parler de la situation à Stromboli, qui reste...ambigüe. Du côté des paramètres géophyisques globaux, RAS : le niveau d'activité est décrit comme faible actuellement.

Le niveau d'activité volcanique actuel au Stromboli. Image :LGS

 

Mais malgré ça, ces derniers jours ont été marqués par deux explosions très fortes qui ont eu lieu, le 10 novembre au soir et au matin du 16 novembre.



Pour cette seconde explosion, je ne vous ferais pas l'affront de vous faire remarquer la formation d'un écoulement pyroclastique, parti de la plate-forme cratèrique et arrivé en Mer Méditerranée via la Sciara del Fuoco.

Notons tout de même une différence de couleur nette entre le panache de cendres produit par l'explosion, qui a une teinte gris foncé bien marquée, et le nuage de l'écoulement pyroclastique qui, lui, tire franchement sur le brun. Ca se voit bien sur cette photo dont les couleurs/contrastes sont un peu...accentués, ce qui permet de bien distinguer cette différence de couleur.

Le panache de l'explosion et l'écoulement pyroclastique au matin du 15 novembre. Image : Adriano di Pietro - AIV

Pas la même couleur = pas le même matériau, donc l'écoulement ne provient pas d'une partie du panache de cendres, mais plus probablement de la déstabilisation d'un bout de la pente de la Sciara del Fuoco, une portion située juste sous la plate-forme cratèrique. C'est une zone d'accumulation de bombes, lapillis, cendres : l'explosion, en faisait vibrer le tout, contribue à la déstabilisation, tout comme la forte pente ainsi que la brusque retombée d'une grande quantité de fragments projetés par l'explosion...et avec probablement l'aide d'autre chose aussi.

Car Boris Behncke faisait remarquer l'important bombement ("bulging", histoire de replacer le terme) qui a précédé l'explosion. Un phénomène qui n'est pas vraiment rare probablement mais assez peu observé. J'en avait repéré un lors d'une phase éruptive au Kirishima en 2018, grâce à une webcam par exemple. Pour Stromboli ce bulging a débuté vers 09h17min28sec et s'est poursuivit jusqu'à l'explosion, qui a démarré à 09h17min45sec d'après le timecode de l'INGV. Voilà un zoom de la vidéo, ralenti pour voir le bombement se développer.


Ce bombement a tout à fait pu contribuer aussi à la déstabilisation de la partie haute de la Sciara del Fuoco, à l'origine de l'écoulement pyroclastique.

Le fait que les paramètres géophysiques restent plutôt faibles place ces explosions à la suite de ce qui avait eu lieu en juillet 2020, et suggère que la cause de ces phases explosives brèves et intenses sont superficielles. Ce qui les rend d'autant plus importantes à comprendre puisqu'elles ne peuvent, pour le moment, être anticipées.

Mise à jour 19 novembre; 11h50

Une vidéo de cette explosion a été mise en ligne par sylinewebcams et permet d'en avoir une vision différente, plus proche déjà puisque la webcam est située en face du cône nord (sur la crête nord de la Sciara del Fuoco).





Là encore la sélection d'une zone, zoomé et passée au ralentie (et annotée pour y voir clair) permet de bien voir le bombement et de constater que son effondrement est une cause principale de la formation de l'écoulement pyroclastique.



Sources : INGV; Adriano di Pietro - AIV; LGS; Skylinewebcams

4 commentaires:

  1. Salut CV,

    La situation au Pacaya n'est pas du tout clair. Et si l'INSIVUMEH est assez ferme sur le fait que cette activité a lieu sur le même évent ouvert en octobre, cette émission de cendres et l'écoulement associé posent vraiment question !

    Une question concernant le bulging repéré à Stromboli : selon toi, quand l'INGV ou le LGS parlent de "fortes déformations localisées 3-4 min avant l'événement" (ce qui au passage est le seul précurseur connu de ces explosions majeures), est-ce la même chose ? A moins que le bulging soit simplement la partie finale, l'expansion liée à l'arrivée du slug en surface ?

    Merci d'avance,

    Ludovic

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    1. Salut Ludovic. Pour Pacaya : je plussoie, les infos, quelles que soient la source, sont insuffisantes pour se faire une idée et, malheureusement, les images qui circulent ne sont pas toujours d'une aide précieuse pour écarter les nuages. J'aurais bien aimé en intégrer quelques unes qui semblaient intéressantes mais que je ne pouvais pas totalement contextualiser. J'ai préféré ne pas mettre la vidéo où on voit le chef cuisto local préparer ses pizzas à la chaine en les cuisant sur les coulées récentes :). À suivre.
      Pour Stromboli, je pars plutôt sur ta seconde proposition : le bulging visible sur la vidéo se met en place en quelques secondes seulement.

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    2. Donc le bulging serait dû à l'inflation de la surface, suite à l'arrivée du gaz en surface (dont le volume augmente de manière très importante dans les derniers 100 m) ? Dans ce cas, il pourrait être remarqué pour toutes les explosions, avec une amplitude qui varierait évidemment selon la quantité de gaz, la morphologie du conduit en subsurface, les roches environnantes...

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    3. oui, c'est probablement ça; Et il est possible que ce type de phénomène soit fréquent mais plus discret. Ici il est exceptionnellement marqué.

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