18 juillet 2020

Un point sur l'activité aux volcans Kadovar, Nyamulagira, Etna, Raung (mis à jour) et Barren Island

Etna, Italie, 3330 m

Après la longue phase éruptive qui a illuminé la Voragine et le Cône Nord-Est, de septembre 2019 à mai 2020, seule le cône Sud-Est est resté la source d'une intense rayonnement infrarouge, au niveau de l'évent dit "la selle" (entre ancien et nouveau Cône Sud-Est, "Saddle Vent" en Anglais).
Jusqu'alors il semble que seul un important dégazage à très haute température ait été la source de ce rayonnement mais l'instabilité du système volcanique est montée d'un cran le 09 juillet avec l'apparition de projections incandescentes. Si au cours des premières heures, on pouvait hésiter sur la nature des projections* c'est tout de même une activité qui dure dans le temps puisqu'elle se poursuit en ce moment, mais reste modeste. On peut donc partir du principe qu'il s'agit bien d'une activité éruptive, qui a visuellement les caractéristiques de ce que l'on appelle "dynamisme strombolien" (ou éruption-activité strombolienne).

Projections à très haute température dans la nuit du 15 au 16 juillet. Image: INGV


Le trémor associé à cette activité, dont la source a été localisée par l'INGV sous la base du versant est du Nouveau Cône Sud-Est, ne semble pas montrer de variations particulières pour le moment. Les volcanologues ont par ailleurs noté la présence d'émissions de cendres depuis la Voragine et un signal thermique persiste au fond du Cône Nord-Est aussi.
Bref : ce système volcanique demeure toujours aussi instable.
Une situation qui mérite évidemment d'être suivie.

* soit des laves anciennes portées au rouge, auquel cas l'activité ne pouvait être décrite comme "éruptive" (ça pouvait être ce que l'on appelle un "débourrage"); soit des fragments de magma neuf, auquel cas l'activité pouvait être décrite comme "éruptive"...et visuellement on ne peut pas faire la distinction, d'où l'hésitation.

Source : INGV

Barren Island, Inde, 354 m

Cela fait des mois et des mois (depuis septembre 2019) que le MIROVA détecte des signaux thermiques régulièrement, et relativement forts qui plus est. Les données satellites avaient permis, parfois, de détecter un signal thermique faible au niveau du cône actif, en début d'année notamment.



Mais depuis, plus rien de particulier, sauf sur les relevés MIROVA. Alors artefacts (vue la fréquence, de quoi en douter) ou persistance d'une activité éruptive discrète?

C'est une image prise le 24 juin dernier par SENTINEL 2 qui semble valider la seconde option.
Ce jour-là en effet, le satellite passe au-dessus de la zone quelques dizaines de secondes après une petite explosion. Oh rien de bien méchant, une pétouille qui a produit une petite bouffée de cendres et jeté alentours des fragments de roches à haute température.


Petit panache de cendres en cours de dispersion. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Blocs chauds au sol, projetés par l'explosion. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

On peut donc supposer que c'est ce type d'activité explosive faible, intermittente, discrète, ne produisant des rayonnement infrarouge qu'au moment des explosions, qui est responsable de ce qu'on l'on observe au MIROVA depuis plusieurs mois. Une éruption faible explosive mais difficile à caractériser à distance (faiblement vulcanienne?).

Sources : MIROVA; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Kadovar, Papouasie Nouvelle-Guinée, 365 m

Une question m'a taraudé longtemps depuis que la situation s'est calmée à Kadovar : que s'y passe-t-il pour qu'un signal thermique y persiste? J'ai longtemps pensé qu'un fort dégazage post-éruption était la réponse la plus adaptée mais je me trompais.

Car si l'on regarde attentivement le tracé de la côte Est, près du petit dôme côtier formé en 2018, on voit qu'il a évolué au cours des mois, signifiant un apport de matière depuis la zone sommitale.
Mais quel genre d'apport? Cela pourrait être une érosion rapide des dépôts de l'éruption, sous forme de lahars par exemple : le climat et la nature des dépôts s'y prêtent.

Mais lorsque par curiosité j'ai mis en animation les images prisent entre juin 2019 et juin 2020, il est apparu que sur cette période, l'extrusion de lave visqueuse s'est poursuivie, changent de forme : plutôt que de produire un dôme, elle produit une coulée de lave à blocs qui, lentement, trrrrrèèèèèsssss leeeennnntteeeemmmmeennnt, s'écoule depuis la zone sommitale jusqu'à la côte, qu'elle n'a atteint qu'en juin cette année. Cette coulée a parcouru environ 500 m en un an.

Lent écoulement d'une lave extrêmement visqueuse, à très très faible débit. Images: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
L'éruption au Kadovar se poursuit donc, mais sur un mode d'une extrême tranquillité.

Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Nyamulagira, République Démocratique du Congo, 3058 m

Dans le dernier post parlant de ce système volcanique, début juin, une interrogation subsistait quand à la poursuite ou non d'une activité éruptive. D'autres images faites depuis par SENTINEL 2 permettent de confirmer la poursuite de cette éruption, et même d'une hausse de l'activité, en particulier du débit de l'effusion (= formation de coulées de lave).

Cela peut se constater dès l'image prise le 06 juin, où l'on voit une courte coulée se répandre autour de la zone active (probablement des spatter-cones)  au centre du Pit Crater, maintenant comblé par les coulées de lave. Une partie de cette lave déborde même de la lèvre sud-ouest du Pit Crater.

Au 06 juin, une petite effusion était à nouveau en cours, et un bout de coulée débordait du Pit Crater, déjà plein des coulées refroidies de la phase précédente. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Les images suivantes sont couvertes de nuages mais celle du 11 juillet permet de constater une extension importante de la zone émettrice de rayonnements thermiques. Et cette zone correspond à la zone d’accumulation de coulées remplie lors de la phase effusive précédente, située à l'ouest du Pit Crater où l'éruption a lieu. Bref: il semble qu'un nouveau "flot" de roche en fusion ait envahi la plate-forme dans laquelle s'ouvre le Pit Crater.



L'activité éruptive est donc repartie à la hausse au cours des semaines qui viennent de s'écouler et un nouveau champ de lave recommence à s'étendre hors du Pit Crater : une situation à  suivre évidemment, même si ce n'est pas évident à cause de la forte présence de nuages évidemment.

Source : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Raung, Indonésie, 3332 m

Il faut signaler la décision prise le 17 juillet par les volcanologues Indonésiens d'élever le niveau d'alerte de 1 à 2 pour le système volcanique Raung, situé à l’extrémité est de l'île de Java et dont la dernière éruption a eu lieu en 2015, formant un important cône de scories dans le cratère sommital.

Cette décision fait suite à plusieurs modifications ces derniers jours, en particulier une hausse de la sismicité, en partie composée d'un signal de type trémor, et des signaux sismiques produits par des phases de dégazage important, emportant parfois un peu de cendres brunes (roche altérées). En parallèle, un signal thermique non négligeable est détecté depuis le 17 juillet dans le cratère sommital. Difficile de dire si il est produit par une petite activité éruptive qui aurait débuté ou si la source est l'émission de gaz à très haute température : personnellement je préfèrerais avoir des images (ou d'autres types de données à recouper) avant de me faire une idée précise de la situation. 


Signal thermique détecté dans le cratère sommital. Image : MIROVA


Evolution de la sismicité, avec des signaux plus caractéristiques du volcanisme (dégazage, trémor etc). Image : MAGMA Indonesia

Pour le moment, pas de détails sur la situation, dont il faudra suivre l’évolution au fil des jours qui arrivent. Dès que je vois passer quelque chose, une mise à jour, ou un nouveau post si nécessaire, sera faite.

Mise à jour, 19 juillet 2020, 18h30

Une image satellite a été réalisée aujourd'hui par SENTINEL. Les compositions intégrant les infrarouges thermiques montrent clairement un signal intense, y compris dans la bande 8 ce qui implique de très très huates températures, compatible avec une activité éruptive. Elle est localisée dans le cratère du cône formé lors de l'éruption de 2015.

Signal thermique dans le cratère du cône de 2015. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Sources : MAGMA Indonesia; MIROVA; PVMBG; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

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