Depuis que l'activité éruptive a débuté, à ce qu'il semble en décembre 2019, elle est restée relativement soutenue mais classique dans son déroulement : une très belle activité explosive strombolienne, avec de belles pétées et une effusion, d'un débit modéré, qui a contribué à la hausse de la surface de l'île au cours des mois écoulés.
Ainsi entre décembre 2019 et juin 2020 c'est surtout la moitié nord de l'île qui s'est agrandie, par apports successifs de coulées et l'activité explosive, de son côté, semble s'être maintenue à peu près avec toujours la même intensité. J'écris "semble" parce que la fréquence des observations directes, par les Gardes Côtes Japonais, est très faible, et les images satellites quotidiennes du MODIS sont à une résolution bien trop faible pour avoir des détails qui permettent de caractériser l'activité au jour le jour.
Mais si l'idée d'une activité à peu près stable est vraisemblable, acceptable, potentiellement juste, c'est en particulier parce que le rayonnement thermique qu'elle produit a été relativement stable entre décembre 2019 et fin mai 2020, un peu moins intense en réalité en mars et avril de cette année.
De décembre 2019 à mai 2020 le rayonnement thermique est resté relativement stable, et même un peu moin intense en mars et avril. Image : MIROVA |
Toutefois, depuis début, juin l'activité s'est intensifiée de manière significative. Les premiers signes ont été repérés via les images MODIS sous la forme de panaches de cendres s'étirant assez loin de l'édifice, permettant de soupçonner une activité très dynamique. Les images réalisées par les Gardes-Côtes ont confirmé le déroulement d'une activité explosive très soutenue avec la production d'une bien plus grande quantité de cendres que lors des mois précédents.
Une petite comparaison d'images prisent les 18 mai et 07 juin 2020, avec une ellipse rouge pour montrer les deux mêmes zones de l'île, afin de faciliter la comparaison. Images: Japan Coast Guards |
Depuis lors les images satellites quotidiennes du MODIS, parfois entrecoupées de photos des Gardes-Côtes Japonais (JCG), ont permis de constater que cette phase plus intense s'est poursuivie. Impossible par contre de dire si elle a été strictement continue ou si elle a connu des phases de pauses. Lors du dernier survol réalisé par le JCG, le 29 juin dernier, l'activité n'était pas sans rappeler, au moins visuellement, l'ambiance d'éruptions paroxysmales de l'Etna...mais en moins impresionnant tout de même.
Jet de gaz et de particules de lave (cendres, lapillis, bombes) incandescents au sommet du cône en construction :belle ambiance!. Image : JCG |
L'activité malgré tout été assez intense pour être visible depuis Ogasawara (île Chichi-Jima), à plus de 100 km à l'est de distance tout de même, et avec les éclairs intrapanache en plus!
L'éruption à plus de 100 km de distance. Image: @ssm_oic (le nom de l'auteur est inconnu) |
Cette activité explosive se traduit, depuis décembre 2019, par la reprise de la construction du cône de scories qui trône sur l'île. Au cours des premiers mois, puisque l'activité explosive a été modeste, la croissance du cône l'a été elle-aussi. Mais il a subit une belle crise de croissance depuis l'intensification de l'activité passant, en une quinzaine de jours, d'un diamètre à la base d'environ 600 m* à plus de 820 m de diamètre*.
Malgré tout, ce qui est le plus surprenant et intéressant** dans cette crise, c'est l'évolution morphologique qu'à connu le cône de scorie ces derniers jours. Les images réalisées le 29 juin montrent en effet que son flanc sud est totalement éventré, avec une belle structure en "fer à cheval", un égueulement. Ce dernier est, d'ailleurs, déjà partiellement comblé puisqu'il y a une paroi de scories qui la coupe en deux.
Structure en fer à cheval du versant sud. Image : GSI |
Au pied de ce versant les Garde-Côte ont pu photographier un dépôt étrange, fortement oxydé, dont la surface est très chaotique et d'une surface limitée. Les images, qu’elles proviennent de données satellites (radar comme celle ci-dessus) ou des photos des Garde-Côtes, montrent clairement que ce dépôt n'est pas dans l'axe du Fer à Cheval, mais est allongé vers le sud-ouest, l'axe du fer à cheval étant nord-sud.
Les images prisent de plus près semblent indiquer que ce dépôt est fait d'un mélange de scories oxydées (rouge-orange) et de lave fraîche (gris sombre) formant de grosses masses fracturées. Sur une photo on voit même une coulée en cours de mise en place, dont ont voit qu'elle est aussi pleine de fragments oxydés mélangés à la roche en fusion.
On peut noter par ailleurs la présence d'une crête elle-aussi oxydée, visible sur l'avant-dernière image, juste en amont de ce dépôt.
J'ai vu passer sur twitter, en Japonais et avec une google trad (donc à prendre avec des grosses pincettes quand il s'agit pour l'algorithme de traduire du Japonais), une interprétation géologique traduite sous le terme "avalanche". Je ne sais si, dans l'échange Japonais, le concept d'avalanche était bien celui utilisé, mais en ce qui concerne le Français, le mot "avalanche", qui implique une dynamique particulière, ne me semble pas adapté pour expliquer la mise en place de ce dépôt.
Pour tout dire, l'ensemble des éléments (le dépôt, la crête, le fer à cheval) et leur orientation respective, me fait plus penser à un arrachement du flanc sud, un phénomène bien moins dynamique, bien plus progressif, qu'un avalanche.
Un arrachement est le fait, pour une portion de cône, d'être emporté, progressivement, par un flot de lave. Il peut s'agir de la conséquence de la mise en place de dykes qui fragilisent la structure du cône de scories. Lorsque les dykes parviennent à la surface, formant des coulées de lave, la partie fragilisée se détache, un peu comme un radeau si vous voulez. La partie interne du cône de scories, fortement oxydée, est mise à nue, se fragmente et se disloque tranquillement, mélangé à la roche en fusion.
Cela doit être très spectaculaire à observer mais toutefois pas vraiment rapide : probablement plusieurs dizaines de minutes, peut-être quelques heures.
Quand au moment où cet arrachement a eu lieu? Difficile à dire. Avant le 29 juin, c'est une certitude. Peut-être vers le 26-27 juin car on voit à ce moment là sur les images MODIS une très vaste tâche verte, bien marquée du côté sud de l'île, et plus importante que celle qui était présente avant. Elle pourrait avoir un lien avec l'arrivée en mer des fragments oxydés et de la roche en fusion.
L’interprétation d'arrachement (plutôt qu'un autre mécanisme), et son éventuel lien avec la grande tâche verte, restent hypothétiques par contre. Il est possible que le dépôt oxydé et le fer à cheval soit le fruit d'un autre mécanisme, et je n'ai rien pour étayer le lien avec la tâche verte. Ca sera donc interessant de voir si des informations précises sortent sur tout ça.
Dépôt fortement oxydé sur la côte sud, le29 juin. Image : JCG |
Les images prisent de plus près semblent indiquer que ce dépôt est fait d'un mélange de scories oxydées (rouge-orange) et de lave fraîche (gris sombre) formant de grosses masses fracturées. Sur une photo on voit même une coulée en cours de mise en place, dont ont voit qu'elle est aussi pleine de fragments oxydés mélangés à la roche en fusion.
Le dépôt oxydé vu de plus près. Image : JCG |
On peut noter par ailleurs la présence d'une crête elle-aussi oxydée, visible sur l'avant-dernière image, juste en amont de ce dépôt.
J'ai vu passer sur twitter, en Japonais et avec une google trad (donc à prendre avec des grosses pincettes quand il s'agit pour l'algorithme de traduire du Japonais), une interprétation géologique traduite sous le terme "avalanche". Je ne sais si, dans l'échange Japonais, le concept d'avalanche était bien celui utilisé, mais en ce qui concerne le Français, le mot "avalanche", qui implique une dynamique particulière, ne me semble pas adapté pour expliquer la mise en place de ce dépôt.
Pour tout dire, l'ensemble des éléments (le dépôt, la crête, le fer à cheval) et leur orientation respective, me fait plus penser à un arrachement du flanc sud, un phénomène bien moins dynamique, bien plus progressif, qu'un avalanche.
Un arrachement est le fait, pour une portion de cône, d'être emporté, progressivement, par un flot de lave. Il peut s'agir de la conséquence de la mise en place de dykes qui fragilisent la structure du cône de scories. Lorsque les dykes parviennent à la surface, formant des coulées de lave, la partie fragilisée se détache, un peu comme un radeau si vous voulez. La partie interne du cône de scories, fortement oxydée, est mise à nue, se fragmente et se disloque tranquillement, mélangé à la roche en fusion.
Cela doit être très spectaculaire à observer mais toutefois pas vraiment rapide : probablement plusieurs dizaines de minutes, peut-être quelques heures.
Quand au moment où cet arrachement a eu lieu? Difficile à dire. Avant le 29 juin, c'est une certitude. Peut-être vers le 26-27 juin car on voit à ce moment là sur les images MODIS une très vaste tâche verte, bien marquée du côté sud de l'île, et plus importante que celle qui était présente avant. Elle pourrait avoir un lien avec l'arrivée en mer des fragments oxydés et de la roche en fusion.
Une tâche verte plu importante entoure l'île de Nishinoshima les 26-27 juin. Image: MODIS |
L’interprétation d'arrachement (plutôt qu'un autre mécanisme), et son éventuel lien avec la grande tâche verte, restent hypothétiques par contre. Il est possible que le dépôt oxydé et le fer à cheval soit le fruit d'un autre mécanisme, et je n'ai rien pour étayer le lien avec la tâche verte. Ca sera donc interessant de voir si des informations précises sortent sur tout ça.
* respectivement les diamètres des très beaux Puy de Monjuger (très boisé) et Puy des Goules (facilement accessible) en Chaine des Puys, pour celles et ceux qui connaissent déjà, et pour celles et ceux qui, peut-être, viendrons faire connaissance un jour :)
** pour moi en tout cas
Sources: MIROVA; MODIS; JCG; GSI; @ssm_oic; et merci à Shérine France qui partage pas mal de tweets sur Nishinoshima!
Salut CV,
RépondreSupprimerJ’abonde dans ton sens : ça me fait penser à un arrachement du flanc sud du cône, pas forcément en lien avec la mise en place de sills ou de dykes. Cela peut aussi être la simple conséquence d’un cratère trop réduit pour évacuer la pression liée à ce paroxysme (probablement causé par un magma plus riche en gaz) !
Ça me rappelle ce que j’avais eu la chance de voir lors de l’éruption du 11 septembre 2016 sur la Fournaise. Le cône avait réussi à combler l’égueulement, ce qui permit au « lac » de monter dans le cône. Rapidement, la pression exercée par ce dernier sur le flanc nouvellement formé réussit à la repousser complètement, formant un nouvel égueulement… Les morceaux de ce flanc s’étaient alors un peu mélangés à la coulée, mais avaient surtout été repoussés sur le côté, au bord du chenal ! Un spectacle magique ! https://youtu.be/OSHf4xGgOZY
Bon, évidemment sur Nishinoshima, cela devait être incomparable vu la taille du cône ! Mais les différents indices font penser à un phénomène similaire !
Sinon, une question par rapport à la tâche verte, sait-on à quel phénomène elle peut être reliée ? Est-ce bien une activité biologique comme j’ai dans l’idée ? Car toutes les tâches n’ont pas la même couleur ; le marron serait dû à un peu de particules rocheuses ?
Merci,
Ludo
Bonjour Ludovic. Il n'y a pas de contradiction entre la formation de dykes et ta proposition. Quand on parle de pression, c'est de la pression exercée par le magma sur les roches environnantes dont on parle, et c'est le magma sous pression qui se déplace sous la forme de dykes principalement.
SupprimerLa question qui se pose la cause de la formation des dykes latéraux:
- ton hypothèse par exemple: le "bouchage" dû à la construction du cône ce qui oblige le magma à se propager sous forme de dykes latéraux (plutôt que vers le haut) entrainant l'arrachement. Seul cause de doute pour moi : l'activité au sommet reste toute à fait importante et continue, ne semble pas foncièrement perturbée. Mais bon : comme je dis dans le post, je ne suis pas sûr d'avoir les détails nécessaires pour me faire une idée vraiment précise.
- soit un phénomène "exterieur", volcanotectonique par exemple: une instabilité du versant sud (cause à déterminer) qui permet à une partie du magma de se faufiler sous forme de dykes latéraux, ce qui finit de fragiliser la structure et provoque l'arrachement, sans pour autant perturber l'activité. Va falloir que je cause avec un des mes anciens profs sur ce sujet.... il aura sûrement plus de clés de compréhension.
Quand à la tâche verte c'est toujours difficile à dire via des images satellites en couleurs naturelles, et surtout à si faible résolution. Ca me rappel plutôt une origine volcanique tout de même, mais c'est vrai qu'il peut y avoir des blooms (https://laculturevolcan.blogspot.com/2014/01/eruptions-sous-marines-reperer-les.html). Comme je le dit dans le post : je soupçonne un lien avec l'arrachement mais suis dans l'incapacité d'argumenter pour confirmer ou infirmer. Si je trouve quelque chose par contre : PAF! Mise à jour! (ou nouveau post).
Merci de ton intervention en tout cas.
Bonne journée
CV
Bonjour, cela peut être tout simplement la partie Nishinoshima qui est engloutie par Niijima https://pen-online.com/fr/travel/nishinoshima-la-naissance-dune-ile/
RépondreSupprimerBonjour, j'ai un exposé a faire dessus, je n'ai pas bien tout compris avec toute ses dates, quelle est la dernière éruption qui il a eu par rapport à ce volcan?
RépondreSupprimerMerci d'avance et bonne journée!
Bonjour Clémence. Oui je peux comprendre que ça fasse beaucoup de dates. La dernière éruption a eu lieu de début décembre 2019 jusqu'en août 2020. .
SupprimerBonne journée à toi et bonne chance pour ton exposé!
CV