Voilà plusieurs mois que le calme, relatif, était revenu au Bagana. Seul un vigoureux dégazage persistant s'y déroulait depuis la fin de la précédente phase éruptive, d'août à octobre 2019. Mais depuis peu, des signaux thermiques faibles mais assez fréquents, semblaient indiquer un changement.
Ces signaux thermiques ont tout d'abord été détectés par le MIROVA, qui montre que la "séquence thermique" commence mi-mai, timidement, puis devient plus forte début juin.
Depuis la mi-mai un groupe de signaux thermiques plus fréquents est visible. Image : MIROVA |
Le problème avec Bagana c'est sa localisation géographique, en pleine zone équatoriale (6° de latitude sud), qui induit la présence quasi permanente de nuages. Malgré cela, on pouvait distinguer, à travers ces nuages, une zone d'où un signal thermique, faible mais bien présent, était émis. Une zone située à mi-pente sur le versant nord-ouest et non pas au sommet comme le sont les sources de chaleur habituelles, liées au dégazage évoqué plus haut. Ce signal est présent sur l'image prise le 1er juin et est toujours là quelques jours plus tard, le 06 juin, impliquant que la source de ce signal est un objet statique ou alors que le secteur est maintenu chaud par des apports réguliers....
Par contre la nature exacte de la source est difficile à reconnaitre à partir de cette image.
En plus du signal thermique habituel au sommet (dû au dégazage), une autre source, faible, est apparue en contrebas. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus |
Toutefois l'utilisation de données radar SENTINEL 1 permet de constater, en comparant les données récoltées en avril avec d'autres récoltées le 11 juin, que tout le quart nord-est de l'édifice a subit quelques changements dans l'intervalle.
Il y a, en effet, ce que l'on appelle une "perte de cohérence" (la cohérence étant le niveau de corrélation, pixel par pixel, entre les deux jeux de données radar en quelque sorte). Une corrélation forte est traduit par des pixels blancs à l'image, mais une perte de cohérence (une variation) est traduit par des pixels plus sombre (avec les 50 nuances de gris qui vont avec évidemment). Souvent, sur la terre ferme, la perte de cohérence est due à la végétation mais le massif en est dépourvu : la végétation ne peut être en cause dans les modifications observées.
Cette image de cohérence montre trois lobes distincts : un sur le versant nord, un autre sur le nord-est et un troisième vers l'est, où la cohérence est très faible (sombre). Dit autrement : il y a eu des modifications entre avril et juin sur ces trois zones, alors que le reste du massif est inchangé.
Vue l'extension et la forme (en lobe) de ces zones, on peut raisonnablement penser qu'elles correspondent à des dépôts de fragments, vraisemblablement des avalanches de blocs. Il peut donc s’agir d'une explication de la présence du signal thermique faible à mi-pente de l'édifice, début juin.
Par contre cette activité s'est accentuée récemment et sur l'image prise le 21 juin on voit clairement des signaux thermiques relativement forts, allongés dans la pente sur 1000 m environ, l'un vers le nord, l'autre vers le nord-ouest.
Cela ressemble fort à des coulées de lave en cours de mise en place.
Les signaux thermiques étendus sur cette image suggèrent la présence de coulées de lave sur les versants nord et nord-ouest. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus |
Il semble donc que le système volcanique soit entré dans une nouvelle phase éruptive depuis le mois de mai.
Voilà un scénario qui parait probable : la phase éruptive a commencé par l'évacuation du reste de magma qui stagnait et se refroidissait tranquillement dans l'édifice depuis la fin de l'éruption précédente il y a moins d'un an, ce qui a donné des avalanches de blocs "tièdes", qui n'ont pas causé de signaux thermiques très forts. Puis le magma neuf, plus chaud a commencé à sortir, dans les tous derniers jours de mai, peut-être début juin, produisant de courtes coulées de lave actuellement toujours en cours de mise en place.
Pour en savoir plus sur le Bagana : un post avait été dédié en 2018.
Sources : SENTINEL 1 & 2 ESA/Copernicus; MIROVA
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