Sangeang Api, Indonésie, 1949 m
L’éruption qui a débuté en mai 2017 continue tranquillement, sans grand changements. La seule petite évolution, me semble-t-il, est que la coulée de lave qui est produite par l'éruption est moins longue depuis plusieurs mois, signe d'un débit plus faible, mais globalement l'activité reste assez stable.
Elle reste mixte: effusive et explosive. Au niveau de l'évent actif les explosions, dont le dynamisme semble se situer entre le strombolien et le vulcanien (peut-être même plus vulcanien d'ailleurs) projettent bombes, blocs, lapillis et cendres aux alentours et il vaut mieux ne pas se poster n'importe où pour observer, car certains fragments semblent retomber à une distance supérieure à 300 m, sur la pente externe du cratère ouvert lors du paroxysme de 2014*.
Cette accumulation progressive de fragments constitue un très beau cône, d'une belle morphologie régulière, dont le haut versant Est est percé d'un second évent d'où s'échappe la coulée.
Cette coulée est longue d'environ 500 à 600 m et sa surface la classe dans les coulée de lave dite " à blocs", signe d'une viscosité relativement élevée.
Activité belle et stable donc: situation à suivre, évidemment.
La situation décrite dans ce post vue dans sa globalité grâce à cette image satellite prise fin mai. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus |
* dont la morphologie suggère fortement qu'il est le résultat d'un effondrement et que je ne serais pas étonné si l'on avait des dépôts de type "avalanche de débris" en contrebas et jusqu'en mer.
Sources: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; youtube/hshdude
Kadovar, Papouasie Nouvelle-Guinée, ~365 m
L'éruption qui a débuté en janvier 2018 se poursuit et ne semble changer ni en style ni en intensité. Les rares images satellites dégagées suggèrent toutes que le dôme continue d'être produit mais son volume ne change globalement pas, ce qui est logique. En effet lors de la croissance d'un dôme sa partie superficielle, en contact avec l’atmosphère, se refroidit et se solidifie, formant une carapace. Le dôme étant en croissance, son volume augmente et cette carapace est étirée dès sa formation: elle s’effrite et s'éboule, ce qui produit des avalanches. Cette perte compense la croissance du dôme et le volume de ce dernier reste globalement stable.
Finalement on ne sait que le dôme est toujours en croissance qu'en raison de la présence d'avalanches de blocs sur le versant est. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus |
Toutefois ce n'est pas cette stabilité qui m'a incité à parler du Kadovar dans ce post, mais plutôt une instabilité.... Et même, pour être précis, la trace d'une instabilité, je m'explique.
En regardant les images satellites un détail, comme une anomalie, est perceptible: le voyez-vous sur l'image ci-dessus? Si vous ne l'avez pas repéré de suite, ne vous inquiétez pas: moi non plus il ne m'a pas sauté aux yeux!
La forme habituelle d'un dôme de lave est, dans des conditions optimales, bien arrondie. Or il est clair que le dôme de 2018 ne l'est pas. Ou, plus être plus juste, il ne l'est plus et son versant sud est pour ainsi dire parfaitement rectiligne! Il s'agit là de la trace d'un effondrement d'une partie de ce dôme.
Une petite comparaison d'images, prisent en novembre 2018 et mars 2019.
C'est à peu près 1/6ème du dôme qui a disparu, mais encore faut-il par quel mécanisme. Il est difficile de dater avec précision l'événement mais il se situe forcément entre le 16 décembre 2018 et le 09 janvier 2019, comme le montrent les images radar de SENTINEL 1.
On distingue bien, sur ce gif animé, la modification de forme du dôme de 2018. Images: SENTINE 1-ESA/Copernicus |
1- aucun lien entre la croissance du nouveau dôme et la destruction de l'ancien. Cet effondrement pourrait être le résultat d'une instabilité chronique liée au fait que ce dôme s'est mis en place en partie sous l'eau, c'est-à-dire sur une couche de sédiments meubles, gorgés d'eau, faciles à déformer et qui constituent une bonne "couche-savon". Le problème avec cette hypothèse, c'est que dans cette situation la partie la plus instable du dôme est celle qui est en aval. Le dôme devrait glisser vers l'aval, donc vers l'est! Et c'est la partie sud qui a disparu. Mauvais point donc, mais je remarque aussi que je ne connais pas la topographie sous-marine de cet édifice et pour peu qu'il y ait un autre relief sous-marin sur lequel ce dôme prendrait appuie, la donne en serait changée. Cette hypothèse est peu convaincante mais je n'ai pas de quoi la jeter à la poubelle non plus.
2- Il y a un lien indirecte avec la croissance du nouveau dôme. Le débit en magma est visqueux qui produit le dôme n'est pas très important et sa croissance n'est pas très dynamique (pas autant que celle du dôme au Shiveluch par exemple). Avant que les avalanches, et peut-être quelques écoulements pyroclastiques, ne se soient produits, il a probablement fallu un peu de temps et il ne serait pas impossible qu'une avalanche de gros volume, voir un écoulement un peu important, soit passé sur le dôme et ait provoqué la destruction de son versant sud. Il peut s'agir d'un impact directe (la nuée ou l'avalanche percute l'ancien dôme), mais peut-être aussi, et tout simplement, de la production de vagues puissantes (quand la nuée ou l'avalanche arrive en mer) qui déstabilisent l'ancien dôme à leur passage et provoquent l'effondrement. Inconvénient: aucune trace sur les images, il faudrait aller jeter un oeil directement sur l'ancien dôme pour trouver (peut-être) des traces, ce qui serait un peu rock'n roll quand même. Avantage: la zone effondrée est pile dans l'axe des écoulements! Bref: une hypothèse difficile à démontrer, mais la jeter à la benne ne serait pas non plus une bonne idée je pense.
3- Autre lien indirecte avec le nouveau dôme: si l'on regarde bien, l'ensemble de l'activité s'est déroulée, depuis janvier 2018, sur une alignement d'évents entre celui du sommet (où se forme le nouveau dôme), des évents où se produisaient des panaches de cendres en janvier 2018, et le dôme côtier ("ancien dôme" en partie effondré. Cet alignement traduit une zone de fragilité dans l'édifice et il n'est pas inenvisageable que cette zone fragile ait rejoué lors de la mise ne place du nouveau dôme, en raison de l'intrusion du magma visqueux. Si cet alignement ouest-est a rejoué, peut-être que des mouvements volcano-tectoniques ont pu fragiliser la partie sud de l'ancien dôme et provoquer son effondrement. Inconvénients: aucune données de déformations ou de sismicité pour étayer, là encore il faudrait aller chercher d'éventuelles traces directement sur place avec un beau travail de géologue de terrain en perspective!
Bref: beaucoup de questions, des tentatives de réponses et aucune certitude quand à la ou les cause(s) de cet effondrement!
Sources: SENTINEL 1 et 2 - ESA/Copernicus
Google Earth a enfin actualisé les images de la zone sommitale de Sangeang Api !
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